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D'Algérie - Djezaïr
Mouvement de réconciliation

Proposer une devise

"Il faut mettre ses principes dans les grandes choses, aux petites la miséricorde suffit." Albert Camus// "La vérité jaillira de l'apparente injustice." Albert Camus - la peste// "J'appelle à des Andalousies toujours recommencées, dont nous portons en nous à la fois les décombres amoncelés et l'intarissable espérance." Jacques Berque// « Mais quand on parle au peuple dans sa langue, il ouvre grand les oreilles. On parle de l'arabe, on parle du français, mais on oublie l'essentiel, ce qu'on appelle le berbère. Terme faux, venimeux même qui vient du mot 'barbare'. Pourquoi ne pas appeler les choses par leur nom? ne pas parler du 'Tamazirt', la langue, et d''Amazir', ce mot qui représente à la fois le lopin de terre, le pays et l'homme libre ? » Kateb Yacine// "le français est notre butin de guerre" Kateb Yacine.// "Primum non nocere" (d'abord ne pas nuire) Serment d'Hippocrate// " Rerum cognoscere causas" (heureux celui qui peut pénétrer le fond des choses) Virgile.// "Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde" Albert Camus.

D'Algérie-Djezaïr

Le MOUVEMENT D’Algérie-Djezaïr vient d’être officialisé par plus d’une centaine de membres fondateurs résidant dans le monde entier, ce 22 juin 2008 à Saint Denis (Paris - France). Il est ouvert à toutes celles et ceux qui voudront le rejoindre, natifs d'Algérie, et leurs descendants.

ORGANISATION

Elle est démocratique, c'est-à-dire horizontale, sans centralisme, et sans direction. Les décisions essentielles doivent être conformes à l’esprit du Texte Fondateur. Elles sont prises après larges consultations, où tous les membres donnent leurs opinions. Les règles internes sont arrêtées par les "adhérents". Pas de cotisations. Les groupes et le Mouvement trouvent les moyens de faire aboutir leurs actions.

Assia Djebar. Etude.

"nulle part dans la maison de mon père"

Etude de l'oeuvre de Assia Djebar.


ASSIA DJEBAR : Nulle part dans la maison de mon père.

Par Monsieur Guy Imart, ancien professeur à la faculte d'Aix-en-provence.

 

J’ai lu, sinon avec le plaisir sensuel que procurent certains livres, du moins avec un intérêt soutenu, complice et respectueux-mais sans complaisance-cet ouvrage essentiel de la nouvelle académicienne.
Le style, d’emblée, m’a déplu car marqué par le clinquant « intellectuel rive gauche », le snobisme le nom du nouveau roman, la volonté de « faire de la littérature : prose hachée, maniérée, redondante- artificielle en un mot car acrobatique, destinée à « en mettre plein la vue » aux francophones souchiens, comme c’est souvent le cas chez certains anciens colonisés : Plus français que moi, tu meurs.
Ce n’est là, bien sûr, que jugement personnel, de portée limitée donc. Des goûts et des couleurs…
Sur le fond, le problème est plus vaste et nous concerne tous.

On a souvent dit- et l’auteur insiste sur ce point, combien dans l’Algérie évoquée ici, si la vie publique se déroulait pour l’essentiel en commun, les vies en privé, des deux communautés restaient confinées au sein de chacune d’elle, sans guère d’interpénétration. Ce livre illustre parfaitement cette triste réalité, surtout en ce qui concerne la connaissance que pouvaient avoir les « Européens » de la vie privée, familiale, intime des « indigènes, même « occidentalisées » ;Car pour ce qui est de l’inverse, les autochtones bénéficiaient tant de l’habitude circum- méditerranéenne de vivre portes ouvertes que ce que certains d’entre eux appelaient l’ »impudeur » des Roumis.
Malgré les minauderies de l’écriture et la volonté d’être « à la page », on doit être reconnaissant à l’auteur de la franchise, parfois involontaire, toujours révélatrice avec laquelle elle dévoile un monde bien mal connu, souvent insoupçonné.

Encore faut-il préciser que cette autobiographie raisonnée ne sollicite pas en priorité une analyse littéraire. Je la perçois plutôt comme uns sorte de chronique de frustrations annoncées dont l’examen requiert les lumières de Freud, celles de sociologues et d’historiens bien plus que les dissections psychologiques d’un La Bruyère ou les recherches structurelles de la critique moderne.
Le thème sinon unique, du moins prédominant d’un tel examen s’impose à chaque page :la frustration et son avers, l’obsession. Obsession subie ou revendiquée, acceptée ou rejetée, condamnée ou justifiée (en sourdine) et ce dans tous les domaines.

