Proposer une devise
"Il faut mettre ses principes dans les grandes choses, aux petites la miséricorde suffit." Albert Camus// "La vérité jaillira de l'apparente injustice." Albert Camus - la peste// "J'appelle à des Andalousies toujours recommencées, dont nous portons en nous à la fois les décombres amoncelés et l'intarissable espérance." Jacques Berque// « Mais quand on parle au peuple dans sa langue, il ouvre grand les oreilles. On parle de l'arabe, on parle du français, mais on oublie l'essentiel, ce qu'on appelle le berbère. Terme faux, venimeux même qui vient du mot 'barbare'. Pourquoi ne pas appeler les choses par leur nom? ne pas parler du 'Tamazirt', la langue, et d''Amazir', ce mot qui représente à la fois le lopin de terre, le pays et l'homme libre ? » Kateb Yacine// "le français est notre butin de guerre" Kateb Yacine.// "Primum non nocere" (d'abord ne pas nuire) Serment d'Hippocrate// " Rerum cognoscere causas" (heureux celui qui peut pénétrer le fond des choses) Virgile.// "Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde" Albert Camus.Sommaire
- a/ Le Mouvement
- a/ Qui sommes nous...
- b/ Les Amis de D'Algérie-Djezaïr
- b/ Les signataires.Mise à jour régulière.
- b/ Texte fondateur
- c/ Je m'affilie...
- d/ Ce blog
- d/ Nos écrivains célèbres.
- d/ Premiers projets. Réflexions sur la nationalité.
- e/ Solidarités
- l/ Débats / Points de rencontres
- m/ Actualités - Sorties - nouveautés
- n/ Nationalité
- n/ Nationalité - commentaires
- n/ Nos coups de coeur/sortir/écouter/lire...
- o/ Liens - Sites amis
- p/ cette histoire qui nous concerne.
- q/ Et pendant ce temps là en Algérie.
- q/ Et pendant ce temps là en France.
- q/ histoires d'en rire.
- r/ Livres
- r/ Lu dans la presse, du net surtout.
- r/ Racines
- s/ Félicitations
- s/ L'Algérie de nos signataires, celle d'hier, celle d'aujourd'hui, celle qui les berce toujours et toujours...souvenirs.
- s/ Nos balades au bled.
- s/ Nos voyages
- t/ Oeuvres - créations et publications - de signataires D'Algérie-Djezaïr
- t/ Publications et créations des signataires.
- t/ l'Algérie de A à Z
- u/ Infos générales diverses
- u/ Libre Antenne
- u/ Nous avons reçu un message.
D'Algérie-Djezaïr
Le MOUVEMENT D’Algérie-Djezaïr vient d’être officialisé par plus d’une centaine de membres fondateurs résidant dans le monde entier, ce 22 juin 2008 à Saint Denis (Paris - France). Il est ouvert à toutes celles et ceux qui voudront le rejoindre, natifs d'Algérie, et leurs descendants.ORGANISATION
Elle est démocratique, c'est-à-dire horizontale, sans centralisme, et sans direction. Les décisions essentielles doivent être conformes à l’esprit du Texte Fondateur. Elles sont prises après larges consultations, où tous les membres donnent leurs opinions. Les règles internes sont arrêtées par les "adhérents". Pas de cotisations. Les groupes et le Mouvement trouvent les moyens de faire aboutir leurs actions.Livre de Benjamin Stora " Les trois exils - Juifs d'Algérie"
Commentaires et analyses par Yves Maxime Danan.
NB : les photos de cet article n'apparaissent malheureusement pas car le passage du mode Pdf à celui sous word pour permettre de mettre en ligne fait "sauter" les photos et techniquement je ne parviens pas à corriger. Veuillez m'en excuser.
E Wagner
Quelques observations sur « Les trois exils » de
Benjamin Stora
Par Yves Maxime Danan pour Guysen Israël News
Jueves 11 enero 2007 - 00:34
L’initiative de Benjamin Stora de relater l’histoire moderne des Juifs en Algérie, de
façon distincte de celle de tout le Maghreb constitue une initiative intéressante.
Mais cet ouvrage comporte certaines lacunes et de sérieux défauts.
En premier lieu, son titre est critiquable.
