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D'Algérie - Djezaïr
Mouvement de réconciliation

Proposer une devise

"Il faut mettre ses principes dans les grandes choses, aux petites la miséricorde suffit." Albert Camus// "La vérité jaillira de l'apparente injustice." Albert Camus - la peste// "J'appelle à des Andalousies toujours recommencées, dont nous portons en nous à la fois les décombres amoncelés et l'intarissable espérance." Jacques Berque// « Mais quand on parle au peuple dans sa langue, il ouvre grand les oreilles. On parle de l'arabe, on parle du français, mais on oublie l'essentiel, ce qu'on appelle le berbère. Terme faux, venimeux même qui vient du mot 'barbare'. Pourquoi ne pas appeler les choses par leur nom? ne pas parler du 'Tamazirt', la langue, et d''Amazir', ce mot qui représente à la fois le lopin de terre, le pays et l'homme libre ? » Kateb Yacine// "le français est notre butin de guerre" Kateb Yacine.// "Primum non nocere" (d'abord ne pas nuire) Serment d'Hippocrate// " Rerum cognoscere causas" (heureux celui qui peut pénétrer le fond des choses) Virgile.// "Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde" Albert Camus.

D'Algérie-Djezaïr

Le MOUVEMENT D’Algérie-Djezaïr vient d’être officialisé par plus d’une centaine de membres fondateurs résidant dans le monde entier, ce 22 juin 2008 à Saint Denis (Paris - France). Il est ouvert à toutes celles et ceux qui voudront le rejoindre, natifs d'Algérie, et leurs descendants.

ORGANISATION

Elle est démocratique, c'est-à-dire horizontale, sans centralisme, et sans direction. Les décisions essentielles doivent être conformes à l’esprit du Texte Fondateur. Elles sont prises après larges consultations, où tous les membres donnent leurs opinions. Les règles internes sont arrêtées par les "adhérents". Pas de cotisations. Les groupes et le Mouvement trouvent les moyens de faire aboutir leurs actions.

Critique du livre de Claire Mauss-Copeaux "Algérie 20 août 1955" Ed Payot 2011.

Par Roger vétillard, écrivain, historien.

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A propos du livre de Claire Mauss-Copeaux : Algérie 20 août 1955 – Payot éd. – Paris 2011 – 279 p ISBN 978-2-228-90605-0
Le 20 aout 1955 à midi dans le nord-constantinois de Collo à Jemmapes et de Philippeville à Constantine et Guelma, l'ALN sous le commandement de Zighoud Youcef déclenche un soulèvement dans 30 localités. Les victimes seront nombreuses (135 parmi les européens, 45 chez les militaires français, au moins 36 musulmans francophiles d'un côté – de 1265 à 12000 algériens musulmans de l'autre). Cet épisode important n'a curieusement donné lieu jusqu'à présent qu'à des rares articles d'historiens1.
Cette étude (CMC) est le premier ouvrage consacré au 20 août 1955 dans le Nord-Constantinois. Elle est loin d'être exhaustive. En effet ce sont 40 localités qui ont subi ce jour là des assauts des troupes armées de l'ALN encadrant des civils sommairement équipés d'armes de chasse ou d'armes blanches. Or cet ouvrage est centré sur El Halia et Ain Abid, accessoirement sur Philippeville et quelques pages sont consacrées à Guelma, Collo, Le Khroubs.
Le récit de CMC a pour objectif évident de banaliser les exactions de l'ALN et de dramatiser les réactions de la population européenne et la répression militaire. On peut reconnaître que de nombreux récits de français d'Algérie et des articles de la presse amplifient jusqu'à la démesure les exactions des émeutiers2. Le massacre d'El Halia abusivement qualifié "d'Ouradour algérien" a été souvent mis en avant et le nombre des européens tués dans ce village minier volontiers exagéré. A juste raison, CMC relève les bilans majorés, les généralisations abusives, les témoignages erronés, le recours aux fantasmes, mais je dois constater qu'elle tombe parfois dans le même travers (récit des événements du 21 août à Guelma ou stéréotype du "colon" pied-noir milicien, raciste, tueur témoignages tardifs et douteux rapidement entérinés3). Bien sûr en fin de l'ouvrage, il est reconnu qu'il n'y a eu que quelques européens qui se sont engagés dans des actes criminels4, mais ce n'est pas clair dans le reste de l'ouvrage. Par ailleurs, nulle part il n'est suggéré la mise en oeuvre du Djihad alors que tous nos interlocuteurs algériens l'évoquent spontanément. Il faut reconnaître qu'il s'agissait d'une réelle insurrection et que les insurgés étaient suffisamment armés pour pouvoir tuer quarante-cinq membres des forces de l'ordre et en blesser une trentaine au moins5.
