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D'Algérie - Djezaïr
Mouvement de réconciliation

Proposer une devise

"Il faut mettre ses principes dans les grandes choses, aux petites la miséricorde suffit." Albert Camus// "La vérité jaillira de l'apparente injustice." Albert Camus - la peste// "J'appelle à des Andalousies toujours recommencées, dont nous portons en nous à la fois les décombres amoncelés et l'intarissable espérance." Jacques Berque// « Mais quand on parle au peuple dans sa langue, il ouvre grand les oreilles. On parle de l'arabe, on parle du français, mais on oublie l'essentiel, ce qu'on appelle le berbère. Terme faux, venimeux même qui vient du mot 'barbare'. Pourquoi ne pas appeler les choses par leur nom? ne pas parler du 'Tamazirt', la langue, et d''Amazir', ce mot qui représente à la fois le lopin de terre, le pays et l'homme libre ? » Kateb Yacine// "le français est notre butin de guerre" Kateb Yacine.// "Primum non nocere" (d'abord ne pas nuire) Serment d'Hippocrate// " Rerum cognoscere causas" (heureux celui qui peut pénétrer le fond des choses) Virgile.// "Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde" Albert Camus.

D'Algérie-Djezaïr

Le MOUVEMENT D’Algérie-Djezaïr vient d’être officialisé par plus d’une centaine de membres fondateurs résidant dans le monde entier, ce 22 juin 2008 à Saint Denis (Paris - France). Il est ouvert à toutes celles et ceux qui voudront le rejoindre, natifs d'Algérie, et leurs descendants.

ORGANISATION

Elle est démocratique, c'est-à-dire horizontale, sans centralisme, et sans direction. Les décisions essentielles doivent être conformes à l’esprit du Texte Fondateur. Elles sont prises après larges consultations, où tous les membres donnent leurs opinions. Les règles internes sont arrêtées par les "adhérents". Pas de cotisations. Les groupes et le Mouvement trouvent les moyens de faire aboutir leurs actions.

"Le Meunier, les moines et le bandit" Des vies quotidiennes dans l'Aurès du XX° siècle.

Une lecture du livre de Fanny Colonna proposée par Eveline Caduc (toutes deux sont membres fondatrices du Mouvement D'Algérie-Djezaïr).

Fanny Colonna : Le Meunier, les moines et le bandit

Des vies quotidiennes dans l'Aurès (Algérie) du XXe siècle.

récits. Arles, éditions Sinbad-Actes Sud, 2010.

 

 

Par quel tour de magie une sociologue, réfractaire par nature à toute reconstruction

biographique - cette illusion que dénonçait Bourdieu - parvient-elle à donner à voir un

personnage aussi puissant que ce meunier, Baptiste Capeletti, un marginal, un Européen

ensablé, italien ou français … ou bien tout simplement un Algérien puisqu'à l'exception de

quelques années, durant la guerre de 1914, il aura toujours vécu en Algérie ?

Avant de mourir plus que centenaire, en 1978, sur la colline de Saint-Augustin, près de la ville

maintenant appelée Annaba, Baptiste aura été en relation avec un bandit d’honneur et

quelques moines et aussi toute une population d’anonymes vivant dans les Aurès. Mais de lui

on ne saura rien de sûr, à ceci près qu’il s'est toujours employé à conserver ses secrets, à se

tenir à l'écart tout en restant accessible aux autres. Avait-il des raisons de se cacher, voulait-il

faire diversion, ou bien tenait-il à se construire un personnage de taiseux inclassable à la haute

silhouette ?

Pour Fanny Colonna il a surgi un jour comme un profil perdu d'une des dernières publications

de Germaine Tillion partie à l'écoute des gens du pays chawi où Baptiste faisait «le meilleur

pain de blé dur de tout le continent ». Mais à cette époque il avait déjà découvert depuis

longtemps une mine de vestiges du paléolithique dans une grotte dont il extrayait le guano si

précieux pour la culture du palmier-dattier. Il s'en était ouvert à un jeune géologue, Robert

Laffitte, qui avait immédiatement fait connaître la découverte au Musée de l'homme. Et c’est

ainsi que Fanny Colonna a retrouvé sa trace sur le chemin de la première expédition

ethnographique française en Algérie conduite par Thérèse Rivière en 1935. D'autres travaux

scientifiques et les archives des Pères Blancs lui auront apporté d'autres informations. Mais ce

sont les récits des anciens, rencontrés au cours des trois voyages qu'elle a faits dans les Aurès

entre 2003 et 2006 qui auront ajouté au personnage la chaleur et le frémissement de la vie. À

travers les témoignages glanés au hasard de rencontres préparées ou non, Fanny Colonna aura

découvert la belle entente qui a lié Baptiste Capeletti à Hmama, sa colombe chawia auprès de

qui il a dormi main dans la main jusqu'à ce qu’un membre de la tribu puis la mort la lui

prennent.