Certes, les Juifs d’Algérie ont subi deux exils, ceux-là bien réels : l’un sous le régime
de Vichy qui leur a retiré leur citoyenneté française, et l’autre, définitif, lors de l’indépendance qui les a
poussés au départ, en 1962, d’un pays où ils étaient présents depuis l’antiquité. Par contre, loin
d’avoir été un « exil », l’arrivée des Français en 1830 a constitué pour ces Juifs une véritable
libération.
En effet, les Français ont fait cesser du jour au lendemain le terrible apartheid musulman imposé
depuis le VIIIe siècle aux Juifs en raison de leur statut de dhimmis, dans un pays qui était le leur, bien
des siècles avant l’invasion arabe.
L’importance des juifs était telle dans ce pays que ce fut une reine guerrière juive, la Kahena des
Djeraouas de l’Aurès, qui dirigea la résistance berbère après la mort du roi chrétien Koceila (1).
Une fois la Kahena vaincue, de nombreux juifs et chrétiens se convertirent à l’islam sous la pression
de l’envahisseur arabe. Quant à ceux qui refusaient cette conversion, ils se sont trouvés réduits à la
condition de dhimmis, sujets de seconde zone, soumis à une série d’interdits infamants.
L’oppression des juifs dhimmis dans la Régence d’Alger
L’humiliation et l’oppression ont été le quotidien des juifs de la future Algérie pendant 11 siècles,
notamment dans la Régence d’Alger intégrée depuis 1529 à l’Empire ottoman.
C’est ce que nous rappellent les témoignages précis et concordants de témoins, ni juifs ni musulmans,
relevés par Philippe Danan dans ses recherches de doctorat (2) : ceux du Père Diego de Haego en
1612, de Laugier de Tassy en 1724,
du consul de France Dubois–
Thainville en 1805 et de son
homologue américain William
Schaler en 1825.
Benjamin Stora a signalé beaucoup
trop allusivement (p. 31 et 32) cette
situation tragique qui allait expliquer
toute la suite. Citons quelques
éléments caractérisant la condition
de dhimmi :
- interdiction absolue de se défendre
en cas d’agression par un
musulman, et soumission
permanente aux insultes de
n’importe lequel d’entre eux. A noter
que certaines obligations
vestimentaires relevées par
Benjamin Stora - manches trop amples et savates non retenues à l’arrière – étaient destinées à
empêcher les juifs de se défendre ou de fuir ;
- en cas de litige avec un musulman, obligation de se soumettre au verdict d’un tribunal coranique,
devant lequel tout témoignage de juif était considéré comme nul (3) ;
- interdiction de sortir de la Régence, sauf à avoir garanti son retour par une forte caution ; -
interdiction de blasphémer sous peine d’être brûlé vif.
En cas de transgression de l’un de ces interdits par un juif, la sanction était le bûcher. A Alger, les
bûchers destinés aux juifs étaient établis à la porte Bab El Oued, là où les Français les ont remplacés
par leur Grand lycée Bugeaud.
A ce régime permanent s’ajoutaient périodiquement les pogroms pratiqués avant chaque départ en
expédition par les janissaires (Ndlr : fantassins au sein de la troupe d’élite de l’Empire ottoman), suivis
de la populace. Dans un rapport à l’empereur Napoléon 1er du 11 messidor an XIII, le consul Dubois-
Thainville a relaté le grand pogrom de juin 1805 à Alger, au cours duquel il a sauvé 200 juifs de la
mort en leur donnant asile.
Enfin, pour couronner ces onze siècles d’oppression, le Dey, détenteur du pouvoir au sein de la
Régence, en avait chassé les juifs lors de la marche sur Alger des troupes françaises. Ces juifs
s’étaient donc trouvés pris entre deux feux, et victimes des tirs de soldats français qui les prenaient,
du fait de leurs vêtements orientaux, pour des combattants musulmans.
Par conséquent il était bien normal que les juifs accueillissent les Français en libérateurs dès leur
entrée dans Alger, comme l’aurait fait toute autre minorité opprimée en de telles conditions.
A l’encontre de tous les témoignages de l’accueil favorable réservé par les juifs aux Français,
l’ouvrage de Benjamin Stora, indique dans un renvoi (p.166, r. 2), sans citer de source, que lors de la
prise de Constantine, en 1837, des juifs auraient fait le coup de feu aux cotés des Turcs. Selon cet
auteur, « les juifs aimaient leur Bey [Ahmed] et leur ville ».
