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D'Algérie - Djezaïr
Mouvement de réconciliation

Proposer une devise

"Il faut mettre ses principes dans les grandes choses, aux petites la miséricorde suffit." Albert Camus// "La vérité jaillira de l'apparente injustice." Albert Camus - la peste// "J'appelle à des Andalousies toujours recommencées, dont nous portons en nous à la fois les décombres amoncelés et l'intarissable espérance." Jacques Berque// « Mais quand on parle au peuple dans sa langue, il ouvre grand les oreilles. On parle de l'arabe, on parle du français, mais on oublie l'essentiel, ce qu'on appelle le berbère. Terme faux, venimeux même qui vient du mot 'barbare'. Pourquoi ne pas appeler les choses par leur nom? ne pas parler du 'Tamazirt', la langue, et d''Amazir', ce mot qui représente à la fois le lopin de terre, le pays et l'homme libre ? » Kateb Yacine// "le français est notre butin de guerre" Kateb Yacine.// "Primum non nocere" (d'abord ne pas nuire) Serment d'Hippocrate// " Rerum cognoscere causas" (heureux celui qui peut pénétrer le fond des choses) Virgile.// "Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde" Albert Camus.

D'Algérie-Djezaïr

Le MOUVEMENT D’Algérie-Djezaïr vient d’être officialisé par plus d’une centaine de membres fondateurs résidant dans le monde entier, ce 22 juin 2008 à Saint Denis (Paris - France). Il est ouvert à toutes celles et ceux qui voudront le rejoindre, natifs d'Algérie, et leurs descendants.

ORGANISATION

Elle est démocratique, c'est-à-dire horizontale, sans centralisme, et sans direction. Les décisions essentielles doivent être conformes à l’esprit du Texte Fondateur. Elles sont prises après larges consultations, où tous les membres donnent leurs opinions. Les règles internes sont arrêtées par les "adhérents". Pas de cotisations. Les groupes et le Mouvement trouvent les moyens de faire aboutir leurs actions.

Jean-Louis Galiero au sujet du livre de Louis Arti

"Le sable d'El Halia"

Voici un article sur un livre de Louis Arti que je viens de terminer.)

 

 

 

 

 

      Nous sommes peu nombreux à veiller

 

      Nous tenons la lampe allumée

 

      Nous repoussons de toutes nos forces le sommeil

 

      Et la lampe nous fait les yeux brillants

 

 

 

      Nous tenons la lampe allumée

 

      Nous ne vieillissons pas

 

 

 

      Jacques Bertin  (Carnet)

 

   

 

 

 

     Dans l’enfant que j’étais, blotti avec mes petits copains aux pieds de l’ingénieur, la mort s’est glissée ce jour-là, le 20 août 1955, et si elle m’épargna, elle s’installa cependant en moi, devenant à tout jamais intruse, et tolérante.

 

 

 

     Louis Arti  (Le sable d’El Halia, p. 27)

 

 

 

El Halia

 

Le sable d’El Halia

 

de Louis Arti

 

 

 

   C’est Jacques Prévert qui écrivait au début de son poème sur le film éponyme de Bunuel  Los Olvidados (Les oubliés):           

 

                                              Los Olvidados

 

                                              Quand on ne connaît pas la langue

 

                                              On croirait des arbres heureux

 

                                              Des platanes ou des oliviers

 

 

 

   On pourrait dire la même chose de El Halia, ce village de l’est algérien situé non loin de Philippeville, on pense à de la douceur, à un prénom caressant, à une fleur. Pourtant c’est une mine qui constituait le cœur du village, dont on extrayait de la pyrite : du fer et du soufre. Sur les photos en noir et blanc s’allonge le sable, s’accroche le soleil, se dessinent quelques maisons blanches et modestes. C’est là que vivaient Louis Arti et sa famille, là aussi qu’un massacre savamment calculé fut perpétré. L’enfant d’alors s’était réfugié avec d’autres enfants dans l’école, défendue par un homme armé d’un simple petit pistolet, et qui ne cessait de répéter par la fenêtre aux assaillants : Qu’est-ce que vous voulez?...Partez!...Ici, il n’y a rien qu’une femme et des enfants… Il se servira de ces mêmes paroles comme d’une arme défensive durant les trois heures et demie que dura l’attaque.

 

 

 

   Louis Arti reconstitue dans son livre le massacre d’El Halia, en soulignant certains détails sur sa propre famille, son père en particulier, et la vie du village tout entier.  Alors qu’un film présenté à Cannes relance la polémique sur les massacres de Sétif, alors que Anouar Benmalek place le massacre de Melouza au cœur de son roman Le Rapt, il n’est peut-être pas inutile de souligner l’originalité de ce livre sous-titré roman autobiographique par son auteur, et qui est, davantage qu’un témoignage circonstancié, une évocation personnelle, vibrante et, pour tout dire, irremplaçable par sa fraîcheur.