L'ouvrage manque d'impartialité, il adopte trop souvent la présentation déséquilibrée de certaines écritures algériennes ou anticolonialistes militantes. Ainsi pour CMC il n'y aurait eu que 3 civils européens tués6 par les indépendantistes entre le 1er novembre 1954 et le 20 août 1955 : l'instituteur Monnerot le 1er novembre 1954, l'administrateur Dupuis le 25 mai 1955 et monsieur Shutz. Les consignes ordonnaient de ne pas s'attaquer aux civils européens7. C'est un peu court : que fait-elle des 2 autres civils musulmans et du jeune François Laurent tués le 1er novembre 1954, de Saad Khahouane président de la djemaa de Jemmapes tué le 8 mai 1955, de Lahcen Lahouer assassiné à Constantine le 7 mai 1955, de messieurs Albert Lombardo et Maurice Cecchi enlevés et tués le 6 juillet 1955 à Philippeville, de l'attentat du 10 juillet contre monsieur Duplan à Saint Charles? Il est possible de donner d'autres noms. Pour ma part, sans avoir fait de recherches particulières j'ai relevé dans le seul Est algérien plus de 120 civils musulmans et au moins 12 européens victimes des indépendantistes durant ces neuf mois8. On ne peut donc pas dire que les civils ont été épargnés. Une étude sérieuse se serait abstenue de lancer une telle affirmation.
1 Charles Robert Ageron en 1992 et récemment Benjamin Stora (Historical Reflections – vol 16 – Number 2 – Summer 2010 – pp 97/107
2 En particulier, le récit du massacre de la famille Mello à Ain Abid est très souvent inexact comme le prouve le témoignage d'un des survivants. Parfois même certaines plumes le situent à El Halia.
3 Pour avoir vécu mon enfance et mon adolescence dans l'Est algérien, je n'ai pas le souvenir d'avoir vu dans les foyers autant d'armes à feu qu'il est dit (p55).
4 p 230;
5 Je donne dans l'ouvrage que je vais publier les noms, prénoms et lieux de décès ou de blessures de chacun d'eux.
6 pp 90/91
7 cf p 58 et p90.
8 Voir récapitulatif ci-joint (extraits de la Dépêche de Constantine et de l'Est Algérien).
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Je travaille, comme plusieurs historiens amis le savent, depuis novembre 2007 sur ces événements9, et ma critique est fondée sur des documents, témoignages et déclarations que j'ai tentés de croiser pour démêler l'authentique du chimérique. Je publierai très bientôt le résultat de ces recherches.
Concernant El Halia, CMC retient pour essentiel et incontestable le témoignage de Brahim Ayachi (BA) pour reconstruire le film des événements du 20 août dans ce village minier. Pour lui, les assassinats d'El Halia sont consécutifs à la mort d'un responsable de l'ALN tué par un européen alors qu'aucun des pieds-noirs du village n'aurait été menacé. Je fais ici plusieurs remarques :
- B.A ne dit pas que dès les premiers instants le magasinier musulman chargé de garder les explosifs de la mine a été tué, tout comme trois européens qui arrivaient dans des véhicules au village et il reconnait que le moudjahid Amira Ammar qui commandait l'opération et qui a été abattu par monsieur Alamo le maçon voulait tuer le directeur de la mine, monsieur Roger Revenu10. On peut comprendre qu'après cela, quand on voit arriver un agresseur le fusil à la main, comme le reconnaît BA, on n'hésite pas à tirer sur lui.
- Plus loin BA (et CMC à sa suite) affirme que les "sétifiens" (en fait un groupe d'ouvriers qui étaient originaires de la région de M'Sila) étaient arrivés à El Halia à la suite du soulèvement du 8 mai 1945 et de la répression qui a suivi (p116). Ce n'est pas exact11. La région de M'Sila située à 100 km au sud-ouest de Sétif n'a pas été affectée par les événements et la répression de mai 194512. Et les "sétifiens" sont pour l'essentiel arrivés à El Halia avant le début de la seconde guerre mondiale. Dire que monsieur Revenu le directeur de la mine les aurait fait venir (p 143) est faux d'autant plus que monsieur Revenu avait 34 ans en 1955 et était à El Halia depuis moins d'un an. Paradoxalement, BA se méfiait des "sétifiens"13 (p143) et a préféré ne pas en recruter car dit-il, ils n'étaient là que pour gagner de quoi manger et le combat politique ne les intéressait pas, ce qui confirme d'une certaine façon qu'ils n'ont pas été directement concernés par les événements de mai 1945.
