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D'Algérie - Djezaïr
Mouvement de réconciliation

Proposer une devise

"Il faut mettre ses principes dans les grandes choses, aux petites la miséricorde suffit." Albert Camus// "La vérité jaillira de l'apparente injustice." Albert Camus - la peste// "J'appelle à des Andalousies toujours recommencées, dont nous portons en nous à la fois les décombres amoncelés et l'intarissable espérance." Jacques Berque// « Mais quand on parle au peuple dans sa langue, il ouvre grand les oreilles. On parle de l'arabe, on parle du français, mais on oublie l'essentiel, ce qu'on appelle le berbère. Terme faux, venimeux même qui vient du mot 'barbare'. Pourquoi ne pas appeler les choses par leur nom? ne pas parler du 'Tamazirt', la langue, et d''Amazir', ce mot qui représente à la fois le lopin de terre, le pays et l'homme libre ? » Kateb Yacine// "le français est notre butin de guerre" Kateb Yacine.// "Primum non nocere" (d'abord ne pas nuire) Serment d'Hippocrate// " Rerum cognoscere causas" (heureux celui qui peut pénétrer le fond des choses) Virgile.// "Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde" Albert Camus.

D'Algérie-Djezaïr

Le MOUVEMENT D’Algérie-Djezaïr vient d’être officialisé par plus d’une centaine de membres fondateurs résidant dans le monde entier, ce 22 juin 2008 à Saint Denis (Paris - France). Il est ouvert à toutes celles et ceux qui voudront le rejoindre, natifs d'Algérie, et leurs descendants.

ORGANISATION

Elle est démocratique, c'est-à-dire horizontale, sans centralisme, et sans direction. Les décisions essentielles doivent être conformes à l’esprit du Texte Fondateur. Elles sont prises après larges consultations, où tous les membres donnent leurs opinions. Les règles internes sont arrêtées par les "adhérents". Pas de cotisations. Les groupes et le Mouvement trouvent les moyens de faire aboutir leurs actions.

Camus du point de vue d'un Algérien, d'Algérie, mais de Paris!

...ou comment tacler dans les tibias.Commentaires à la suite, régulièrement, en bas de page.

Bien sûr, on n'est pas obligé d'aimer (mais là ce n'est pas de cela dont il s'agit) Camus. Même si nous sommes très, très , très nombreux à l'aimer, même en Algérie.
Celui-ci le savait bien de son vivant, lui qui subit parfois des attaques, souvent de son milieu intellectuel (également des "siens"), comme autant de coups bas.
Mais, ce qui est certain c'est que le temps joue en sa faveur et qu'il est un des écrivains les plus lu au monde, le plus thèsé. Comme quoi !

Alors, parce que le point de vue suivant vaut son pesant de cacahuètes, je l'affiche en tant que tel et non pas à la suite d'autres commentaires où il pourrait se retrouver noyer afin que vous puissiez faire valoir votre point de vue également Non pas pour de la polémique stérile ou pour "défendre" Camus qui n'en a pas besoin, son oeuvre plaidant pour lui, plutôt pour contrecarrer de fallacieux arguments dont on nous repasse depuis 50 ans la même insipidité.
Nous sommes là face à un bel exercice de rhétorique, authentique provocation,  ne pouvant  "convaincre" que les ignorants, ou bien encore ceux se désaltérant à la même source (cela rassure et évite d'avoir à remmetre en question les certitudes sur lesquelles se bâtissent les mythes) polluée d'idéologie sectaire depuis des lustres, comme autant d'aveux d'échecs invitant à regarder ailleurs avec pour cible celle réutilisable à loisir du bouc-émissaire toujours à la mode quand le débat ne dépasse pas le plancher des vaches...