Or, aucun des témoins visuels français qui ont relaté la prise de Constantine après y avoir participé -
Lamoricière, Saint-Arnaud, Canrobert et Mercier - n’a parlé de combattants juifs. Ce qu’ils n’auraient
pas manqué de faire s’ils en avaient rencontrés.
Seul Mercier mentionne les juifs pour rapporter qu’ils ont été requis pour rassembler les corps des
combattants morts en deux tas, et deux seulement : l’un pour les cadavres français, et l’autre pour les
musulmans.
Bien plus, aux archives du Service historique de l’Armée de Terre (4), Philippe Danan a examiné une
douzaine de rapports d’officiers subalternes, dont certains datés du surlendemain de la prise de
Constantine. Il a constaté qu’aucun d’entre eux n’indiquait la participation de juifs aux combats.
Quant à l’allégation par Benjamin Stora d’un prétendu amour des juifs constantinois pour leur Bey
[Ndlr : chef d’une des trois provinces de la Régence], on en reste confondu si l’on sait que ce même
Bey avait fait enlever dans sa ville quelque temps auparavant, en 1818, 17 jeunes filles juives pour les
offrir en cadeau au Dey d’Alger !
C’est pourquoi, le Grand Rabbin Michel Aron Weill a écrit, en 1850, dans un rapport sur Constantine :
« Si jamais population a du accueillir avec reconnaissance, avec bonheur, un changement de régime,
c’est la communauté israélite de Constantine. Elle était, dans les derniers temps surtout, sous la
domination du farouche Achmed Bey et de Seid ben Aïssa, la plus opprimée des populations israélites
d’Algérie, la plus exposée aux caprices d’un pouvoir tyrannique, la plus sujette aux vexations de toute
nature… » (5).
Les juifs d’Algérie libérés par l’autorité française, ou le prétendu « premier exil »
De fait, les Français, dès leur installation, ont immédiatement mis fin à la dhimma en application de
l’acte de capitulation du 5 juillet 1830 négocié préalablement avec le Dey, et selon lequel « l’exercice
de la religion mahométane restera libre. La liberté des habitants de toutes les classes, leur religion,
leurs propriétés, leur commerce ne recevront aucune atteinte ».
Les juifs obtenaient ainsi la liberté de se déplacer, de pratiquer n’importe quel métier, de se vêtir à leur
convenance, de monter à cheval, de s’armer et de se défendre en cas d’agression. De plus, leur
parole valant désormais celle d’un autre, le général Clausel, commandant en chef, voulut établir un
tribunal mixte où deux rabbins et deux muftis siégeraient aux cotés de juges français, afin que les non
musulmans cessent de dépendre pour leurs litiges inter religieux du seul tribunal coranique.
Malheureusement, ce tribunal mixte ne vit pas le jour, car les muftis refusèrent de siéger aux cotés de
juges juifs, et l’on eut recours à d’autres solutions.
Il n’en reste pas moins, que loin d’être un « exil », l’indigénat sous l’autorité de l’armée de Charles X,
qui n’avait pourtant rien de révolutionnaire, a constitué pour les juifs une véritable libération.
L’adhésion des juifs d’Algérie à l’influence française
Les juifs allaient montrer leur reconnaissance en adhérant d’emblée aux valeurs françaises. Les
premières écoles françaises de garçons ouvertes aux enfants indigènes à partir de 1831 connurent un
succès immédiat auprès des parents juifs qui, à la différence des musulmans, y envoyèrent leurs
enfants. De même, dès l’apparition des écoles chrétiennes, les mères juives, pourtant très
traditionalistes, n’hésitèrent pas à confier leurs filles aux bonnes soeurs, instaurant ainsi une tradition
qui allait subsister jusqu’à la Première Guerre mondiale.
Simultanément, les juifs consentirent sans difficulté à réduire progressivement certaines spécificités,
en renonçant d’abord à leurs juridictions mosaïques, puis en abandonnant complètement leur statut
civil religieux, au profit du statut civil français de droit commun. Certes, cet élan de reconnaissance
envers la France ne fut pas forcément payé de retour par certains officiers ou fonctionnaires français,
eux-mêmes antisémites, dont le plus violent, Bugeaud - qui avait eu maille à partir avec un témoin juif,
lors de son affaire de corruption par Abd El Kader - proposa en 1838 et 1842 leur expulsion d’Algérie.
Mais, sur le plan des actes, la France fit tout pour encourager l’émancipation des indigènes juifs
d’Algérie.