Obsession sexuelle, d’abord, omniprésente, la plus évidente, la plus douloureuse, la plus lourde de conséquences, la plus mal subie. Non pas, certes, celle cajolée par tant d’auteurs modernes qui en ont fait leur fonds de commerce, s’appuyant sur un cocktail d’instincts primaires, de permissivité et de mauvais goût mais celle, plus spécifique, adossée, au contraire, à la répression.
A ce titre, elle apparaît non comme une source de dévoiement universel, mais bien comme quelque chose d’aussi consubstantiel, aussi « systémique » à l’Islam que la vodka à la Russie. Car elle découle de tabous et de ségrégations conjuguées, d’un pessimisme existentiel obsolète ; car, contrairement au texte de Tertullien que l’auteur cite dans son discours de réception à l’Académie comme une ultime et anachronique excuse, elle n’a jamais été dépassée, mais se renforce de nos jours ; car surtout elle est adossée au sacré, à un code prestigieux et intouchable, socialement prégnant dont la transgression est sanctionnée par la violence, voire par la mort et qui, sous couvert de décence, de fausse pudeur ou plutôt de pudibonderie, classe ontologiquement la femme non comme obstacle à la sainteté, mais comme objet de la volonté de puissance.
Ce problème- car la chose n’est jamais envisagée comme donnée objective, simplement physiologique de la vie- reste sous-jacent à tous les actes, à toutes les situations, crispant tous les rapports sociaux, familiaux, intimes, sorte de lave bouillonnante cachée au fond de la cheminée noire d’un volcan.
Obstacle incontournable aussi-et sans solution pour personne mais suscitant une inquisition permanente, réciproque, des hommes envers les femmes, des adultes envers les enfants, des vieux envers les adolescents, des citadins envers les ruraux, des riches envers les pauvres-et vice-versa. Tare sociologique à la fois subie et acceptée, source de délation collective, individuelle, malsaine et …clochemerlesque, mesquine, fouineuse, qui induit d’un côté un complexe machiste d’harpagon soupçonneux et hargneux, agrippé à un bien éternellement convoité, accaparé mais jamais vraiment obtenu et, de l’autre, une fausse soumission à cet apartheid de fait qui ouvre la porte à toutes les hypocrisies, à tous les fantasmes, à tous les dérèglements de la chair et surtout de l’esprit. On peut dire, comme de la peste chez les animaux de La fontaine, que tous en sont atteints.
Cet ouvrage ne dénonce , on le verra, que tardivement cet état de fait mais décrit bien les symptômes et les séquelles de cette schizophrénie collective et privée ainsi que les voies multiples empruntées pour s’en alléger, sinon s’en affranchir.
Un « détail », révélateur tout à la fois de l’incrustation omniprésente de LA question et du faux affranchissement que semble procurer à l’auteur son adhésion tardive à une largeur d’esprit mondaine, presque « people » : ce passage, gratuitement scabreux, relatant son pseudo-souvenir de bébé de dix-huit mois, perturbé dans son sommeil par les bruyants ébats amoureux de ses parents. Nul, même au berceau, n’échappe donc à la vigilance de ce Big Brother des mœurs dont les multiples interdits subtils, grossiers ou cocasses (la fillette de six-sept ans se faisant gronder pour avoir « montré ses jambes » en enfourchant sa bicyclette…) empoisonnent tous les rapports, avilissant, dénaturant tous les sentiments spontanés.

Obsession religieuse ensuite, encore que l’on hésite beaucoup à employer ici cet adjectif. D’où viennent, en effet, les comportements qu’on vient de décrire sinon d’une adhésion totale, tout au moins de l’acceptation passive d’un code social de conduite- ce à quoi, pour ceux qui le pratiquent au quotidien, sinon pour le théologien professionnel, semble se résumer un Islam dans lequel l’élément rituel, les tabous mentaux et sociaux , les règles juridiques, la tradition, la codification des rapports maîtres/sujets et conquérants/vaincus paraissent l’emporter de loin sur le problème d’un divin non-autoritaire, du spirituel(qui n’est pas le mystique), de l’éthique, de l’amour (non sélectif) du prochain, du droit du faible, etc.
Code imposé « par en haut », indiscutable, immuable depuis l’origine dans ses ambiguïtés mêmes et, qui plus est, tenu pour être seul porteur d’identité et donc facteur d’une solidarité strictement réduite à ceux qui l’observent, à l’exclusion des Autres. Non pas tellement parce que ceux qui l’enfreindraient culbuteraient dans la perdition du pêché mais surtout parce que le seul fait de ne pas le confesser les rejette en bloc dans l’irrémédiable malédiction de l’Impur.
A son tour, cette solidarité déclenche encore une autre obsession : sociologique, elle, particulièrement complexe.
Voici d’abord une première variante obsessionnelle, qu’on peut dire idéologique puisqu’ induite par un corps de principes a priori. Elle s’exprime par une méfiance, une gêne, une retenue envers l’Autre non-musulman, le Roumi, suspect d’impureté. Il ne s’agit pas-et l’on doit bien insister sur ce point- d’hostilité car le problème ne concerne pas l’individu, mais l’appartenance à une communauté : il y a eu, il y a et il aura ainsi, Dieu merci, de solides, sincères et émouvantes amitiés trans-communautaires. Il s’agit plutôt, parfois, d’une limite, variable selon les individus, dans les rapports que fixe la plus ou moins grande prégnance d’un can’t collectif ou, parfois encore, d’une appréhension sous-jacente d’avoir à rendre des comptes, d’être mal jugé, rejeté, au pire d’être tenu pour traître par les siens- car ce can’t islamique est impitoyable.
Comme l’Autre, dans divers domaines, peut présenter des aspects tentants- libérateurs, instructifs, drôles, etc- apparaît facilement un sentiment de frustration et on retombe rapidement dans le cycle infernal bien connu des complexes d’infériorité sublimés en complexes de supériorité, en orgueils divers avec donc développement à nouveau d’une schizophrénie individuelle ou collective. Laquelle ne manque pas de susciter, de la part justement de l’Autre, des contre-réactions plus ou moins intelligentes, selon les individus.
L’ensemble de ces complexes et de ces orgueils honteux apparaît clairement dans ce livre, tantôt franchement avoués, sincèrement reconnus, tantôt revendiqués, assumés, fusant d’autrefois subrepticement au détour d’une phrase, d’une remarque.