Mais des questions demeurent tant le personnage est complexe :

- comment a-t-il fait alliance avec Hmama alors qu'il était déjà marié et père d’un garçon

nommé Chérif ?

- était-il ou non tenu à l'écart par la tribu des Aoulad Abdi à laquelle appartenait Hmama?

- incroyant vivant avec une musulmane, si loin si proche des moines fermiers, aurait-il été

tenu à l'écart des autres Européens résidant dans les parages ?

- quel lien avait-il réellement avec le bandit d’honneur Messa’oud ben Zelmat de 20 ans son

cadet dont on continue de chanter les exploits de redresseur de torts dans ces montagnes?

Était-il son ami, son complice, ou bien l'accueillait-il simplement un peu plus souvent qu’un

hôte de passage ? Il aurait eu une dette envers lui : le bandit n’aurait-il pas protégé la

compagne et le fils de Baptiste durant la grande guerre à laquelle le meunier avait dû

participer dans les Balkans ?

À mesure qu'elle progresse dans son enquête Fanny Colonna remarque que « plus la moisson

avait été riche, plus il y avait de variantes d'une performance à l'autre, comme dans un

conte ». Elle en joue avec humour et elle laisse côte à côte leurs explications contradictoires

puisque « ce sont les silences et les variantes qu'il faut interroger pour avancer, non pas vers

une vérité dont ni la mémoire, ni la science, ni la fiction n’ont à faire, mais vers la complexité

d'un destin qui ne dit pas les résistances, les souffrances qui étaient en jeu dans tous ces choix

hasardeux ». Et elle constate finalement que « cette invention de soi est la réussite plus

séduisante de Baptiste».

Inventeur d'un site préhistorique, ingénieur ou rebouteux, bâtisseur de moulins ou guérisseur

dans les mechtas, Baptiste a « la main en or » avec l'intelligence industrieuse qui va avec.

Mais il est aussi poète pour dire l’horreur de la guerre, la puissance de la nature, la lumière

d'un ciel au petit matin et aussi sa solitude. Et c'est à un père blanc qu'il confie ses poèmes.

De Baptiste, chacun n’a donc qu’une connaissance partielle et Fanny Colonna prend soin de

maintenir toujours un flottement entre ces fragments de vérité dans un effet de « tremblé » qui

lui est propre. Mais réfractaire à la fiction, c'est en fait un passionnant « roman des possibles »

qu'elle nous donne à lire pour « tenter de rendre sensible la puissance des liens qui ont existé

entre ceux qui ont vécu ensemble sur cette terre, le plus souvent sous des statuts très inégaux

et pourtant en dépendance plus étroite qu'on n’imagine les uns des autres, du fait de la dureté

du pays » et pour « dire même modestement, lacunairement, ce que ces gens ont reçu les uns

des autres et qu’ils nous ont transmis, sans le savoir ni le vouloir, par des voies obscures,

difficiles et d'autant plus précieuses. ».

Un roman qui constitue bien, comme elle le souhaitait dans son préambule, « une entrée

privilégiée pour parler de cette relation charnelle, physique, que des personnes venues

d'horizons divers ont tissée au cours de leur vie avec un morceau d'Algérie dans laquelle ils

avaient été propulsés par des hasards multiples ». Un roman où la rigueur de la démarche

scientifique sait se teinter d'humour et de poésie. On y suit son auteure alertée par la forme

d’une pierre et l’on cueille en chemin une odeur de feu sur un kanoûn, la couleur d'un ciel

bleu vif, «sans repentir» dit-elle, et des vies d'hommes et de femmes dans leur métier ou leurs

occupations de montagnards - conteurs d'histoires en forme d’énigmes ou paysans,

« courtisanes expertes en poésie », jeteuses de sorts ou mères de famille- tous habitants d’un

pays rude où aura vécu, intégré à sa façon, à la fois dedans et dehors, Baptiste le meunier, ce

fils d’émigrés Italiens, peut-être devenu français mais plus sûrement resté algérien.

Eveline Caduc

 

Wagner le 22.02.10 à 14:04 dans r/ Livres - Lu 921 fois - Version imprimable
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