- BA et CMC disent que les 120 européens étaient tous armés et se sont défendus. Si tel était le cas compte-tenu du nombre de personnes concernées, du temps pendant lequel les assaillants ont occupé la rue, du nombre de maisons visitées comment se fait-il qu'il n'y ait eu qu'une victime parmi les assaillants et plus de quarante parmi les ouvriers agressés. Pourquoi donc les français qui étaient armés n'auraient-ils pas utilisé leurs armes et fait plus de victimes?
- Un de mes correspondants préfère garder l'anonymat "parce que, me dit-il, B.A est un ancien haut fonctionnaire du Ministère de la Santé et il peut me nuire" mais il est convaincu que BA n'a pas joué le rôle qu'il s'attribue le 20 août. "Je ne me pas souviens de tous ceux qui étaient avec nous. B.A je le connaissais parce qu'il était syndicaliste. Mais les chefs ce jour là, je sais qui ils étaient et B.A n'était pas un de ceux-là. Je ne dis pas qu'il n'était pas à El Halia, je ne les ai pas tous reconnus, mais je dis qu'il n'était pas un chef. Je m'en souviendrai. Mon chef ce jour là s'appelait Mokrane Mohammed. J'ai eu pour chef ensuite le professeur Mahfoud Bennoune et tout ce qu'il a dit et écrit, lui, est vrai. Tous ceux qui étaient des chefs en 1955 ont terminé la guerre de libération au grade de commandant ou colonel. Pas lui". Cette suspicion envers BA est certes signalée par CMC (p139) quand elle écrit "B.A, le chef du groupe d'El Alia est un des acteurs de l'événement. Pourtant, les mémorialistes et les historiens algériens se taisent le plus souvent à son propos. Dans ses mémoires, Ali Kafi (qui était un des adjoints de Zighout Youcef) cite un certain nombre de responsables de la région, mais ne le mentionne pas". Mais peu lui chaut, elle ne s'interroge pas sur cette attitude, même si parmi les nombreux noms que je livrerai dans mon prochain ouvrage celui de BA n'apparaît pas.
- Il est curieux que B.A ait attendu août 2005, soit un demi-siècle, pour donner sa version du 20 août 1955, qu'il ait laissé s'exprimer pendant cinquante ans sans les contredire des journalistes comme
9 Je publierai dans quelques mois un ouvrage intitulé "20 août 1955 dans le nord-constantinois : le tournant de la guerre d'Algérie?"
10 p 145
11 cf Sétif – Guelma mai 1945 – Roger Vétillard – Ed. de Paris – Versailles février 2011
12 Il s'agit ici d'un amalgame facile et incorrect par l'utilisation abusive du terme de sétifien et le recours non pertinent aux souvenirs d'événements érigés en archétype des massacres coloniaux.
13 Comme me le fait remarquer mon interlocuteur, CMC oublie que les "sétifiens" étaient des berbères dont l'entente avec les arabes n'était pas toujours évidente.
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Boukhalfa Amazit14, des intellectuels comme le professeur Mahfoud Bennoune,15 ancien capitaine de l'ALN dans la Willaya II, chercheur scientifique, professeur à l'université de Michigan, économiste, anthropologue et historien ou des militaires comme le colonel Salah Boudnider acteur de ces journées16. Est-ce parce que le Pr Bennoune est décédé en mai 2004 et le colonel Boubnider en décembre 2007 que BA retrouve ses souvenirs et décide de les faire connaître?
- Par ailleurs, une enquête sérieuse aurait permis à CMC de savoir que le camp de Péhau n'était pas une base opérationnelle. La compagnie qui y séjournait était en instruction. Il n'était pas prévu que ces hommes puissent intervenir. Et on ne peut leur reprocher de n'avoir pas agi de façon organisée, car, ainsi que me l'ont révélé deux anciens officiers de ce camp présents ce jour là, tous les hommes non encore préparés à cette mission ont été volontaires pour aller au secours des villageois assiégés quand Roger Revenu les a prévenus.