On accède ainsi à une seconde variante obsessionnelle : sociologique aussi, mais interne, elle, à cette communauté-cocon que l’auteur qualifie indifféremment de « musulmane », « indigène, « arabe », « nôtre », autant de termes tenus pour synonymes et opposés à « européen », « français », « colonial », « eux ».
D’emblée l’auteur, apparemment sans insister- mais en y revenant par petites touches- se présente comme relevant de la « bourgeoisie » de Césarée (Cherchell). Entrent (entraient ?) dans cette classe sociale ceux qui descendent- ou prétendent ou croient- descendre de chefs(de clans, de tribus), de dirigeants de confrérie plus tard de caïds, cadis, imams, etc. Tous, après 1830, se sont trouvés ramenés par le pouvoir militaro-administratif français au niveau de la masse uniforme. L’ère de la lutte armée une fois passée, beaucoup, pour conserver un certain standing social, par volonté d’efficacité, par souci sincère d’adaptation à la nouvelle réalité furent amenés à s’«occidentaliser » , « se franciser », devenir des « évolués ». Mais, par patriotisme- légitime, et aussi du fait du can’t collectif, ils s’efforcèrent d’entretenir au sein de leur communauté, en plus de l’occidentalisation qui, plus ou moins complètement, leur assurait promotion sociale et accès à la société européenne et officielle, un domaine, des traits particuliers de « supériorité » par rapport à la masse.
L ‘un de ces traits a été de se rattacher avec force à l’ethnie arabe, à se vouloir, comme, le temps venu, le clamera Boumedienne, « Arabes, Arabes, Arabes ».
De là une nouvelle obsession- ethnique-, idéologique elle aussi car dictée plus par un choix subjectif a priori que par la réalité historique.
A Cherchell/Tipasa surtout : région qui comprend une zone côtière intensément et durablement marquée par toute une série de populations et de cultures originaires des rives Nord de la Méditerranée et un hinterland montagneux (Zaccar, Dahra) où les îlots berbérophones en peau de léopard, restés nombreux et vivants au moins jusqu’à l’Indépendance, témoignent de la réalité ethnolinguistique autochtone primitive.
On relève à ce sujet que la grand-mère maternelle, si chérie par l’auteur, parlait parfois « une langue incompréhensible » sans que ce « détail » ait le moins du monde troublé la volonté de la jeune héroïne de s’affirmer avec fougue comme « arabe ». La filiation par les femmes est censée ne pas compter.

Obsession historique aussi, donc. « Arabe » est ici référence culturelle prestigieuse, axée sur l’Orient et c’est CE rapport à l’arabité qui est revendiqué par l’auteur, par son père, par Tarik. Elle permet, au Maghreb natal (un mot qui, quand même, signifie Occident) d’une part d’occulter tout ce qui dans un Andalus mythique (que l’auteur dit « nôtre »)  fut, au moins démographiquement, berbère et multiethnique, pluriculturel, d’oublier d’autre part les siècles de guerres implacables menées par l’Orient islamique contre les autochtones berbérophones (ses aïeux), puis de gommer la réalité de l’invasion bédouine du XIe siècle : un déferlement de tribus- disons turbulentes, dont l’aristocratie urbaine et marchande d’Arabie sut sagement se débarrasser en les envoyant guerroyer et piller au loin. Dans l’Algérie d’aujourd’hui le despotisme oriental du pouvoir, d’une part et le fanatisme obtus entretenu par une nébuleuse orientale n’est pas le fruit des bâtisseurs de Kairouan qui laissèrent largement intact le tissu sociologique berbérophone marqué par des siècles de culture a-islamique.
Chez l’auteur, cette référence, partiellement cérébrale, à une arabité orientale s’exprime par une tendance au pédantisme dans la connaissance, présentée comme intime, des plus infimes détails de la vie du Prophète, de ses proches, des hadiths, de la moindre nuance de telle sourate ainsi et peut-être surtout par une prétention au purisme linguistique : curiosité avide pour l’arabe coranique, classique, littéral, pré-islamique, savant-aristocratique donc aux dépens, au début au moins, du vernaculaire maternel.
Il n’est nullement question ici de mettre en doute la solidité de la culture linguistique arabe de l’auteur, mais de souligner qu’avant même que l’étude en ait fait, plus tard, un vrai sujet de vraie connaissance et admiration, il fallait , comme un « must » de classe, s’extasier sur les allitérations dans les hémistiches pré-islalmiques, quitte à en réclamer ensuite la version …voyellée.
Plus largement mais dans le même ordre, c’est le prestige de la médersa, de la culture arabe qui y est dispensée, des sciences coraniques qui finit chez la jouvencelle par l’emporter sur l’antipathie physique première et spontanée (moustaches, bière) et même plus tard sur la muflerie du macho.
Cette sorte de petite noblesse provinciale, déchue par l’intrusion de la France et qui peine, par le biais de l’intellectualité, à conserver son ascendant social souffre donc aussi d’une obsession que les marxistes d’hier auraient qualifiée « de classe ».
C’est elle qui transparaît épisodiquement sous forme d’un demi-mépris, d’une indifférence hautaine envers le petit peuple circum-méditerranéen – « colons », petits Blancs » issus de toute l’immense misère paysanne méridionale - , face auquel l‘auteur souligne les réactions paternelles d’amour^propre aux aguets. Mais la même distanciation affleure aussi dans son attitude empruntée, inconfortable vis- à- vis du petit peuple indigène. Et, comme il est de règle dans une société patriarcale, archaïque, contrastée et bientôt « bifurcated », ce petit peuple finira par lui faire peur.