 

   S’il a vécu enfant la tuerie blotti contre le sol, s’il n’a pas assisté au meurtre en direct comme le petit Jean-Pierre -âgé lui aussi de dix ans- caché sous le lit de la chambre à coucher et qui voit violenter et égorger sa tante et sa grand-mère, le petit Louis témoignera, bien des années plus tard de ce qui l’a marqué à jamais ce jour-là et il témoignera pour les siens. L’enfant qui avait vu le massacre d’El Halia n’a pas voulu fermer les yeux sur son passé, écrit-il en épilogue. Il considère son regard comme un objectif d’appareil photo qui est resté ouvert.

 

 

 

   L’événement eut lieu le 20 août 1955, en pleine chaleur et en plein midi. Chaleur : environ 35 à 40 degrés…Midi, l’heure du massacre choisie par les chefs des fellagas est une heure politique, économique, culturelle. Midi, c’est l’heure où la France mange. C’est l’heure où la vie se détend, le rêve reprend ses droits dans la géométrie vaste de la bonne humeur, de l’appétit. La tendresse retrouve quelques humbles projets. C’est l’heure où l’on n’attend jamais le malheur.

 

  

 

   Chez les fellaghas, Arti n’absout rien. Il pourrait reprendre à son compte la citation de Tchékov offerte en exergue par Benmalek : Je ne condamne personne, je n’absous personne.

 

    Ainsi il évoque de façon claire le visage haineux, brûlant et sale de l’homme qui vient de rater l’assassinat  de sa mère  ou les agresseurs qui courent, s’interpellent, tuent, viennent et repartent, égorgent, violent, cassent, brûlent, détruisent le bien, habités d’une folie furieuse. Les haches brisent les portes, les couteaux coupent et font couler dans le sable le sang si rouge. C’est la guerre des moutons…La mort d’El Halia fut un meurtre dans la pure tradition du sang que le sable sait boire, ici, depuis la nuit des temps .Comme instinctivement Louis Arti inscrit le massacre dans l’histoire antique, il s’agit d’un rituel qui en quelque sorte dépasse le moment présent. Le malheur a creusé sa fresque de chair...En quelques secondes les couteaux de ce commando de fous ont ouvert les ventres, arraché les intestins et les cœurs, pour une offrande immonde à la guerre.

 

   La rencontre de l’enfant avec l’absurde et la révolte qui lui correspond tient à cette mort sauvage programmée et infligée par des gens organisés, renseignés, préparés. Il s’agissait de massacrer le plus de monde possible. Sans distinction de sexe ni d’âge : femmes, enfants, personnes âgées devaient être tués. Les mots de Louis Arti sont directs, sans détour : La première fois que je vis la machine révolutionnaire en marche – en rêve elle représente une justice magnifique et en chansons une poésie fraternelle, où l’autre finit toujours par devenir notre ami – la première fois que je vis la révolution, elle nous tua…Elle tua son père, le mineur mal payé, mais aussi l’enfant qui mangeait des tartines beurrées au tube de lait concentré Nestlé. Image en apparence anodine, qui résume l’innocence de la victime, la modestie de sa condition, l’injustice dérisoire et mortelle. 

 

 

 

   Révolte, mais aussi incompréhension: Louis Arti n’a pas compris pourquoi des ouvriers, des gens pauvres, ont été pris pour cible. Nous qui ne sommes pas la cause des innombrables injustices qu’ils subissent, écrit-il. Et encore : Ô la terreur de mourir, d’être égorgé par un peuple pourtant si familier, et qui hier encore nous tendait sa main d’homme! On comprend pourquoi, en France, Louis Arti n’acceptera jamais de se faire traiter de colonialiste par des gens de gauche.   Pour Louis le meurtre d’El Halia, ainsi que tous ceux qui par la suite endeuillèrent ce pays, appartenaient à une guerre étaient des faits de guerre. Terrible lucidité du témoin : Et les armes – comme les haches, les couteaux-  sont le symbole de l’assassinat bon marché. Or les meurtres et assassinats se cachaient sous le terme officiel et fallacieux d’événements.

 

   De cet épisode de guerre, Louis décrit les soldats. Les tueurs ont été formés, dressés, pour exécuter. Ils ont été punis même, afin de mieux apprendre leur métier de criminels. Ceux d’El Halia ont été choisis par les chefs de cette armée terriblement efficace qui va s’appeler le FLN. Après le massacre, un parachutiste français interpelle l’enfant : Lequel tu veux, petit? lui demande-t-il en désignant les prisonniers. L’enfant s’enfuit, il a peur. Le geste du soldat vient de dresser en lui la première pierre d’un mur de révolté… Révolte devant la haine, devant la guerre, révolte contre les autorités françaises intervenant trop tard, accusées d’avoir désarmé les habitants en prenant leurs fusils de chasse, de protéger au contraire les riches domaines. Il deviendra poète, anarchiste…il n’acceptera jamais ni de taper, ni de se faire battre.