Pour Ain Abid, l'argumentaire de CMC repose sur un témoignage qui parle d'une vengeance familiale ou politique sans que soit faite la part des choses. La famille Mello a été visée parce que le chef de famille aurait dénoncé un dénommé Ounissa aux forces de l'ordre et que la même famille aurait participé lors des dernières élections municipales à des manipulations électorales. Après avoir lu ce récit17 j'ai interrogé plusieurs de mes correspondants. Il est exact le maire du village Monsieur Debernardi, que l'on donnait pour être un ami de Si Salah18, était très estimé des algériens musulmans, mais il avait été élu deux ans auparavant par les Européens. Aucune des trois personnes interrogées ne se souvient de la mort de Si Messaoud Ounissa. Un de ces témoins (A.C) qui réside désormais à Alger me rappelle trois jours plus tard pour me dire que le corps de cet homme aurait été retrouvé dans un champ après un engagement avec l'armée, mais qu'il ne se souvient pas (il avait 18 ans en 1954) avoir entendu parler de l'éventuelle responsabilité de la famille Mello. Et les "anciens" interrogés n'ont pas de souvenir précis à ce sujet. D'autre part, il y a eu dix européens19 tués à Ain Abid dont seuls quatre (peut-être cinq avec un apparenté) appartenaient à la famille Mello. Il y a eu 6 blessés dont deux appartenaient à cette famille. Faut-il entériner la version de la vengeance familiale? Je suis circonspect et laisse le soin aux lecteurs de se faire une opinion lorsqu'ils auront lu les deux relations de cette journée à Ain Abid, celle de CMC et la mienne. En ce qui me concerne, compte-tenu des éléments dont je dispose, je ne suis pas convaincu par la démonstration de Claire Mauss-Copeaux.
Plus loin (p180), elle entérine sans approfondir l'histoire d'une scène filmée par un opérateur de la Fox-Moviétone. Son information reste sommaire : cette séquence a été tournée le 26 août (et non le 21 comme elle l'écrit) et l'histoire n'est pas aussi simple qu'elle semble le croire. Mon enquête évoque un montage plus qu'une réalité et donne l'identité du gendarme qui n'est pas celle dont elle livre les initiales. L'enquête de Fabrice d'Almeida à laquelle elle renvoie ne prend pas en compte les données postérieures à sa publication, notamment les interviewes télévisées de Georges Chassagne en février et juin 2000.
En ce qui concerne Guelma, je me permets de dire à CMC que cette ville faisait bien partie de la Zone II (future Willaya II), ce qu'elle parait ignorer (p231). Les responsables de cette ville et sa région Chérif ZadiI et Abdesselam Bakhouche ont été nommés par Youcef Zighout. Ils n'auraient pas respecté les directives lors de ces journées d'août 1955 ce qui a entrainé leur condamnation à mort le 1er novembre 1955 par le conseil de la Zone II.
14 http://algerietele.centerblog.net/2211-zighout-youcef-et-le-20-aout-1955.
15 Mahfoud Bennoune in El Watan n° 2358 - 2359 - 2360 - 2361 des 23 au 26 août 1998.
16 Entretien avec le Colonel Salah Boubnider in El Watan n° 4124 du 17 juin 2004.
17 Claire Mauss-Copeaux : op. cit pp 162/162.
18 Ben Rabeh Mohamed Zamoum dit Si Salah, commandant de la willaya 4 a voulu négocier avec De Gaulle "la paix des braves". Il fut tué le 20 juillet 1961 lors d'un accrochage avec l'armée française (cf. Maurice Faivre : Archives inédites de la politique algérienne pp 102/104 – l'Harmattan éd. Paris – 2000 – 432p ).