Comment en arrive-t-on là ?
L’auteur ne le dit pas- et n’a pas à le dire dans un ouvrage dont ce n’est pas le sujet. Mais on peut esquisser une explication- bien sûr partielle- qui, elle, éclaire la suite de l’ouvrage.
Bloquée dans son ascension sociale et dans la quête de son identité par d’indiscutables préjugés européens Et par le can’t islamique, une partie de cette « bourgeoisie » tenta de réaliser un syncrétisme ad hoc en récupérant les notions modernes, « occidentales », de nationalisme et de démocratie mais tout en ravivant parallèlement le mythe d’une chevauchée islamique de (re)conquête à fortes connotations racistes et en présentant ce conglomérat comme l’expression essentielle d’une identité nationale exclusive ressuscitée. Ce mélange d’anachronismes et d’incompatibilités réussit peu à peu à mettre en branle des masses qui n’en demandaient pas tant mais souffraient d’incompréhensions multiples à leur égard.
Ces masses indigènes et trop souvent indigentes, longtemps prises entre deux feux, dûment manipulées par des professionnels du totalitarisme étatique et de la terreur, serviront de bélier à une fraction activiste minoritaire, certes « bourgeoise », mais aussi habile à exalter son versant révolutionnaire et nationaliste ainsi qu’à faire oublier son imprégnation occidentale. Des patriotes sincères et désintéressés, légitimement déçus tant par le jacobinisme obtus d’une gauche métropolitaine que par l’égoïsme suicidaire de barons locaux ou par le mythe obsolète d’une grandeur étatiste de la droite, se joignirent en action ou en intention à ce qui se révéla rapidement n’être qu’un cénacle mafieux, mais sans jamais accéder aux instances de décision, ni même pouvoir peser sur celles-ci.
S’engouffrant dans le cul de sac d’un socialisme étatique (tautologie) mi-soviétique, mi tiers-mondiste mâtiné d’islamisme militant, cette fraction, hétérogène conduisit rapidement le pays à une catastrophe telle qu’une partie précisément de la masse crut trouver son salut, déboussolée par ces minables prophètes, en s‘enfonçant plus profondément, à corps perdu, dans un tunnel obscurantiste mais apparemment rassurant, en s ‘adonnant donc à la composante de cet indigeste salmigondis socialo-islamiste qui lui semblait la plus accessible, la moins étrangère. Au nom de la « pureté » ainsi révélée et promise, il devint possible à une fraction de la fraction de jeter l’anathème sur une nomenklatura déconsidérée, devenue caste et que son occidentalisation poussée vouait désormais à être tenue pour kafir, haram, etc.
La boîte de Pandore d’un islamisme militant fanatique et amer ayant ainsi été ouverte, tout ceque le pays comptait de peu ou prou « occidentalisé » - en fait, les forces vives, y compris, en priorité, les purs et les sincères, otages et faire-valoir de l’Organisation avant d’en devenir les victimes- pouvait trembler. Nombreux, apeurés par les suites de leur propre imprudence, par des masses désormais « amok », se retrouvèrent acculés à l’exil et ne purent que se replier sur une France bonne âme, infiniment plus vivable et envers laquelle ils redécouvraient d’indéniables, profonds et ineffaçables affinités.

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Parvenus là, il faut, avant que de poursuivre, faire retour sur le livre et sur l’auteur.
Le premier amorce, à partir de la tentation-tentative de suicide qui y joue un rôle charnière, un tournant à presque 180°. La seconde - même si la distinction entre l’héroïne du livre et l’auteur n’est pas toujours claire-, non. Après la révélation de la véritable nature du « fiancé »- vrai « mari arabe » comme on disait là-bas (macho, autoritaire, égocentriste, violent) elle se soumet… en vraie « femme arabe » et doublement : d’abord par ce pseudo-suicide, abdication spontanée et irréfléchie des velléités antérieures d’indépendance, trop rudes à assumer, puis par un mariage de raison, de convenance, de lassitude qui ressemble beaucoup à un second suicide au long cours.
Pourtant, les moins de trente pages qui clôturent l’ouvrage révèlent chez l’auteur une transformation profonde, intime, une remise en cause globale du système, de la plupart des réflexes et des valeurs tenus jusque là pour constitutifs de son identité. Elle nous livre, en quelques formules lapidaires, le résultat brut,, mais on devine que l’évolution, tout au long d’une période qu’elle qualifie d’« années- tombeaux », fut longue, complexe, difficile et constitue l’armature de la charnière du livre.