Je conseillerai à M Belaïd Abane de lire, ou de relire, "Le Premier Homme", "Chroniques algériennes 1939-1958" de Camus lui-même, mais aussi "Les ennemis complémentaires" de Germaine Tillion que l'on ne peut pas taxer de sectarisme, ed.Tirésias 2005 (nouvelle édition). On y apprend ce que Camus faisait, sans tapage, pour sauver la tête de ceux que Belaïd Abane fait appeler par Camus, "l' Arabe", lorsqu'ils furent condamner à mort pour assassinats. Ne pas oublier bien sûr le discours de Stockhlom, dans son entier pas par brides de phrase, lors du prix Nobel de 1957
Egalement "Camus ou les promesses de la vie" Daniel Rondeau éd.Mengès 2005. Et pour finir afin de mieux comprendre ces polémiques systématiques nous empoisonnant la vie depuis plusieurs décennies, la revue "Panoramiques", Guy Hennebelle, 1er trimestre 2003 "Algériens-Français : bientôt finis les enfantillages? Depuis 1830, trucages et coups tordus en tout genre", aussi le dernier Nouvel Observateur "Spécial Camus"...Que de saines lectures ! Cela ne pourra que lui ouvrir des horizons nouveaux autres que des plats réchauffés, réchauffés, indigestes.


23.11.2009

Belaid Abane parle de Albert Camus

Albert Camus vu par B.Abane

Cet article a été publié dans Histoire et mémoires, Littérature algérienne, litterature francophone catégorie et a Commenter à ce jour .
b abane tout prés Camus : entre la mère et la justice

Bélaïd Abane

Professeur de médecine, auteur de l’Algérie en guerre. Abane Ramdane et les fusils de la rébellion, L’Harmattan 2008.

Au moment où Nicolas Sarkozy, président de la république française, non sans quelques arrières pensées politiques pour les prochaines échéances électorales (régionales de 2010 et présidentielles de 2012), s’apprête à faire entrer l’écrivain Albert Camus au Panthéon, imitant en cela son prédécesseur Jacques Chirac qui honora durant ses mandats André Malraux et Alexandre Dumas, il paraît utile pour nous Algériens de revisiter la « pensée » de cet écrivain pied noir qui a assisté, bouche cousue ou à tout le moins avec une certaine désinvolture, au martyr du peuple algérien.

Colonialiste de bonne volonté ?

Une phrase de Kateb Yacine, au demeurant pleine d’indulgence à l’égard de l’écrivain pied noir, résume à elle seule la place qui est faite aux « indigènes » dans l’œuvre de Camus : « Je préfère un écrivain comme Faulkner qui est parfois raciste mais dont l’un des héros est un noir, à un Camus qui affiche des opinions anticolonialistes (sic) alors que les Algériens sont absents de son œuvre et que pour lui l’Algérie c’est Tipaza, un paysage… »

Concernant la revendication de liberté et d’indépendance de l’Algérie, le summum du délire camusien est atteint dans L’Express en 1958. « Il faut considérer la revendication d’indépendance nationale algérienne en partie comme une des manifestations de ce nouvel impérialisme arabe dont l’Egypte, présumant de ses forces, prétend prendre la tête, et que, pour le moment la Russie utilise à des fins de stratégie anti-occidentale » Même s’il ne fait que traduire la propagande du bloc colonialiste en périphrases ampoulées auxquelles il a habitué ses lecteurs, Camus fit preuve d’un aveuglement incurable tant sont patents et insupportables la misère et l’écrasement du peuple algérien. La lutte nationale arrivée à maturité n’avait nul besoin de cette « main étrangère » derrière laquelle se camoufle l’establishment colonial pour occulter un siècle d’abaissement subi sans relâche par les Algériens non sans de nombreuses tentatives de résistance. « L’impérialisme arabe…l’Egypte présumant de ses forces » ! Du bla-bla proféré moins de deux ans après l’offensive de l’impérialisme franco-britannique, réel celui là, et la déroute égyptienne devant l’agression israélienne. « Colonialiste de bonne volonté », disait de lui le philosophe Raymond Aron ! Colonialiste, certainement. De bonne volonté ? Même pas, comme nous allons le voir.