19 Huit selon les rapports de la gendarmerie.
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Le récit rocambolesque de Marcel20 (p 224/225) n'est pas entériné par trois témoins : 2 civils Abdellah M. et Philippe J. et un militaire Charley G. Abdellah M. me dit 21" J'avais 17 ans, je préparais le premier bac. Le dimanche, les rues étaient pleines de militaires et de policiers en armes. Je n'ai pas vu d'half-tracks ni de chars. J'habitais rue Négrier non loin de l'immeuble en démolition qui avait peut-être été un hôtel et dans lequel des hommes de l'ALN se sont réfugiés. Nous avons entendu des coups de feu vers 18 heures et pendant plus d'une heure. Les bruits de véhicules militaires ont cessé vers 21 heures. Dans la nuit, nous n'avons pas entendu de bruit particulier. Le lundi matin c'était les vacances et j'étais chez moi. Vers 8 heures, j'ai vu trois véhicules militaires stationnés devant l'immeuble en question. Il n'y avait aucun cadavre, au sol quelques tâches sombres qui pouvaient être du sang, mais c'est tout. Je sais que des dizaines de personnes ont été tuées22. Quand je suis sorti pour me renseigner, les militaires après m'avoir fouillé au corps m'ont fait comprendre que je devais rentrer immédiatement chez moi. Je pense que si des faits aussi énormes que ceux que vous m'avez révélés s'étaient produits, dans une petite ville comme Guelma, cela aurait été connu. Je n'en ai jamais entendu parler jusqu'à ce jour.". Abdellah M. précise "L'ami dont je vous ai parlé qui a participé à l'attaque du 21 août vous fait dire qu'un petit char à chenilles lors de la poursuite est passé sur le pied d'un djounoud et l'a complètement écrasé. Il a du être amputé. A sa connaissance il n'y a pas eu d'autre événement semblable ce jour là"23.
L'autre Philippe J., en réponse à mes questions m'écrit le 25 janvier 2011 " je n'étais pas à Guelma le 21 Août 55. […] Ma mère n'a entendu que des tirs venant de la partie haute de la ville où se trouvait le quartier musulman, elle a surtout eu peur pour ma soeur qui était partie se baigner à Bône avec des amis et qui est revenue sans avoir rien vu de suspect sur la route. Dans le recueil des journaux d'Algérie que je possède, il est dit dans la Dépêche Quotidienne d'Alger du 22 Août qu'une attaque de Guelma a eu lieu le 21 à 17 h45 et que les assaillants ont été repoussés par l'armée. Ce qu'on a su plus tard, c'est qu'un groupe de rebelles s'était rassemblé au marché aux bestiaux qui se trouve en dehors des remparts de la ville avec des civils musulmans, hommes, femmes et enfants et les ayant mis devant eux, se sont avancés jusqu'à la place Salluste qui est le siège du marché arabe en plein air, en tirant sur les remparts de la caserne qui jouxtent cette place.
Là ils ont été stoppés par les Tirailleurs Sénégalais du 15ème RTS qui ont tirés dans la foule qui s'est débandée en désordre laissant de nombreux morts sur le carreau, par contre il n'y a pas eu de tués dans l'armée. Ce que je peux dire, c'est que le témoignage de l'appelé (Marcel) est un tissu de mensonges : il n'y pas eu de combat le 21, il n'y avait pas d'hôtel, même désaffecté dans ce quartier entièrement arabe, les hôtels étant concentrés dans le quartier européen, beaucoup plus loin.
Enfin l'histoire des half-tracks écrasant les corps est énorme, vous connaissez mes connaissances en matière militaire : le 21 Août, la garnison était composé du 1er bataillon du 15ème Régiment de Tirailleurs Sénégalais (formé à 95% d'engagés africains), d'un escadron de la Gendarmerie mobile et d'une compagnie de CRS, aucune de ces unités n'étaient équipés d'half-tracks, je peux vous l'assurer. Les premiers half-tracks que j'ai vus à Guelma, c'est à l'arrivée, en Octobre 1955, de la 2ème DIM (Division d'Infanterie Motorisée) équipée de chars et d'half-tracks et qui a établi son PC à Guelma. Ce qui est sûr, c'est que les morts musulmans du 21 étaient surtout des civils parce qu'ils avaient été mis en avant, les rebelles se sont enfuis sans pratiquement de pertes. Voilà tout ce que je sais de cette affaire".
Enfin Charley G., qui était sous-officier au 15ème RTS, puis au 14ème RIMA, dément formellement les propos que rapporte CMC sur les exactions de l'armée qui aurait réduit en bouillie les cadavres avec des véhicules à chenilles et me dit " le témoignage utilisé est un très gros mensonge […]et mensonge encore quand elle (CMC) dit que les soldats ont tiré sur les arabes avec des
20 Qui affirme que les corps des musulmans tués lors de l'accrochage avec l'armée autour d'un hôtel désaffecté ont été réduits en une bouillie informe de chair et de vêtements par les chenilles des half-tracks.