Quel est le point de départ, la cause première de cette transformation ?

Ce n’est pas, on l’a vu, le contre-choc de la proximité de la mort, en octobre 1953. il y eût, bien sûr, aussi, sinon le déclenchement même de la guerre en novembre 1954, du moins la logique implacable de son déroulement qui marqua une étape importante. Et la rupture du mariage, vingt-et-un ans plus tard, en 1974, en fut une autre, symbolisant une accélération du processus de métamorphose, mais nullement son aboutissement. L’auteur, dans ces ultimes pages semble d’ailleurs promettre sur ces points un développement, en deux tomes à venir d’ « auto-analyse rétrospective ».
Le vrai tournant, abrupt, dont le Discours à l’Académie livre les résultats, nous est suggéré par le titre même du livre : Nulle part dans la maison de mon père. Cette image, vrai cri de douleur, dresse un double constat : celui d’un premier exil, physique, géographique dont la cause est claire- le drame des années non pas de braises mais bien de l’incendie sauvage du terrorisme islamiste et de contre-terrorisme militaro-policier ; celui aussi, consécutif, complémentaire, d’un second exil, intellectuel, conceptuel, « systématique » qui conduit l’auteur à ne plus se reconnaître chez elle nulle part dans son propre pays natal.
Entre ces deux dates- 1953 qui marque la rupture d’un équilibre premier, naturel, spontané, naïf et, disons, 1995-2000 qui parachève l’élaboration d’un nouvel équilibre réfléchi, lui, conquis, mérité- s’étire une période-palier placée sous le signe d’une dernière obsession-frustation : celle d’un dédoublement de la personnalité.

L’éloignement de la société algérienne dans sa réalité sociologique quotidienne, joint à l’irruption tragique de ce que V.S. Naipaul a si justement nommé « l’Islam de l’Amertume » (mais une amertume directement, logiquement, inéluctablement issue de « l’Islam de la Sérénité ») a conduit à ce que tout l’échafaudage se mit à tressauter, à pencher comme la Tour de Pise. Point de départ : ce qui constitua la base même du premier équilibre, du premier bonheur spontané de l’enfance, la matrice de la confiance en le père : la découverte qaue l’amour réciproque des parents est, dans cette société, une exception, une anomalie, quelque chose contraire à la tradition, aux convenances et constitue la violation de fait d’un de ses principes fondateurs. A partir de la prise de conscience de cette « séculaire pétrification entre les sexes », tout s’écroule comme un château de cartes, de proche en proche, non seulement au plan sociologique, mais en entraînant le pivot intime de son identité.
Le prestigieux diplômé  es sciences islamiques devient un « fat », le père épris des idéaux de 89 se révèle être doublé d’un « gardien de gynécée », « conducteur aveugle » dont les certitudes obsolètes déclenchent un « délire » conduisant au suicide ; les « bourgeois » se voient qualifiés de « hobereaux ». L’« immobilisme » provoque un «diktat de la crainte» aboutissant, au nom d’une « fausse pudeur » à la « lâcheté » qui maintient « emmurée » la moitié d’une population…Et l’auteur consacrera plusieurs paragraphes de son Discours à glorifier la libération (re-libération ?) de la femme algérienne asservie.
Il ne s’agit pas ici d’une déconstruction aveugle. La remise en cause sociologique débouche sur une remise en cause culturelle, sur une amorce de reconstruction.
Foin des engouements a priori : une étude sérieuse, scientifique de la culture, de la langue arabe aboutit à une préférence réfléchie accordée aux Eveilleurs- fort peu orthodoxes- du Maghreb, de l’Occident : Ibn Khaldoun, entre autres. Sur cette lancée on voit tout le passé, toute la culture pré-islamique, latine de la Numidie réintégrée dans le patrimoine national. Il y a là une chance de voir, enfin, se développer une interprétation authentiquement maghrébine et nationale de l’histoire et de la culture de la région.
Conséquence logique, l’auteur en vient à évoquer-retour contrit sur la grand-mère- ces paysannes de la montagne dont le berbère « fuse parfois au souvenir des douleurs écorchées », bref à re-assumer ses origines (son vrai nom : Fatima- Zohra Imalayène ne laisse aucun doute sur ce point) et donc à remettre en cause le dogme de l’exclusive arabité de l’Algérie. Et, avec lui, tous les comportements qui s’y rattachent ; car ce sont ceux-là mêmes, poussés à l’absurde de la cruauté par une instrumentalisation politicienne largement étrangère, qui constituent à la fois la source et l’expression de l’Apocalypse. Une Apocalypse qui a conduit, au moins, à prendre conscience du petit peuple fruste, parle biais de la peur qu’il inspire, puis à s’interroger plus largement sur toutes les distanciations-discriminations. En vient ainsi à se lézarder la carapace du can’t islamique : le wattman dont la réaction instantanée lui a sauvé la vie, l’auteur le sent tout à coup proche. Il est tiré de l’anonymat de l’Autre, redevient un être simple, neutre, débarrassé du halo de son « impureté » ontologique- mieux encore : un voisin, un habitant du même pays, reconnu comme tel et qualifié pour la première fois, de façon pertinente, d’un mot qui le rattache à ce pays commun et le distingue de ceux du Nord : Pied-noir.