Le plus sardonique est cependant dans la littérature camusienne, qui regorge de poncifs et de clichés racistes. Les livres d’Albert Camus, qui en sont subtilement imprégnés, ont contribué à les propager de manière insoupçonnée. Il est temps de le souligner, l’œuvre de Camus est trempée dans le déni[1] et le mépris colonial envers les indigènes. Ainsi, dans La peste, « les Arabes » ne sont jamais nommés ; Dans L’étranger ils apparaissent sous la caricature de « l’Arabe fourbe », « sans densité et sans famille »[2], une lame effilée à la main. Comme des ombres floues et menaçantes dans L’exil et le royaume. Dans la femme adultère (L’exil et le royaume), Camus évoque les « piétinements incompréhensibles » des « Arabes ». Narrant les tribulations de Janine, son héroïne, dans le sud algérien, il écrit : « Elle s’arrêta, perçut un bruit d’élytres et derrière les lumières qui grossissaient, vit enfin d’énormes burnous sous lesquels étincelaient des roues fragiles de bicyclettes. Les burnous la frôlèrent… »

L’écrivain pied-noir a incontestablement participé à la fabrication de cette imagerie réductrice et caricaturale de « l’Arabe », et a l’incrustation dans l’imaginaire du Français métropolitain de ces représentations coloniales dévalorisantes ou négatives qui résistent encore à l’usure du temps : l’indigène, tantôt burnous ou djellaba en toile de fond, tantôt individu impénétrable et louche, toujours potentiellement dangereux.

Il y a pire que le mépris et le déni, la « bestialisation ». Dans la bouche du colon qu’indispose la promiscuité, les indigènes « pullulent ». « Le langage du colon quand il parle du colonisé, écrit Fanon dans les damnés de la terre, est un langage zoologique. On fait allusion…aux émanations de la ville indigène, aux hordes, à la puanteur, au pullulement, au « grenouillement », aux gesticulations. Le colon, quand il veut bien décrire et trouver le mot juste, se réfère constamment au bestiaire. »

Les mots du bestiaire ne sont cependant pas propres au colon. Albert Camus qui ne manquait pourtant pas de ressources ni de ressort littéraires, n’y échappait pas. Dans sa description de la Misère de la Kabylie, l’écrivain pied-noir évoquait « ces montagnes (qui) abritent dans leurs plis une population grouillante », et osera un parallèle avec les pays d’Europe dont « aucun ne présente un tel pullulement »[3].

Un « philosophe » à la posture communautariste

Le meilleur viendra cependant après le déclenchement de l’insurrection algérienne. Notamment durant le paroxysme de « la bataille d’Alger ». L’aveuglement de l’écrivain pied noir nobélisé est total, tant la posture est communautariste, aux antipodes de l’universalisme sartrien.

Légitimement préoccupé par « le destin des hommes et des femmes de (son) propre sang », l’écrivain pied-noir se refusera à « donner un alibi au fou criminel (sic) qui jettera sa bombe sur une foule innocente où se trouvent les miens »[4]. Evoquant « les représailles et les pratiques de torture » commises par son camp -« de notre côté », écrit-il- Camus les qualifiera de « fautes incalculables…qui risquent de justifier les crimes que l’on veut combattre ». Empêtré dans ce style pompeux qu’il affectionne, l’écrivain pied-noir ajoutera : « Et quelle est cette efficacité qui parvient à justifier ce qu’il y a de plus injustifiable chez l’adversaire… La torture a peut-être permis de retrouver trente bombes, au prix d’un certain honneur mais elle a suscité du même coup cinquante terroristes nouveaux qui, opérant autrement et ailleurs, feront mourir plus d’innocents encore. »

Soucieux de la réputation et de l’honneur français, camus ajoutera : « Même acceptée au nom du réalisme et de l’efficacité, la déchéance ici ne sert qu’à accabler notre pays à ses propres yeux et à ceux de l’étranger. » Froidement pragmatique Camus propose de « supprimer ces excès (sic) et les condamner publiquement pour éviter que chaque citoyen se sente responsable personnellement des exploits (resic) de quelques-uns ». Et l’écrivain d’expliquer avec un sens certain de la prémonition -une fois n’est pas coutume- que « ces beaux exploits préparent infailliblement la démoralisation de la France et l’abandon de l’Algérie ».