 

 

 

                                                                                           *

 

 

 

   Avec Louis Arti c’est bien de nous tous, enfants des guerres, qu’il s’agit. Particulièrement de ceux qui ont vu la mort de près ou de loin et ne peuvent l’oublier. Le narrateur de El Halia n’est pas un personnage de roman, il est la voix de l’enfance qui fut la nôtre en Algérie, malgré des différences. Pour moi tout le charme du livre est là. Charme comme carmen, comme chant sacré. Le massacre n’est pas d’abord matière à étude pour l’historien, mais pour l’humain désireux d’apprendre sur l’humain. Son livre n’est pas un témoignage au sens strict, s’il témoigne c’est d’abord de l’enfance en ses bonheurs d’une vie modeste, dans un village oublié des églises et des gendarmes, dont les habitants vaguement laissés à eux-mêmes tâchent de vivre heureux malgré le sable du dur labeur. Et y parviennent d’une certaine façon. Ce monde-là, Louis le regarde sans fioritures, il le voit comme un monde du talent et de la débrouille (on pense à Cuba, obligée de faire avec à cause du blocus américain). C’est le monde du travail, du bruit et de la poussière de la mine. Les enfants pauvres, écrit-il, vivent dans la légèreté, parce que leurs envies ne se réalisent pas. Leur matérialisme est fugitif, autant dans le rêve que dans la réalité.

 

  

 

   Il faut savoir gré à Loulou de la mine de parler des siens avec tant de justesse. Mais à travers eux c’est aussi un peu de nous tous qu’il parle. Car on retrouve dans Le sable d’El Halia  le simple plaisir de manger des sardines, des pâtes. On y parle d’anisette, de gargoulettes d’eau fraîche. De petit lait et de beurre rance. D’une nuit d’été non loin de la mer : Par le rire léger des femmes un bonheur très discret tombait sur l’enfance. Silencieusement, l’amour se blottissait contre nous tous, sous une étendue noire piquée d’étoiles. Les adultes, comme le père, y sont montrés simplement, dans la force de leur imperfection. La condition des femmes n’est pas idéalisée. Mais c’est ce monde-là qui a été donné à l’enfant, il n’en connaît pas d’autre. Un jour pourtant, comme au théâtre, tout bascule. Ce qui a été donné est ravi. Cependant aucun deus ex machina n’intervient. C’est le théâtre de la guerre. Et les secours tardent … Le massacre dure une éternité. Les villageois qui résistent ont pour eux l’eau, fraternelle et réconfortante. Dans la chaleur du mois d’août et la poussière de la ville minière, elle est leur alliée. Un arrêté préfectoral a ôté les armes de chasse aux villageois, un seul homme a fort heureusement enterré les siennes. La mort dispose de tout l’espace des rues du village. Les tueurs sont maîtres du terrain, ils peuvent se déplacer à leur gré sur la route, piste de sable crépie de traînées de cambouis, de graviers, de pierres ocres. Résonnent cris de haine et d’excitation et youyous  de fête. Le chant des femmes  se fait entendre pour affoler l’enfance qui vibre toujours en nous, et frapper des coups hagards comme autant de décharges électriques dans le cœur et le ventre. Une tempête acide soulève nos estomacs, comme si nous inhalions nos vomissures. 

 

 

 

   On ne répare pas une injustice en en commettant une autre, c’est ce qu’on éprouve à lire El Halia Le sable d’El Halia. Alors qu’il était âgé de 10 ans, son auteur a connu ce qui ne peut se concevoir à cet âge. Il faut insister là-dessus, il est habité non par la haine, mais par la révolte, non par le désir de vengeance, mais par l’incompréhension devant les violences du massacre.

 

   C’est pourquoi son témoignage, cette mise en scène de son enfance comme l’a noté avec justesse Madame Mauss-Copeaux, a de l’avenir et du sens. Loin de nous décourager, il nous aide à garder les yeux ouverts avant que le terme de notre vie ne les ferme. Il ne dépoétise pas la vie, et lui laisse sa lumière. Mais il érige grâce aux mots une protestation contre l’indignité faite aux hommes. Merci, Louis Arti, de témoigner pour cette race de monde à laquelle nous appartenons tous. Au contraire de tous ceux qui cherchent à expliquer – pour la condamner ou la justifier – la brutalité aveugle et obscène, vous nous redonnez le goût de la conscience et la possibilité de la servir.

 

 

 

 

 

 

 

Jean-Louis Galiero


Suite:

 

 

La justice appartient à l’ordre des choses qu’il faut faire parce qu’elles ne sont point. La justice sera si on la fait. Voilà le problème humain.