Conscientes de cette évolution, les autorités françaises, sous le roi Louis-Philippe et sous l’empereur
Napoléon III, projetèrent d’ouvrir l’accès à la citoyenneté, avec l’appui des conseils généraux d’Alger,
d’Oran et de Constantine. Ce qui déboucha d’abord sur le sénatus-consulte de 1865 permettant
l’accès individuel à la citoyenneté française de tout indigène algérien qui consentirait à adopter le
statut civil français de droit commun.
Jusqu’à ce que, en 1870, le décret Crémieux attribue en bloc la citoyenneté française aux juifs
indigènes d’Algérie, tout en supprimant d’office leur statut civil mosaïque, et en lui substituant
globalement le statut civil laïc de droit commun.
Benjamin Stora évoque, sans les réfuter, les allégations fallacieuses selon lesquelles le décret
Crémieux aurait provoqué l’insurrection kabyle (p.97, r.1). Or, cette insurrection est née avant tout de
la rébellion de Spahis (Ndlr : cavalerie provinciale) qui refusaient de partir combattre en métropole et
du refus du notable Mokrani d’être l’agent d’un Gouvernement civil (6).
Le décret Crémieux a constitué aussi un facteur indiscutable de laïcisation des juifs d’Algérie. Se
fondant sur les confidences de deux rabbins actuels (pages 54 et 55), M. Stora affirme que certains
rabbins du XIXe siècle auraient été défavorables « à ce laïcisme extrêmement pernicieux » et qu’ils
auraient attribué à ce décret la désertion des écoles rabbiniques. On peut regretter que cet auteur
n’ait pas présenté de traces écrites du prétendu mécontentement des centaines de rabbins en Algérie.
Car, en réalité, ces rabbins, qui n’oubliaient pas la situation d’avant 1830, se sont montrés favorables
à l’accession des juifs à la citoyenneté, comme le prouve le discours prémonitoire prononcé en chaire
et en français, dès 1836, par Grand Rabbin Amar d’Alger, devant la population juive et les autorités
rassemblées à la grande synagogue de la place de Chartres (2). Cette haute autorité religieuse y
affirmait déjà : « Vous jouissez des droits civils, vous êtes citoyens français ».
Plus tard, c’est le Grand Rabin Charleville d’Oran qui remet à Napoléon III, en 1865, des pétitions
demandant l’attribution de la citoyenneté française aux juifs d’Algérie.
Ainsi, loin d’avoir été une mesure de circonstance, le décret Crémieux a constitué l’aboutissement
naturel de 40 ans d’évolution vers l’égalité des droits, et une première mesure de décolonisation qu’il
aurait fallu étendre aux musulmans.
C’est ce qu’ont ressenti de nombreux juifs dont l’accès à la citoyenneté n’a pas empêché, comme
Benjamin Stora l’a rappelé, de manifester leur solidarité avec les musulmans. Ainsi des notables,
comme Elie Gozlan, ou les professeurs Henri Aboulker et Raymond Bénichou, sont-ils intervenus
chaque fois qu’ils l’ont pu, en faveur de l’attribution de l’égalité des droits civiques aux indigènes
musulmans.
Par ailleurs, à propos des vêtements portés par les juifs, Benjamin Stora tient ce propos stupéfiant : «
Si les plus âgés conservent leur costume à l’orientale, à la veille de la guerre de 1939, tous les jeunes
sont vêtus à l’européenne ».
Or, né à Alger, en 1930, je n’ai jamais rencontré de juifs vêtus autrement qu’à l’européenne, quels
qu’aient été leur milieu ou leurs âges. En outre, si je m’en rapporte aux photos de jeunesse de mes
grands-parents, c’est non seulement avant 1939, mais même, bien avant 1900, que les vêtements
orientaux avaient été abandonnés.
En réalité, en dehors des cartes postales exotiques, spécialement composées pour les touristes, ces
vêtements n’étaient plus guère portés, dans les années 1930, sauf par certains juifs des Territoires du
sud.
Quoi qu’il en soit, il est incroyable que Benjamin Stora ait écrit : « Après cette séparation [par le décret
Crémieux], les juifs algériens changent de camp et se solidarisent avec l’envahisseur » (p. 54).
En effet, les juifs n’ont jamais été admis dans le même camp que la communauté musulmane, qui
pendant 11 siècles, les a traités en parias, sauf quelques exceptions individuelles. Ils n’ont donc pas
eu à « changer de camp » à l’arrivée des Français, qui leur ont immédiatement rendu leurs droits
humains élémentaires.