Conception étroite et partisane, que celle d’Albert Camus. Ainsi, la torture, les disparitions, les exécutions sommaires, la répression collective dans le bled, toutes ces atrocités, aussi réelles et oh combien plus massives que celles du FLN, Camus les enveloppait dans l’euphémisme de « beaux exploits ». Il ne les déplorait pas au nom de la justice et du droit, ni au nom des valeurs qui fondent l’universel français, ni même au nom de la morale et de l’humanisme, mais pour des raisons d’« efficacité » et de prestige national. Du reste, même quand il lui arrivait d’exprimer quelques récriminations, il prend bien soin de les délayer dans un pur concentré de langue de bois, avec, il faut le lui reconnaître, beaucoup de savoir-faire.

Comme en 1951, déjà, au moment où Claude Bourdet dénonçait sans détours ces pratiques de « la Gestapo en Algérie », appliquées à des militants nationalistes n’ayant encore commis aucune violence. Camus ne trouvait alors rien de mieux à faire que d’adresser au président du tribunal, une lettre où la manière de noyer le poisson est digne de figurer dans une anthologie du bla-bla. Jugeons en :

« La cause de la France en ce pays, si elle veut garder un sens et un avenir, ne saurait être que celle de la justice absolue. Et la justice, en cette occasion, pour être absolue, ne peut se passer de certitudes absolues. Et une accusation qui aurait la faiblesse de s’appuyer sur des sévices policiers jetterait immédiatement un doute sur la culpabilité qu’elle prenait en charge, pourtant de démontrer. »

Evoquant le terrorisme du FLN, Camus le qualifiait de « crime qu’on ne saurait ni excuser ni laisser se développer ». « Quelle que soit la cause que l’on défend, ajoute-t-il, elle restera toujours déshonorée par le massacre aveugle d’une foule innocente où le tueur sait d’avance qu’il atteindra la femme et l’enfant. »

Morale à sens unique, car Camus demeurera aveugle, sourd et muet quand il s’agit de crimes commis par les siens. Où était-il donc ce 10 août 1956, quand « l’horrible provocation » -pour reprendre une expression par lui utilisée après l’insurrection du Nord Constantinois- fut commise par les siens sur les habitants de la Casbah, mêlant sous les gravats enfants, femmes et vieillards dans le sang et la mort ?

Camus redoutait, on se demande pourquoi, « l’humiliation de 1 200 000 (sic) Français » que ne manquerait pas de générer, selon lui, la négociation avec le FLN et l’indépendance de l’Algérie[5]. Le même Camus, préférera pourtant détourner la tête de l’abaissement subi par les Algériens depuis plus d’un siècle. Pis, ses livres qui magnifient le paysage méditerranéen de l’Algérie, sont littéralement expurgés de ces fausses notes que semblaient être à ses yeux, les autochtones, quand ils n’apparaissaient pas sous les traits de spectres menaçants et malfaisants.

Camus regrettera également que les Algériens n’aient pas emprunté la voie de la non violence active et de la non coopération, pratiquée par le Mahatma Gandhi. « Gandhi, écrit-il, a prouvé qu’on pouvait lutter pour son peuple et vaincre, sans cesser un jour d’être estimable. » L’écrivain pied-noir ne demande pas au cavalier intraitable d’alléger un peu la charge. C’est à la « monture » éreintée qu’il recommande de continuer à supporter un peu plus, de patienter un peu plus longtemps. Le courage attendu du philosophe qu’il est censé être, aurait été naturellement, au nom de la franchise qu’on leur doit, d’interpeller les siens de les rappeler à l’ordre. Clairement, sans circonlocutions prudentes, sans périphrases tortueuses. Même si « la justice » importe moins que « la mère », le meilleur moyen de préserver cette dernière est parfois de la protéger contre elle-même, de ses propres excès. Car, côté algérien, on n’a d’autre choix que de se « cabrer » avec l’énergie du désespoir pour tenter de se libérer. Cela peut faire mal. C’est sans doute cela qu’a voulu exprimer Sartre, dans son élan provocateur, avec l’allégorie de « l’homme mort et de l’homme libre »[6].