21 Conversation téléphonique du 26 janvier 2011.
22 La Dépêche de Constantine du 23 août annonce 200 morts à Guelma parmi les insurgés.
23 Communications téléphoniques des 25 janvier et 2 février 2001.
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mitrailleuses24 de 50 (12.7m/m) : nous ne les avons reçues qu'en arrivant dans la région de Collo en février 56 en même temps que les 2 scout cars.[…].
A Guelma c'est le 21 en fin de journée que l'attaque a débuté, avec des tirs venant des immeubles voisins de la caserne. Je venais de rentrer à la caserne, j'avais accompagné une section pour la protection d'une ferme près de Guelma et j'allais refaire le plein du camion, car je faisais parti du service auto et instructeur d'auto école. J'étais caporal, je n'ai pas participé à la riposte mais ai été affecté à un poste d'observation qui donnait sur le terrain de sport et le marché aux bestiaux. Nous avions des chenillettes (Brent Carrier) qui servaient au transport de troupes et matériel, pas de mitrailleuses de calibre 50 (12.7 mm), ni de Half-tracks, ni de canons de 37 mm, il ne faut pas oublier que le 15ème RTS à Guelma était un centre d'instruction, (GIRE, Groupement d'instruction des recrues européennes) avec des soldats d'active comme instructeurs et quelques appelés des contingents précédents. Des chenillettes sont sorties pour ratisser le quartier, nous avons eu un soldat blessé, oui il y a eu des morts, des blessés, des prisonniers du coté des rebelles, mais je n'ai jamais entendu dire que les chenillettes avaient écrasées des arabes, étant au service auto, je crois que le lendemain nous aurions vu de la chair et du sang sur les chenillettes.". Ce témoignage reçoit l'assentiment de 3 autres anciens du 15ème RTS qui étaient à Guelma le 21 août 1955. Il apparait dès lors que la version des événements du 21 août recueillie par CMC est probablement mensongère. Il y avait bien des véhicules à chenilles qui n'étaient pas des half-tracks, mais ces véhicules n'ont pas été utilisés comme l'indique le témoin cité par CMC. On peut encore sur internet consulter le témoignage de L. Meddour25.
Chenillette Brent Carrier (communiquée par Bernard P.)
Quelques mots sur Philippeville, où Georges Apap26 dit qu'il n'y a eu probablement aucune victime européenne ou quelques pages auparavant CMC ne parle que d'une seule victime dans cette ville. Pour ma part, j'en dénombre 8 au moins, 13 avec les hameaux contigus (Beni Melek, Carrières Romaines)27.
Enfin le jugement livré sans discernement à l'encontre du Général Maurice Faivre aux pages 164/165 est loin d'être argumenté. Il repose sur les déclarations du général à Patrick Rotman28 dont on ne sait pas ce qui n'a pas été retenu par le cinéaste. Connaissant le sérieux et la pertinence des publications du général Maurice Faivre, historien reconnu de la guerre d'Algérie, je l'ai interrogé. Ses réponses reçues le 25 janvier 2011 sont précises29 :
"1/ CMC se réfère uniquement à des déclarations faites à Patrick Rotman, dans lesquelles je ne fais pas un historique, mais indique quelques activités auxquelles j'ai participé, sans en préciser les dates
24 p 112 - p224 -
25 http://guelma-toujours.blogspot.com/2009/06/21-aout-1955.html.
26 Georges Apap est un avocat philippevillois très engagé politiquement (PCA et PCF) qui n'a pas lu toute la presse d'Algérie de l'époque qui donne les noms des victimes (p201).
27 Je donnerai les identités de ces personnes dans ma prochaine publication.
28 L'ennemi Intime.
29 Cette réponse a été publiée sur le site de la revue en ligne Etudes Coloniales : http://etudescoloniales.canalblog.com/archives/2011/01/21/20190585.html.
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exactes. Si elle avait fait des recherches sérieuses, elle aurait trouvé des références plus précises, dans mes ouvrages et dans le livre de Jean-Charles Jauffret : "Ces officiers qui ont dit non..."
Mon expérience de chef du 2ème Bureau à Baden et Strasbourg m'ayant habitué à recouper la masse des informations recueillies, mon souci d'historien a été de vérifier la foule d'informations documentaires, consultées au SHAT et au SDECE (sur les services secrets et les supplétifs), au CARAN (comité des Aff. algériennes et Commission de sauvegarde du droit et des libertés), aux archives diplomatiques de Paris et Nantes, au CAOM et au CDHA d'Aix, au CICR à Genève, aux archives de la gendarmerie à Le Blanc, ainsi que dans les fonds privés qui m'ont été ouverts (Ely, Messmer, Debré, Delouvrier, Olié, Gambiez, Schoen, Servier, V.Cros).