C’est lui, ès qualités, qui sera joint dans le Discours, avec ses …osons un mot que l’auteur n’a pas osé employer mais auquel un autre Algérien, Boualem Sansal, de même facture, a su s’élever : compatriote à l’évocation du lourd passif de vies humaines écrasées, de sacrifices privés et publics innombrables et douloureux- cela sur les deux versants de ce déchirement.

Cette faille dans la solidarité exclusive, introvertie du can’t islamique, l’exil au quotidien (pas n’importe lequel qui aurait permis d’emporter, intacte, sa patrie à la semelle de ses souliers- mais en France) l’a, on le voit, élargie comme s’élargit dans un barrage une fissure, sous la pression même de l’élément qu’il prétend contenir.
On assiste donc, parmi les valeurs identitaires qui forment la personnalité de l’auteur, à une remise en cause qualitative de la composante « arabité », mais non sans entraîner un renforcement quantitatif de la composante « francité ».
Une très solide culture française, occidentale, devenue partie intégrante de son moi, nécessairement aussi une certaine aisance lui ayant évité le genre d’intégration qui se pratique dans nos banlieues, laissent apparaître une « assimilation par le haut », en citoyen du monde à ancrage parisien, ce qui confirme, on l’a vu, quelques tics d’écriture d’ailleurs finalement avoués : ceux qui  (flattent) ma dignité d’écrivain. D’écrivaine, dans mon cas, avec ce « e » au féminin qui inclinerait à la complaisance, pire à la pavane devant le miroir.

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Au terme donc de cette cure, tant forcée que revendiquée, d’auto- désintoxication, on ne peut que constater- en s’en félicitant- la disparition de l’algérianité de l’amertume, des frustrations au profit d’une algérianité de la sérénité dans la plupart des domaines : sociologique, religieux, historique, culturel, avec résolution des obsessions correspondantes.
De toutes- sauf une, dont la disparition consacrerait la fin du processus d’ « auto-dévoilement» .
On aura remarqué l’emploi répété, incantatoire, fétichiste du qualificatif « colonial » pour définir tout ce que l’auteur condamne, tout ce dont elle souffre dans l’Algérie de la période 1830-1962. L’adjectif disparaît des dernières vingt-sept pages, mais réapparaît, à la même époque, dans le Discours, à un moment donc où l’auteur, à l’évidence, ne croit plus ni au mythe de la libération, ni à la rhétorique officielle du pouvoir, ni à la vulgate politiquement correcte qui va avec.
Nous ne pourrions, tous, reconnaître à ce qualificatif un sens autre que subjectif que si l’auteur pouvait reprendre les thèmes de sa défense de la femme, par exemple, sur une place publique de Constantine, Tlemcen ou…Cherchell sans la certitude de voir son intervention s’achever par encore un « sourire kabyle »- audace qui aurait été plus facile, sans la même sanction, à « faire passer » et que d’ailleurs Camus, Mouloud Feraoun, Mohamed Dib et d’autres surent vulgariser dans l’Algérie … « coloniale ».
Les volumes à venir apporteront sans doute quelques éclaircissements sur cette rémanence. Sur le fond, et sans rien nier des erreurs, des injustices, des souffrances liées à ce système, on se contentera de relever combien cet adjectif à la mode- ambigu, qui plus est- est particulièrement mal venu dans ce cas, à moins d’admettre que le même mot puisse valablement caractériser des situations, des réalités aussi disparates que celles de l’Afrique Noire et de l’Algérie. Peut-être l’auteur, spécialiste de l’Antiquité, l’emploie-t-elle au sens qu’il a quand on parle de cette époque? Elle n’aura pas, alors, manqué de remarquer combien ce type de colonisation –je veux dire d’établissement de « colonies » (commerciales, militaires, de peuplement)- bien qu’il se soit certainement accompagné de la part des Phéniciens, des grecs, des Romains…et des Arabes, de massacres, injustices, spoliations, humiliations, etc…- n’entraîne pratiquement jamais les mêmes condamnations véhémentes et les indignations vertueuses réservées depuis un siècle à la colonisation européenne. Moins d’aigreur entretenue ( nous avons tous, un jour, été colonisés) aurait permis ici une dénonciation plus historiquement objective, moins conjoncturelle. A moins que, justement, dans une France désormais bien éloignée de l’ethnocentrisme souchien qui la caractérisait (« Comment peut-on être persan ? »), l’auteur se soit laissée influencer par le masochisme gourmand et bien pensant à la mode chez ses hôtes ?