Au demeurant, comme le rappellera Robert Barrat[7], que de fois les Algériens ont eu recours à cette voie gandhienne que conseille Camus :

« Qu’avaient fait d’autre…les Algériens depuis cent trente ans… Refus de l’impôt, de la conscription et de l’école française ? Qui sait en France que lors de la guerre contre l’Emir Abdelkader, des volontaires de la mort se présentaient à nos troupes, enchaînés l’un à l’autre comme les Bourgeois de Calais ? Ces moussebilines s’offraient à la vindicte des conquérants, espérant désarmer leur fureur. Mais la race des Bayard et des Turenne était déjà éteinte chez les soldats de l’époque. Ils décapitaient proprement ces martyrs de la non violence pour s’occuper ensuite en toute quiétude de leurs femmes et de leurs biens… On a vu quel sort l’administration française réserva en 1957 au vaste mouvement de résistance passive déclenché par le FLN avec la campagne de fermeture des boutiques et la grève scolaire. Les enfants de la Casbah furent embarqués de force en camions vers les écoles au son des orchestres militaires… Les rideaux de fer des boutiques musulmanes étaient arrachées par la troupe, leur contenu dispersé dans la rue et la foule européenne invitée au pillage… De semblables mesures ont-elles jamais été prises contre des fonctionnaires européens grévistes ? »

L’Etranger et l’inconscient colonial

En vérité Camus ne s’est jamais débarrassé de ses réflexes primaires bien enracinés dans son inconscient colonial. Par une de ces formules alambiquées dont il a le secret, il stigmatise « cette partie de notre opinion (les anticolonialistes, NDLA) qui pense obscurément que les Arabes ont acquis le droit d’égorger et de mutiler…des enfants européens ». Diable ! Il ne manquait aux « Arabes » que ce « droit » non encore inscrit dans le Code de l’Indigénat.

Englué dans le cliché raciste de « l’Arabe égorgeur » qu’il a tant contribué à enraciner dans l’opinion, avec, notamment, cette « imposture littéraire »[8]L’étranger- qui lui a valu le prix Nobel, Camus, étranger lui-même au malheur séculaire des Algériens, éludera toute réflexion, se détournera de toute analyse sur les racines profondes de la question algérienne. Alors que « les exploits » de la 10e DP étaient sur la place publique, était-il aveugle au point de marteler à Stockholm, ce 14 décembre 1957, sa « conviction la plus sincère qu’aucun gouvernement au monde ayant à traiter le problème algérien ne le ferait avec des fautes aussi minimes » ? Etait-il absent ? Non, puisqu’il ne cessera de condamner « le terrorisme qui s’exerce dans les rues d’Alger et qui, un jour, peut frapper (sa) mère et (sa) famille ». -

Même s’il dit croire à la justice, Camus raisonnait comme un citoyen lambda pour qui il était normal de préférer les siens aux indigènes et de « défendre sa mère avant la justice ». Comme le lui reprocheront ses amis, le Pied-Noir avait pris le pas, dès le départ, sur le philosophe, l’esprit communautariste sur l’idéal universaliste.