 

 

 

Alain  (Propos)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

El Halia –Melouza-les Pieds-Noirs et Madame Mauss-Copeaux

 

 

 

   Il est intéressant à plus d’un titre de lire l’article, paru le 5 avril 2007 dans la rubrique Les deux rives de la Méditerranée et écrit par Madame Mauss-Copeaux, historienne, spécialiste de la mémoire des conflits.. Elle analyse dans cet article, intitulé Insurrection du Constantinois, 20 août 1955, trois massacres notoires perpétrés durant la guerre d’Algérie et consacre beaucoup de place à la perception – déformée dit-elle – des Français d’Algérie.

 

     Attentive à débusquer les poncifs  et stéréotypes des témoignages des Pieds-Noirs qu’elle a recueillis ou qui se trouvent sur les sites internet, elle note que El Halia est un massacre emblématique, érigé en sur-événement. Il dissimule les autres faits et devient le stéréotype de la barbarie qui identifie l’adversaire. Elle dénonce les clichés qui prévalent selon elle sur la barbarie des Algériens en contraste avec la civilisation du colonisateur. Elle concède par ailleurs que tous les Pieds-Noirs n’étaient pas aveugles sur la situation (militants politiques, chrétiens engagés). Elle souligne également que dans les villes les ségrégations économique et communautaire se combinaient, avec des différences selon les lieux.

 

    Les propos de l’historienne visent à souligner l’illusion des Pieds-Noirs sur un paradis perdu. Pour elle la surprise des massacres ne saurait cacher le contexte où ils ont été commis, la répression contre les musulmans, la guerre qui avait déjà commencé avant le 20 août 55 à El Halia et dans sa région. Voici ce qu’en dit Madame Mauss : La « surprise » exprime la répulsion éprouvée devant les assassinats et la rupture évidente qu’ils provoquent dans le déroulement des jours. Mais elle matérialise surtout la frontière entre un avant et un après, entre la paix et la guerre. Elle nie l’existence d’un mouvement nationaliste et la volonté d’indépendance des Algériens puisque l’événement était prétendument imprévisible. Elle nie surtout la violence qu’ils subissaient.  Si les massacres d’Européens expriment avec cruauté la folie meurtrière d’une partie des assaillants, Madame Mauss-Copeaux ne le conteste pas – elle ne se prive pas d’épingler le discours pied-noir, qui ne s’attache qu’au massacre et se tait sur les combats, travestit la réalité. En effet le « massacre » n’est qu’une partie de l’insurrection, il ne peut la résumer. Elle parle également d’instrumentation des massacres par des nostalgiques de l’Algérie française.

 

 

 

                                                                                 *

 

                                                                           

 

  

 

      Madame Mauss-Copeaux, à propos d’El Halia, se réfère au livre de Louis Arti, qu’elle qualifie de témoignage remarquable, et  reconnaît qu’il décrit avec nuance et sensibilité la société ouvrière d’El Halia. Toutefois elle souligne que Arti n’échappe pas à l’exagération quant au nombre des victimes. Elle souligne aussi que Louis Arti note un usage de son village qui consistait à appeler chaque adulte Madame ou Monsieur, avec son prénom au bout… Les Arabes, eux, sont appelés par leur nom de famille, ou leur prénom seul. Elle voit là une subtile différence entre deux ensembles, celui des « siens » qu’il n’est pas nécessaire de nommer et celui des « autres », les Arabes, différence qui se double d’une différence de titulature qui confirme leur place respective dans la hiérarchie sociale. Elle conclut sur Arti de cette façon : Dans la mise en scène de son enfance, la convivialité rassemble en priorité les Européens. II précise les prénoms et les noms. Les Arabes, en revanche, forment un ensemble compact. La faille qui séparait les habitants d’El Halia est bien présente.

 

   Sur ce dernier point il est clair que Madame Mauss-Copeaux ne nous apprend pas grand-chose quant à la séparation des deux communautés. Elle dit avec raison que Louis Arti exprime dans son livre la convivialité de sa communauté d’enfance avec les Européens plutôt  qu’avec les Arabes. Mais dans L’Étranger aussi le narrateur parle de l’Arabe sur la plage. C’est que, bien entendu, les communautés en Algérie n’étaient pas sur le même plan, et que, bien entendu, l’indépendance était inéluctable, qui peut sérieusement nier cela et prétendre refaire le monde à l’envers? Mais qui dit que les Arabes n’avaient pas eux aussi une perception bien à eux du Roumi ? Ce sont des êtres à part entière.

 

   Par ailleurs, peut-être faudrait-il que l’historienne mène une enquête auprès des Algériens pour chercher s’ils n’ont pas été marqués par l’illusion révolutionnaire depuis le début de la guerre jusqu’à ces récentes années, tout comme les Français d’Algérie  ont pu être aveuglés par l’illusion colonisatrice en Algérie. En outre, si Madame Mauss-Copeaux trouve que El Halia est pour ces derniers un sur-événement emblématique, qu’en est-il de Sétif ?