Je suis très méfiant, contrairement aux errements de Claire Mauss-Copeaux, Camille Lacoste-Dujardin, Mehdi Lalaoui, Dalila Kerchouche, Fatima Besnaci et beaucoup d'autres, sur les témoignages recueillis plus de 20 ans après les faits auprès d'acteurs dont le parti pris idéologique et l'amnésie sont évidents.
Ayant recueilli avant la plupart des autres historiens des données inédites, je revendique donc ma qualité de scientifique, aussi impartial qu'on peut l'être ; j'évite de me référer à mes souvenirs de combattant, mais reconnais que mes connaissances militaires me donnent un avantage sur les historiens civils qui n'ont pas l'expérience de l'armée, et dont certains disent n'importe quoi.
Je n'ai abordé cette expérience que dans un paragraphe de "Un village de Harkis", l'Harmattan, 1994, page 165. Je reconnais également qu'il m'arrive d'être partial quand je traite des harkis et des EMSI, dont j'admire le combat. Ceci répond à la première critique de CMC.
2/ La deuxième erreur concerne la chronologie. Je n'étais pas au Khroubs en 1955, mais à Constantine où je suis arrivé le 22 août 1955. Je n'ai donc pas été témoin des atrocités d'Ain Abid, mais j'ai rapporté le récit de Marie Elbe, éminente journaliste d'Alger. Compagne d'un journaliste parisien célèbre, elle a publié cette relation dans Historia magazine n°13 de Courrière; il est vrai que le fils Mello dément une partie de ces atrocités.
Je suis arrivé au Khroubs en mars 1957, en qualité de lieutenant, chef du sous-quartier du Khroubs et du 5ème escadron du 8ème Hussards. C'est à cette époque que nous avons construit des logements sociaux à Guettar el Aiech. Le 2 octobre 1957, j'ai surpris une katiba au repos sur les pentes du djebel Ouasch, agréable promenade des Constantinois avant "les évènements". Je n'ai jamais raconté cette opération qui a abouti à l'élimination de cette katiba, au prix de pertes sévères (2 officiers, 1 sous-officier, 2 avions de chasse T6 au tapis).
3/Il est exact que les SAS n'existaient pas en août 1955, mais la 3ème erreur est de croire que seules les SAS faisaient de l'action sociale. Les unités du quadrillage étaient actives en ce domaine.
A Constantine le colonel Gribius construisait en 1956 une cité pour reloger les habitants des bidonvilles, c'est un de mes sous-lieutenants qui transportait chaque matin les ouvriers sur le chantier. Pendant la bataille d'Alger, Massu créait la Cité ouvrière de Maison Carrée et le centre FPA de Kouba; Il appuyait l'action sociale de son épouse, fondatrice de l'Association Jeunesse et du Foyer de Yaouled du docteur Sangline, des Foyers de Bouzareah et Cheragas, et animatrice du Mouvement de solidarité féminine (MSF); elle organisait des colonies de vacances à Moumour près de Pau, développées en 1963 en centres de formation à Gelos et Montaut.
A la fin de 1957 étaient créées les Equipes médico-sociales itinérantes, dépendant des 5ème Bureaux de Secteur militaire, et non des SAS."
Certes le travail de CMC recouvre une partie des informations que j'ai recueillies, mais l'interprétation qu'elle en donne, la sélection des témoignages à laquelle elle s'est appliquée, les insuffisances de son enquête, les approximations relevées par Gilbert Meynier30 lui permettent de donner des conclusions que je ne partage pas, d'autant plus que plusieurs de ses témoignages et de ses affirmations ne sont pas vérifiés par mon enquête.
Roger Vétillard
(Cet article est paru dans la revue en ligne Etudes coloniales le 5 février 2011 : http://etudescoloniales.canalblog.com/archives/2011/02/05/20311825.html)
30 Article à paraître dans Confluences Méditerranée.
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ANNEXE : Liste non exhaustive des civils tués par l'ALN en Algérie du 1er novembre 1954 au 20 août 1955
06/11/1954 : M. Roger HYZER, chauffeur, tué sur la route au cours de l'attaque d'une voiture
28/01/55 : Une ambulance civile est attaquée par les rebelles près de BISKRA : 2 morts, 3 blessés
5 Février 1955 : Bouali M'Hamed ben Ali, assassiné près d'Arris
8 février 1955 : Brahim BekaÏ, 24 ans, Cultivateur à Dar Nasseur, près de Bône, est égorgé devant sa femme et ses enfants
7 Mars 1955 : Layachi Ahmed, 30 ans, de Yakourène, égorgé le 7 mars 1955 près de sa mechta
15 Mars 1955 : Attaque d'un chantier forestier par un détachement de l'A.L.N., fort de 30 hommes et commandés par Abidi Lakhdar, au douar Tahament (c.m. Ain-Touta) et assassine le chef de chantier européen et son adjoint musulman.