Camus avait-t-il d’ailleurs jamais senti ou voulu sentir de quel côté soufflait l’oppression ? Il n’est pas incongru aujourd’hui de se poser la question devant le mutisme sélectif d’un philosophe[9] qui demeurera « étranger » aux violences massives subies par le peuple algérien depuis le début de la « pacification », et surtout aux cris déchirants des suppliciés des caves d’Alger, durant l’année 1957. Ses contorsions intellectuelles, ses jongleries rhétoriques et sa compassion forcée sur « les injustices faites au peuple arabe », un prêche dans le désert. Inaudible pour les Algériens, lassés par les discours creux et les promesses d’un avenir sans contours. Inaudible, comme l’était sa « trêve civile », auprès des siens[10] dont une bonne partie n’y retrouvaient pas, il est vrai, leurs aspirations à la guerre à outrance.

L’écrivain pied-noir ne trouvera pas grâce, même aux yeux de l’intellectuel de droite, « nationaliste de rétraction » qu’est Raymond Aron. Même ce pragmatique, ni juste ni moral, lui reprochera de n’avoir jamais pu « s’élever au dessus de l’attitude du colonisateur de bonne volonté ».

Un immense fossé sépare l’universalisme libérateur de Sartre, de Jeanson, de Curiel et de tant d’autres « justes » réfractaires à une liberté sélective à deux vitesses, des pulsions grégaires d’un Albert Camus frileusement recroquevillé dans le giron de son ethnie. Les inconditionnels de la prose camusienne continueront cependant de s’extasier sur les « ruines de Tipaza » et de présenter comme le summum de l’humanisme, un soi disant « cri de révolte sur la misère de la Kabylie »[11].



[1] Kateb Yacine. Un homme, une œuvre, un pays, entretien à Voies multiples, Laphomic, 1986.

[2] Edouard W. Saïd, Albert Camus ou l’inconscient colonial, Le Monde diplomatique, novembre 2000.

[3] Chroniques algériennes, Gallimard.

[4] Idem.

[5] Ibid.

[6] Dans sa préface à un ouvrage de Frantz Fanon (Les damnés de la terre, Maspero, 1961), Sartre qui est sans doute avec Francis Jeanson, l’intellectuel français qui a le mieux saisi les mécanismes de l’oppression coloniale, écrit : « Abattre un Européen, c’est faire d’une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé ; restent un homme mort et un homme libre. »

[7] Journaliste anticolonialiste proche de la cause algérienne.

[8] L’expression est de Sartre. On ne sait si le philosophe existentialiste critiquait le mode de construction à l’américaine de L’étranger, son écriture au passé composé, ou s’il doutait du caractère authentiquement fictif de l’œuvre. Avait-il connaissance de ces étranges affinités entre ce roman bizarre qui a rendu célèbre l’écrivain pied-noir, et l’œuvre géniale d’un écrivain juif autrichien, Stefan Zweig. Bizarres autant qu’étranges, en effet, ces similitudes entre Meursault, l’étrange héros assassin de Camus, et le personnage récurrent, « l’étranger », de l’œuvre de Zweig. Selon Leïla Benmansour (El Watan des 23 et 24 avril 2006), L’Etranger serait, non pas une création fictive, mais une construction sur la base des cinq nouvelles de Stefan Zweig (Le joueur d’échec, Amok ou le fou de Malaisie, Lettre d’une inconnue, Ruelle au clair de lune et Vingt-quatre heures de la vie d’une femme). Pour l’universitaire algérienne, le remords aurait tourmenté Camus au point de « le plonger dans un malaise grandissant, atteignant la dépression, alors que tout lui souriait ». Camus n’aura pas le courage d’évoquer l’œuvre de Zweig. Mais, en parlant de son prix Nobel, lors d’une conférence à Stockholm sur le mensonge dans l’art, il lancera à une assistance intriguée, cette phrase énigmatique : « Cette récompense dépasse mes mérites personnels. »

[9] Sartre aurait raillé « la philosophie facile » « pour classes terminales » de Camus.

[10] Ce sont des Pieds-noirs qui huent Camus, le menacent et torpillent sa conférence sur la trêve civile au début de l’année 1956 à Alger.