 

   Certes on peut partager ce que dit Madame Mauss-Copeaux, en tout ou en partie, mais il est permis de ne pas être convaincu par sa mise en perspective des massacres. D’abord ceux-ci ne datent pas de la guerre d’Algérie. Ils ont eu lieu partout et à différentes époques. Le territoire de l’Algérie en a connu encore récemment, comme chacun sait.  Ensuite les massacres sont le plus souvent ordonnés par des chefs, ils ne sont pas spontanés. Il faut donc les envisager dans le cadre d’un conflit,  et souligner qu’ils sont d’abord de nature politique.  On connaît les noms de ceux qui ont planifié ceux de Melouza et El Halia. Il faut frapper vite, fort, se faire un nom, semer la terreur, on vise à atteindre des objectifs.

 

 Le témoignage de Louis Arti est là-dessus très éclairant. La rencontre de l’enfant avec l’absurde et la révolte qui lui correspond tient en bonne part à cette mort programmée par des gens organisés, renseignés, préparés.  Ainsi le massacre d’El Halia était prémédité et correspondait à des calculs politiques, à une stratégie. Quand Madame Mauss-Copeaux parle avec raison sans doute d’instrumentalisation par des nostalgiques de L’Algérie française, il lui faudrait reconnaître aussi la possibilité que l’instrumentalisation ait existé du côté du FLN, visant à rallier des indécis et à  accentuer la répression contre la population musulmane par l’armée française. Reconnaître la barbarie au sein de l’armée française est une chose, mais il faut reconnaître aussi celle de l’ALN et du FLN, par exemple à Melouza. La guerre d’Algérie, c’est un ensemble de stratégies, de décisions et d’enjeux politiques. (Incidemment, je crois que l’historienne se trompe sur Melouza. Ce sont des Kabyles qui ont tué des Arabes et non l’inverse.)

 

 

 

    En ce qui concerne la surprise dans les massacres, n’est-elle pas,  soit dit en passant, présente dans diverses formes d’agression, afin de déstabiliser la victime? C’est l’avantage de la violence préméditée, préparée. Louis Arti note à ce sujet l’heure du crime à El Halia – non pas minuit comme le veut le stéréotype, mais midi. Une heure sacrée pour les Français, un moment de vulnérabilité totale dans la mine comme dans le village. Un plaisir qui tournera en horreur. Une trêve innocente qui deviendra fatale. La surprise vient sans doute du moment, mais peut être encore davantage de l’identité des assassins, certains étant connus ou ayant parfaitement renseigné les meurtriers sur les habitudes des villageois. Ô la terreur de mourir, d’être égorgé par un peuple pourtant si familier, et qui hier encore nous tendait sa main d’homme!écrit Arti. Par-dessus tout, il ne comprend pas qu’on ait pu tuer des ouvriers pauvres, pour se venger des injustices commises par d’autres. Nous qui ne sommes pas la cause des innombrables injustices qu’ils subissent, souligne t-il.

 

   Là gît selon moi un élément déterminant : l’incompréhension des victimes, qui n’auraient jamais imaginé être prises pour cibles, persuadées qu’elles sont qu’elles ne sont coupables en rien. Madame Mausse-Copeaux a beau jeu. Elle n’a sans doute pas tort. Mais le problème n’est-il pas que ces travailleurs d’El Halia, dans leur vie quotidienne d’ouvriers, ne se voyaient pas comme des colonialistes hostiles aux Arabes ?  D’autre part ils peuvent penser que ceux qui trinquent – c’est-à-dire eux-mêmes-  n’ont pas nécessairement mérité de trinquer. Ils peuvent se dire aussi qu’on ne répare pas une injustice en en commettant une autre. Toute la question est là. Si nous établissons un lien direct, logique, entre le massacre et la faute, la culpabilité ou la responsabilité de la victime, nous nous trompons probablement. Car les assaillants s’en prennent à qui ils peuvent, non à ceux qui le méritent. Ils suivent des ordres, pas la raison ni la justice! Ceux  qui frappent s’en prennent à ceux qui leur tombent sous la main, parce qu’ils ne peuvent atteindre les autres, selon toute vraisemblance. Les villageois de El Halia comme ceux de Melouza paient de toute façon pour tous les autres.

 

   C’est d’ailleurs la terrible leçon du poète français Jean de Lafontaine. Dans la fable Le loup et l’agneau, l’argumentation du loup est imparable : Si ce n’est toi, c’est donc ton frère ou bien quelqu’un des tiens…Toute une vision politique est basée là-dessus. Il n’est pas nécessaire que tu sois directement responsable pour que je te fasse souffrir ou pour que je te tue. C’est ainsi pense Zahi, le tortionnaire vengeur du dernier roman de Anouar Benmalek. C’est la vengeance par ricochet, mais c’est surtout la souffrance vécue que l’on veut faire subir à l’autre, même s’il n’a rien fait.