Toujours est-il que cette imprécision lexicale entraîne malheureusement d’autres inexactitudes. Sans relancer le débat- vain, car trop plein d’anachronismes- sur le rôle des « Arabes » dans la transmission des connaissances antiques et le développement de la Renaissance européenne, limitons-nous à ola question linguistique en Algérie.
Par deux fois, sur ce point, apparaissent dans le Discours des accusations qui doivent être relevées- celles portant sur « la dépossession…l’exclusion dans l’enseignement de ses deux langues identitaires, le berbère séculaire et la langue arabe » et, plus loin, « le monolinguisme français institué en Algérie coloniale, tendant à dévaluer nos langues maternelles ».
Concernant d’abord le berbère (les berbères…) qu’il soit bien clairement dit que si ce patrimoine n’est pas entièrement disparu, occulté, nié, bafoué, méprisé par une scolastique arabe bornée, c‘est grâce à la piété filiale obstinée de ses locuteurs, efficacement relayée par des pères blancs, Charles de Foucauld, des officiers, des administrateurs, des instituteurs, des linguistes français, avec création, à l’Ecole des Langues Orientales, à Paris, d’une chaire de berbère. On ne peut à la fois accuser la France de berbérophilie coupable et d’indifférence.
Si ce vernaculaire ne fut guère utilisé par l’administration (je me souviens pourtant de documents- bilingues- en belle écriture tifinagh), cette négligence était due non à un mépris quelconque mais à la conjonction d’une lâcheté et dune impuissance : crainte d’être dûment accusée de « scinder les croyants », « de diviser pour régner », etc…et indiscutable impréparation intellectuelle, conceptuelle même, fortifiée par deux siècles de jacobinisme uniformisateur dans la France officielle- en Métropole comme au-delà – à simplement envisager le problème des vernaculaires.

En ce qui concerne les arabophones, le problème est partiellement différent et plus complexe. Mais il importe, là aussi, d’affirmer avec force que le peuple algérien (y compris la « bourgeoisie ») n’a pas eu à attendre 1830 pour être dépossédé d’un outil, d’une langue bien à lui, lui permettant d’exprimer ses sentiments.
La négligence, le mépris aristocratique de pseudo-élites scolastiques, l’absence d’un enseignement digne de ce nom, tout a conduit, des siècles durant, à faire de l’arabe « correct », « pur » une langue incompréhensible, morte, étrangère au peuple, claquemurée dans son hautain prestige et donc devenue langue de caste. Comment expliquer, sinon par un processus semblable à celui des »siècles obscurs » en Occident et ayant les mêmes causes, l’apparition, l’éclatement des arabes « dialectaux » ?
Et nul noir dessein, là encore, de la part de la France, pour dévaluer cet ensemble de variantes. Il y eut, parmi les premiers officiers, administrateurs, de vrais connaisseurs, voire des amoureux d’une langue qu’ils respectaient comme vecteur d’une vieille culture. Ils donnèrent naissance à des vocations qui finirent par constituer une école, dirigée par des maîtres dont le savoir rénovateur, la passion pour l’objet de leurs recherches finirent par en imposer même à ceux qui n’étaient pas loin de considérer qu’une langue sacrée ne devait pas relever de la compétence d’infidèles. C’est d’ailleurs à eux que l’auteur doit – et non à la Medersa- sa formation et c’est à eux qu’elle rend hommage.
Au niveau scolaire, l’arabe « classique » pouvait être choisi comme première langue et ces classes- celles que j’ai connues- comportaient autant d’élèves « européens » qu’ »indigènes » qui pouvaient, sur place à Alger ou à Paris, approfondir leurs connaissances. Quant à l’interdiction d’employer le vernaculaire au primaire (mais il suffit de lire les écrivains d’avant l’indépendance pour voir qu’elle n’était guère respectée dans le bled et n’entraînait guère de sanctions), elle concernait aussi bien le breton, l’occitan ou l’alsacien que le kabyle ou l’arabe. Elle reposait aussi sur une méthode pédagogique d’imprégnation qui a d’ailleurs donné des résultats culturellement remarquables sans guère gêner ceux qui le voulait dans la recherche de leurs racines.