[11] Jean Jacques Gonzales, Une utopie méditerranéenne. Albert Camus et l’Algérie en guerre. In Mohammed Harbi et Benjamin Stora, La guerre d’Algérie. La fin de l’amnésie, Robert Laffont, 2004.

rapporté par Abdenour Si Hadj Mhand

ecrivain

www.editionmonde.com

..... J'ai envoyé  le texte de Belaid Abane à des amis camusiens. J'ai de bonnes réponses. R G m'a appelé aussitôt. Il reconnaissait les calomnies habituelles, y compris Zwveig plagié.. Ce texte est d'une rare violence.

JVL


Un point de vue en direct d'Algérie:

Camus,  d’un ailleurs à un autre ? 

Ta voiture blanche, comme Alger,   a quitté la route comme l’on quitte  son pays. Ta vie, vide de Bab El Oued a glissé par un regrettable et ‘’fatal’’ contrecoup d’une autre  existence faite d’un autre ailleurs , dans le silence inhabituel  cassé par le vrombissement du moteur  brusquement stoppé loin des brouhahas   et des tumultes de la place du Gouvernement,  des rues  de Bab Azoun  et de Rovigo, des fumées de poissons grillés chez Sauveur, de la Moutonnière  et des sables  du front de mer..     Tu me rappelles Cerdan, lui dans les airs  et toi sur le bitume, la mort a choisi pour vous seulement le moment. La vitesse a eu raison de vous deux.  Maintenant que tu n’habites plus ton corps, que  penses-tu du Panthéon ? Cet espace  de sélection  où personne  de ses locataires  n’avait choisi d’y être, agencé comme site de décantation de mémoires  à  portes ouvertes  sur   l’au-delà.  Ton parcours  sinueux,  où s’égrènent , ta mère, ton quartier , ton journal,  ta cigarette, ta ville, ton pays,  ton Nobel,  se continue  mais sans toi et sans  perdre  aucune de ses balises.  Tu seras près de Voltaire, de Malraux  et Napoléon, c’est une place de choix,  bardée de marbre quand même froid  et trop plat.  Je sais que tu risques la claustrophobie  du lieu  alors refuse,   cela te francise davantage.  Ton entrée dans ce temple comptabiliserait  ta deuxième sortie d’Algérie, chez toi. Reste  l’icône  même  incomprise d’une pluralité  de ce côté-ci  de la rive. Ne t’éloigne pas davantage, l’amarrage post colonial de ta patrie  à un Orient  dont seul le soleil échappe,  quotidiennement,  à sa censure, perdure ; là où frère et ennemi se tutoient.  Tu es  mieux à mi-chemin entre Alger et le Panthéon. Oui, ce transfert  m’attriste et rend illusoire mon souhait  de te ramener, un jour, à Alger  depuis longtemps vide de toi. Cela m’éloigne de l’autre espoir de  rapatrier Saint Augustin. Ainsi l’Algérie, se pare-t-elle d’un Saint et d’un Nobel. Sais-tu l’autre signification de ton nom: Qamous se dit dictionnaire en arabe. L’absence de réponse  quasi certaine  de ta part me fige dans l’absurde, sans  chercher  ‘’la fracture  entre le monde et ton esprit’’ cet esprit que je voudrais récupérer ,  pour la diversité  civilisationnelle  que doit, absolument,  retrouver  mon pays.

 A K

Chers amis

J'ai lu avec attention l'article de monsieur Abane. Vous souhaitez une réaction des "Camusiens". Il me semble que ce libelle ne mérite aucune réponse. Ce monsieur me paraît animé autant par la haine que par la mauvaise foi, et rectifier ses erreurs serait une perte de temps. En bonne "Camusienne", j'accepte le dialogue mais je refuse la polémique.

Bien à vous

Marie-Thérèse BLONDEAU
Membre de la Société des Etudes Camusiennes
Collaboratrice à la nouvelle édition de la Pléiade Camus

 




Wagner le 25.11.09 à 14:57 dans d/ Nos écrivains célèbres. - Lu 1377 fois - Version imprimable
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