 

 C’est aussi pourquoi nous réagissons toujours à cette phrase de Jean-Paul Sartre : Abattre un Européen, c’est faire d’une pierre deux coups, supprimer un oppresseur et un opprimé, restent un homme mort et un homme libres. Tout autant que la barbarie des tueurs de El Halia et Melouza, utilisant le couteau, la hache et la pioche contre des musulmans ou des non-musulmans, il faut condamner comme archaïque une certaine façon de penser qui s’exprimait dans la phrase de Sartre, mais qui est toujours présente dans l’idéologie politique. Il s’agit de la légitimation du méfait, au prétexte qu’il corrigerait une injustice sociale. Cela est explicite dans la phrase de Sartre, implicite dans le raisonnement de Madame Mauss-Copeaux. Elle (la « surprise » en cause) nie surtout la violence qu’ils (les Algériens) subissaient. (Donc il ne faut pas s’étonner s’ils se sont livrés à des représailles). Or il est clair qu’on ne peut remplacer une injustice par une autre. L’indignité nouvelle n’efface ni ne répare celle que j’ai subie.

 

   Nous savons bien aussi que le meurtre ne peut pas libérer, contrairement à ce que laisse entendre la phrase de Sartre. Il reste en fait deux hommes morts, le premier au sens médical, le second au sens moral. Car le massacreur, l’assassin, ne peut reconnaître son forfait sans se renier lui-même en dénonçant ce forfait (ce qu’a parfaitement compris l’auteur du roman Le rapt). Il lui faudra donc continuer, autrement il aurait tué pour rien. Ou s’effondrer et avouer. En aura-t-il l’occasion  autrement que dans un roman comme celui de Benmalek? Par ailleurs le sang de la haine, quand on y a goûté une fois, on peut vouloir recommencer à en retrouver la saveur, le premier pas a été franchi. Surtout on inspire d’autres personnes à le faire. Aussi bien, on suscite chez les enfants de l’adversaire le désir de vengeance : histoire sans fin.

 

                                                                                     *

 

    La vérité avec les massacres de civils, et en particulier d’enfants (10 à El Halia) c’est  qu’ils ne peuvent se justifier au nom de la raison. Ils ne peuvent pas non plus satisfaire le cœur humain. Et je veux croire que de tels massacres révoltent autant dans un camp que dans le camp adverse. Que nous soyons ou non musulmans, nous sommes indignés par la violence envers les civils et en particulier contre les enfants. Si tel n’était pas le cas, nous ne ferions pas partie de la même humanité.  Si on condamne la torture comme indigne, on doit aussi condamner le meurtre des enfants, qui pourtant le subissent avec toutes les autres violences un peu partout. La pièce de Camus Les Justes, qui se joue cette année à Paris, posait déjà en 1949 lors de la première représentation la question du meurtre des enfants. Elle divise les révolutionnaires de la pièce. Inenvisageable pour Kaliayev, ce forfait est licite pour Stepan. Quand nous nous déciderons à oublier les enfants, dit ce dernier, ce jour-là nous serons les maîtres du monde et la révolution triomphera. Stepan sort du bagne où il a connu la souffrance et vu des compagnons se suicider. Il est, dit Denis Salas, un messager de la mort. Humilié, il habite le ressentiment. Persécuté, il sera le persécuteur. Comment ne pas reconnaître dans ce personnage le profil même du ravisseur, victime devenue bourreau d’enfant dans Le rapt ? Zahi  ressemble à Stepan parce qu’il est mû par une justice aveugle, une logique qui ne transige pas. Le couple Aziz et Meriem tente de s’opposer à lui en refusant la terrible équation qui les rendrait responsables de son malheur, du fait que le père de Meriem a  été mêlé au massacre de Melouza. Tous deux refusent de payer pour les parents. Or, si aux yeux du lecteur ils sont innocents, aux yeux du ravisseur, ils sont des coupables. Sa douleur est devenue un rempart contre le monde, une prison dont il est incapable de s’affranchir. Aziz et Meriem tentent désespérément de maintenir un rapport de raison face à son radicalisme, mais ils comprennent que le criminel en sa violence vengeresse est inatteignable, n’a plus rien d’humain. Il veut incarner la vengeance et perpétuer la souffrance. Il ne connaît pas autre chose.

 

  

 

   Je crains que le travail estimable de l’historienne Mauss-Copeaux, s’il peut permettre de mieux éclairer le passé, ne cache aussi certains aspects de ce passé et surtout ne contribue à perpétuer et instrumentaliser l’image dont parle Jordi du colon raciste et borné. Et, ce faisant, donner du grain à moudre aux extrémistes de tout bord. D’autre part son analyse repose sur l’histoire de l’Algérie à ce moment-là. Elle ne tient pas compte de ce qui s’est produit depuis l’Indépendance, ni des violences exercées depuis. La torture systématique, l’assassinat et le viol, l’Algérie de la Révolution connaît tout cela. Pour sa part, Anouar Benmalek les impute à certaines violences du FLN durant la guerre, que l’histoire officielle algérienne continue de nier et qui ont servi de modèle aux terroristes des années quatre-vingt. Il parle de crimes de guerre et déclare Nous aussi nous avons nos Aussaresses. Il suggère de distinguer clairement les vrais héros de l’Indépendance et les assassins.