Mais, au plus haut niveau décisionnel, au niveau administratif dans le bled, au niveau scolaire enfin, partout se posait la même question maudite, lancinante, antérieure à tout problème d’application : l’arabe « correct »- soit ! mais pour faire quoi ? Pire même : de quel arabe parlait-on ? Que faire d’un arabe « classique » dont l’utilisation pratique dans tous les domaines du quotidien aurait été aussi efficace que celle du latin en Basse Lozère au XIXe siècle, qu’il aurait fallu de toute façon adapter, amender, triturer avant que de pouvoir l’utiliser, puis l’enseigner à une population que des siècles d’incurie avait laissée dans l’ignorance ?
La France eut-elle dû ne serait-ce qu’essayer ? Mais n’était-ce pas, en priorité, le devoir des élites locales ?Et puis, il suffit d’observer les dégâts, l’échec patent subi, dans l’Algérie indépendante et farouchement arabophile, par la campagne d’ »arabisation » . En 1966, après trois ans d’intervention des « coopérants » égyptiens venus enseigner le beau parler aux ignares locaux, les murs d’Alger étaient couverts d’inscriptions : « Egyptiens, go home ! ». La suite fut pire encore.
En fait, ni officiels français, ni intellectuels arabophones, nul n’a jamais voulu, ni vraiment pu, du fait de la lourdeur de la tradition, s’attaquer au vrai problème : celui, d’abord de la délimitation de l’assiette des divers arabes- coranique, classique, littéral, etc ; celui, ensuite, du choix de l’idiome le mieux adapté aux besoins d’une nation moderne tout en lui étant consubstantiel.
Vieux problèmes qui, dans leur apparition comme dans l’absence de solution qui les caractérise encore, n’impliquent aucune « culpabilité coloniale », même si cette intrusion extérieure leur a valu de devenir urgents, voire explosifs. Partout dans le Dar ul Islam, depuis au moins la Campagne d’Egypte, les djadidistes (réformateurs) ont été contraints de céder le pas devant la morgue et souvent la menace de l’aristocratie scolastisque kadymiste (conservatrice), brandissant le caractère sacré de la langue pour enrayer tout aggiornamento et n’envisageant pour toute l’Umma, de Java à Nouakchott, qu’un …jacobinisme uniformisateur, lequel parut tout naturel aux officiels français.
La France, le « colonialisme » ne sont donc certes pas responsables d’une situation de négligence vieille de plusieurs siècles aboutissant à une diglossie perverse, laquelle exclut toute solution miracle rapide et surtout indolore.
Il semble bien que, très tôt, des officiers des Bureaux Arabes (dont beaucoup étaient des opposants au régime qu’ils représentaient, surtout en ce qui concerne le jacobinisme uniformisateur), plus tard des administrateurs de commune mixte, des colons, bref des familiers du bled, aient été les premiers à pressentir la nécessité, afin d’ »aller au peuple » (non pour mieux le soumettre, mais pour l’aider, le faire participer au lieu de l’intimider par les flonflons d’une rhétorique aussi majestueuse que vaine, pour souder aussi les deux composantes sociales dans une mutuelle compréhension) la nécessité de développer le vernaculaire, de le littériser, d’en faire une koïne, le vecteur d’une fusion, quitte à légitimement laisser au « littéral » le domaine du religieux et du spéculatif.
Mais s’ils avaient exprimé à haute voix ce qu’ils pratiquaient au quotidien, systématisé ce qu’ils entrevoyaient, si la hiérarchie locale avait repris, soutenu, officialisé ces velléités…à quel déferlement d’indignation n’aurait-on pas assisté (de la part des critiqueurs d’aujourd’hui), de quels noirs desseins la France n’aurait-elle pas été accusée…
Il est malvenu de reprocher à un pouvoir, lui-même conceptuellement mal équipé pour en voir les avantages, une non-action – une démission- dont tous les intellectuels algériens- y compris l’auteur, bien qu’elle dise s’être enfin »approchée de sa langue maternelle »- ne sont toujours pas prêts à relever le défi.
Face à un instrument d’intimidation, moins d’expression du peuple que d’impression sur le peuple, langue de bois exprimant une pensée de bois, domaine privilégié des effets de manche de la rhétorique du Pouvoir dont le bon peuple se gausse in petto dans sa langue à lui, chaude, vivante, mordante, pleine de complicité (on pense aux a parte en gascon contrebalançant les envolées des Diafoirus), face surtout actuellement à ce qui est devenu le vecteur de l’extrémisme et de l’ingérence étrangère il est vain de tenter de se défausser en lançant une passerelle idéologique vermoulue dans l’espoir de combler l’abîme séparant les revendications théoriques de l’arabophilie traditionnelle des rudes exigences pratiques du quotidien moderne. L’auteur, philologue professionnel, pouvait, mieux que quiconque, le comprendre.

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Infiniment plus sympathique, plus émouvante, plus humaine, plus chargée d’espoir pour l’avenir et propre à exaucer le « vœu final de shefa’ » - de guérison_ que nous attendons tous, est l’une des dernières phrases-clés du livre :
Je n’ai plus de maison de mon père…Je suis sans lieu là-bas – non point seulement parce’ que le père est mort- dans un pays dit libéré.
Ce requiem sur un pays perdu, nous pouvons tous le répéter. Car la folie idéologique générée par le slogan « la valise ou le cercueil » a fini par terrasser tous ceux, sans distinction, qui tenaient ce pays pour leur simplement parce qu’ils l’aimaient et ceux-là même aussi qui ne surent pas, d’emblée, en mesurer l’infamie universelle.
Un malheur partagé, après une vie partagée, voilà qui (re)crée des liens…
Terminons danscet esprit enn esquissant un parallèle entre l’œuvre- officielle, consacrée, récompensée- d’Assia Djebar, écrivain dont l’algérianité est pétrie de francité et celle – occultée, méconnue, sulfureuse, oubliée- de …si, du moins l’auteur accepte ce compagnonnage…son compatriote, Augustin Ibazizen, de même facture, dont la francité est entièrement pétrie d’algérianité.
« Mais ceci est une autre histoire ».

Guy Imart
Septembre 2008.

 

Wagner le 08.07.09 à 13:23 dans r/ Livres - Lu 1275 fois - Version imprimable
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