22 mars 55 : Dahman Ali, 32 ans, cultivateur près de Dra el Mizan, poignardé le 22 mars 1955
23 mars 55 : Khaleb Messaoud ben Salah, garde champêtre, douar Ouled Abdi est égorgé
31 mars 55 : Au douar Zorg (La Meskiana, départ. Bône)le cadavre d'un ancien combattant est nu totalement tailladé aux membres, à la tête et à l'abdomen.,
1er avril 55 : le gouvernement général publie un bilan qui dénombre 412 attentats contre des musulmans pro- français, faisant 103 tués et 85 blessés
10 avril 55 : Saci Belgacem est retrouvé égorgé dans le barrage des zardezas près de Philippeville
13 Avril 1955 : Saïbi Mohamed ben Abdelkrim conseiller municipal du Kroubs est tué
15 avril 55 : à Condé Sembdou, le FLN assassine M. Grina, gardien d'un chantier
17 avril 55 : Djellab Chattoub ben Ali (du douar Stak, c.m. Tebessa), 50 ans, père de 7 enfants
8 mai 55 : Raoul Moertens, garde forestier, est assassiné en Kabylie, un autre (Dauty) à Aïn Kechera.
09/05/55 : M. Dauty, garde forestier, assassiné près d'Aïn Kechera
12 Mai 55: Série d'actes de terrorisme dans les Aurès, 14 civils morts, 20 blessés, tous musulmans, sauf Ludovic Ferraci, maçon, égorgé
20 mai 55 : Necib Louarbi abattu douar Bahiret el Arneb
22 mai 55 : Dans le petit village de m'touza, en Kabylie, le président de la djemaa, le caïd et le garde champêtre enlevés et assassinés
22/05/55 : MM. Bonnier et René Fernandez commerçants algérois, grièvement blessés
26 mai 55 : Assassinat du gérant de l'agence postale du douar de Touzeline
5 Juin 55: Deux femmes âgées de 65 ans, Amrami Mouhari et Kadri Zineb du village de Tigrine, sont violées, égorgées car elles percevaient la pension de leur mari tué en 1940 à Dunkerque.
Assassinat du caïd Laissoub Hacène au douar Irdjana (commune de Taher).
11 juin 55 : Au douar Guer Amar (c.m. La Meskiana, dép. Bône), 2 hommes sont assassinés: Belkhini Mohamed (qui voulait être garde champêtre) et Makhloufi Athmane, chef de chantier.
17 juin : A Victor Duruy un agriculteur Jacques Flanna et son fils 17 ans sont assassinés
25 juin : Belloul Salah ben Abdallah et Madani ben Abdallah sont égorgés à Kenchela
2 juillet : une femme Trakhet Djarmouna ben Ahmed, 48 ans, du douar Mahmet (c.m. Kenchela), est égorgée, le cadavre d'un homme nu, égorgé et éventré à Mechala. (c.m. La Sefia, Départ. Bône), est découvert et Dakhil ben Khalifa, cultivateur, 70 ans, à Mechta Ouled Messelem (douar Mahmet, c.m. Kenchela, départ. Constantine) est également égorgé
5 juillet : le grand rabbin de Batna est tué
14 juillet : Près de Canrobert (Constantine) au douar Sidi Maâche, deux européens qui circulaient l'un à moto, l'autre en 4 chevaux sont assassinés.
7 août 1955 : Hafidi Lamine, chef de confrérie religieuse égorgé à Biskra.
10 août 55 : Fadel Mostefa ben Larbi, Ouakaf enlevé à Touffana (c.m. Aïn-el-Ksar) est égorgé
18 août 55 : Egorgement de Fadel Mostefa ben Larbi, à Touffana

Wagner le 14.04.11 à 10:51 dans r/ Livres - Lu 5185 fois - Version imprimable
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