 

   Nous nous sommes persuadés que la guerre d’Algérie n’était qu’une revanche sur l’injustice  et les inégalités du système colonial, les humiliations. Mais c’était aussi autre chose : une guerre de clans, de rivalités, de divergences politiques, de luttes pour le pouvoir, de luttes nationalistes. Tout cela l’Algérie l’a montré par la suite, avec en plus l’islamisme à la clé. Plus la torture, toujours imputée à la France seule alors qu’elle a été utilisée contre les citoyens algériens par l’Algérie elle-même. Le massacre, c’est l’injustice à venir. Ceux qui ont soutenu sans réserve les violences d’autrefois au nom d’un nationalisme ou d’un autre ont semé les haines d’aujourd’hui, lesquelles sont toujours à la recherche d’une légitimité.  Il peut être tentant pour chaque camp de brandir les forfaits et massacres de l’adversaire tout en fermant les yeux sur les siens. Surdité et cécité s’additionnent.  Non seulement, écrit George Orwell non sans ironie,  le nationaliste ne désapprouve pas les atrocités commises par son propre camp, mais il possède une remarquable capacité à ne pas même entendre parler d’elles.

 

 

 

   À moins de considérer que toute la violence provient et proviendra toujours de la France et du colonialisme, il est urgent de réfléchir. Car si tel était le cas, alors l’Algérie serait condamnée à jamais : marquée depuis l’arrivée de la France, elle serait incapable de s’en sortir. Toutefois il faudrait expliquer pourquoi Alger, comme Tunis et d’autres villes, fut pendant des siècles un centre actif de piraterie et d’esclavage, en particulier au détriment des chrétiens, et singulièrement des Italiens. Les conditions de vie atroces des galériens et des esclaves, l’esclavage sexuel et les mutilations sur les esclaves Noirs, attestés par des historiens, tout cela doit être pris en compte, examiné. Il sera peut-être nécessaire de remonter à la destruction selon Salluste d’une colonie italienne, à Cirta , par Jugurtha, après assassinat de ses deux cousins, en 113 avant J.-C. Si la violence d’El Halia est due à la France seulement, il faut le dire. Si elle provient aussi d’autres sources, il faut l’établir également.

 

 

 

     Mais on ne saurait nier la violence française. Celle de la répression et de l’humiliation. De fait il faudrait l’analyser elle aussi de manière complexe, y compris en remontant à cette Révolution de 89 qui permit par exemple à Robespierre – ardemment hostile à la peine de mort- de pratiquer celle-ci allégrement… dans l’attente du moment opportun de la supprimer. Depuis les guerres napoléoniennes, il s’en est passé des choses, au nom de la République. Les Pieds-Noirs n’ont pas créé la colonisation de l’Algérie. La République, oui.

 

  En somme, reconnaître la répression française en Algérie à l’époque, et les violences contre les musulmans avant et après les massacres devrait se faire simplement, mais reconnaître les crimes et violences contre les musulmans par d’autres musulmans, à Melouza ou en France métropolitaine, ou contre des Européens comme à El Halia devrait se faire avec franchise aussi. Il ne peut y avoir de règlement des conflits (et madame Mauss-Copeaux n’est-elle pas spécialiste de la mémoire des conflits ?) si les deux parties ne se parlent pas de leurs fautes respectives. À ne pas se livrer à cette démarche de civilisation, non seulement nous laissons persister l’image dégradée d’une République française qui n’a apporté rien de bon dans ses colonies (comme si les réserves dans les colonies anglo-saxonnes étaient de pures merveilles) ; mais surtout nous compromettons une co-habitation plus harmonieuse entre les différentes composantes de cette République. À force de nier la violence en terre d’islam de certains musulmans –ou de l’atténuer - pour souligner l’exagération culturelle (un peu à la marseillaise, dirait-on) des Français d’Algérie et leur aveuglement colonialiste, le message transmis, notamment aux jeunes générations, c’est que tout est permis aux descendants du colonisé. Les déclarations récentes d’Yves Lacoste et son livre montrent qu’il a bien vu la déformation mentale inquiétante inscrite dans la démarche des Indigènes de la République. Ceux-ci s’estiment en effet traités comme des colonisés.

 

  

 

                                                                         

 

    Ce qui est troublant, c’est qu’on ne prenne en compte simplement la douleur, la souffrance – d’où qu’elles viennent. C’est là pourtant le seul moyen de comprendre l’autre et inversement de se faire comprendre de lui. Le mot souffrance vaut pour tous, ou alors je me ferme au monde. Un apaisement, une réconciliation ne sauraient s’appuyer sur le déni qu’exprime la citation de Orwell. En refusant aux autres le droit à la souffrance - qui n’est pas le droit au narcissisme pour autant- ou en faisant de celle-ci un élément dérisoire en comparaison de la nôtre et donc irrecevable, on nie leur humanité et on ferme la porte à l’avenir, car on choisit un seul côté d’une médaille qui a deux faces.

 

    La France que Madame Mauss-Copeaux représente est-elle capable de reconnaître simplement le malheur de gens qu’elle nomme constamment Pieds-Noirs? Ou bien les considère-t-elle pour l’essentiel comme des colonialistes indécrottables incapables de raisonner sur eux-mêmes ? Nous savons que nous ne sommes pas des Français comme les autres, et qu’on nous fait porter le poids du pêché originel. Mais il serait peut-être bénéfique pour tous de faire cesser l’instrumentalisation dont les Pieds-Noirs sont l’objet, ainsi que le suggère Jean-Jacques Jordi. En ce qui concerne les crimes et les massacres, on aimerait qu’une vraie réponse, humaine et mesurée, se fasse entendre, qui permettrait à tous de sortir de l’enfermement, de cette prétendue essence qui serait la nôtre.

 

  

 

   S’il y a une différence de perception liée aux deux communautés, il existe tout autant la possibilité d’une perception médiane, modérée pourrait-on dire, qui a conscience de la complexité de la situation, et qui sait que toute médaille a son revers.  Le vrai problème qui se pose aujourd’hui est de savoir ce que nous pouvons faire pour le présent et pour l’avenir. Le passé n’est pas mort, mais le ressasser d’un côté comme de l’autre ne garantit pas la possibilité pour des cultures de se côtoyer, encore moins le bonheur de vivre ensemble. Quand la maturité nous est venue, à nous qui sommes les enfants d’Algérie de cette époque de la guerre, nous avons fait la part des choses et examiné notre héritage. Certains ont  tourné le dos au passé, d’autres ont choisi de le défendre aveuglément. D’autres encore tentent de sauver ce qui peut l’être, la dignité et le respect.

 

 

 

                                                                            *

 

 

 

   J’avais un peu plus de 13 ans quand Monsieur Abed a été tué dans notre quartier. C’est à proximité de notre immeuble que le meurtre a été commis et, vite accouru sur les lieux d’où provenaient les coups de feu, j’ai vu cet homme qui faisait partie de mon enfance  affalé sur le sol, le cerveau répandant son contenu sur le trottoir. Le pire – prévenir sa femme – était à venir et à faire. Je l’ai fait en courant chez elle, dans cet appartement où nous mangions des gâteaux une fois l’an au moins, et dont les meubles n’avaient pas la verticalité de ceux de chez nous. J’ai su seulement lui dire qu’il était arrivé quelque chose à Monsieur Abed et qu’il fallait me suivre. Elle m’a suivi tout de suite, j’avais surpris son regard éperdu, elle avait deviné j’en suis sûr et j’entendais derrière moi une sorte de plainte en sourdine déferlant en inaudible mélopée. Adolescent timide, je n’osais me tourner vers elle, lui dire un seul mot, je l’accompagnais de mon silence.

 

    Plus jamais je n’ai revu Madame Abed ni les siens. Il semble que l’assassin visait le fils aîné, qui ressemblait physiquement à son père, et s’était mépris. Cela fut dit bien plus tard. Mais de toute façon ce jour-là quelque chose d’irrémédiable s’était produit. Quelques mois plus tard, c’était l’Indépendance – et le meurtre de Monsieur Abed m’apparaît encore plus absurde. Depuis ce temps Madame Abed fait partie de ma famille, fait partie de moi.

 

 

 

   Je songe, quelquefois malgré moi, à un terrain vague où je marche. A-t-il jamais appartenu à personne? Rien n’y a encore été construit. Les autres jours, il nous permet de nous rendre jusqu’aux deux épiceries. Ce jour-là je suis le seul à savoir que le chemin de terre battue qui le traverse  nous mène vers un corps  terriblement inerte. Je ne me retourne pas vers cette femme qui me suit,  pour laquelle j’éprouve de l’affection et du respect et qui est une bonne personne. Je n’en ai pas la force. Mais je suis solidaire avec elle, je marche devant pour l’accompagner jusqu’au corps de son mari, pour qu’elle ne soit pas seule en ce moment fatal. Bientôt, dans quelques instants à peine, elle se jettera sur l’homme gisant par terre. Elle sera livrée à la souffrance et poussera les cris prévisibles et insoutenables de la douleur humaine. Mais déjà, ma mission accomplie, je me serai enfui vers ma chambre, comme honteux de mon impuissance.   Dans l’enfant que j’étais, écrit Louis Arti, blotti avec mes petits copains aux pieds de l’ingénieur, la mort s’est glissée ce jour-là, le 20 août 1955, et si elle m’épargna, elle s’installa cependant en moi, devenant à tout jamais intruse, et tolérante.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Jean-Louis Galiero

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

 

Wagner le 27.07.10 à 12:42 dans r/ Livres - Lu 1671 fois - Version imprimable
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