C’est pourquoi, dès 1830, et sans attendre le décret Crémieux, les juifs algériens ont manifesté leur
attachement à la France.
Au demeurant, l’Histoire nous rappelle que, pour les juifs, présents dans le pays depuis l’antiquité, les
« envahisseurs » ont été les Arabes qui les ont asservis. L’apport des réfugiés d’Espagne n’ayant été
que minoritaire, pour eux, comme pour les musulmans.
Les juifs d’Algérie au service
de la France
Les nouveaux citoyens n’ont
pas obtenu que des avantages
en accédant à la citoyenneté :
ils ont aussi du satisfaire aux
obligations militaires, comme
tous les autres citoyens
français. Or, Benjamin Stora
omet de souligner l’engagement
militaire des juifs d’Algérie au
service de la France, lors des
deux guerres mondiales.
Pendant la Première Guerre mondiale, les juifs d’Algérie ont satisfait avec ferveur à
leurs obligations militaires. Le Livre d’Or du judaïsme algérien (1919) (7) rend
compte des milliers de citations obtenues sur tous les fronts par les soldats juifs,
sans parler de ceux morts au combat pour la France en laissant de nombreux pupilles juifs de la
nation.
De même, tout en faisant allusion à la contribution des juifs d’Alger au débarquement allié de
novembre 1942, Benjamin Stora ne rend pas compte de l’importance décisive de cette action pour le
succès de l’opération.
Pourtant, c’est bien grâce à la neutralisation des points stratégiques d’Alger et des batteries côtières
de Sidi-Ferruch par 400 volontaires français, dont les deux tiers étaient juifs, sous les ordres de José
Aboulker, âgé de 22 ans, et d’Henri d’Astier de La Vigerie (1897-1952), que les forces alliées ont pu
débarquer sans opposition, puis encercler la ville, et l’occuper le soir même, pendant que les forces
vichystes s’absorbaient dans la reconquête des points tenus par les résistants. Le caractère décisif de
cette action a officiellement été reconnu en 1947 par le War Department (Pentagone) alors dirigé par
Eisenhower, à travers la personne de José Aboulker, dont la citation accompagnant sa Medal of
Freedom commençait par : « A rendu des services exceptionnels à la cause alliée… »
Il est incompréhensible qu’un tel fait d’armes, à porter
en grande partie au crédit des juifs d’Alger, n’ait pas
davantage été mis en relief, si l’on considère que là où
les forces vichystes n’avaient pu être neutralisées - à
Oran et au Maroc -, leurs généraux ont sévèrement
combattu les Alliés pendant trois jours, alors même
qu’ils livraient la Tunisie à d’infimes forces allemandes.
Sans attendre ce débarquement, de nombreux juifs
d’Algérie avaient servi en 1939-40, puis dans les
Forces françaises libres (FFL).
Ils allaient aussi se battre en Tunisie dans le Corps
franc d’Afrique en 1942, malgré les restrictions racistes
édictées par le général Henri Giraud (1879-1949), puis,
une fois ces restrictions levées par le Comité français
de la Libération nationale (C.F.L.N), comme les autres
Français d’Algérie, sur tous les fronts, en Italie, en
Normandie, à Paris, en Provence et en Allemagne
jusqu’en 1945.
Ainsi est-il établi que les juifs d’Algérie, qui ont beaucoup reçu de la France depuis 1830, ont tout fait
pour lui manifester leur reconnaissance, y compris depuis 1914 en payant l’impôt du sang.
Les tensions antisémites en Algérie
S’il est faux de voir dans le décret Crémieux, la cause de l’insurrection kabyle, il n’est pas douteux que
cette réforme ait causé un vif mécontentement au sein de la population européenne. Certes ses
représentants s’étaient sous l’Empire montrés maintes fois favorables cette réforme. Mais on réalisait
soudain que l’accession de ces indigènes à la citoyenneté, constituait le premier acte d’une
décolonisation par assimilation.
Benjamin Stora a mis longuement en relief, et à juste titre, les manifestations anti-juives périodiques
de certains européens depuis la fin du XIXe siècle, et leurs dérives nazies à la veille de la Seconde
Guerre mondiale. Des juifs y ont même perdu la vie.
Mais, en 70 ans, grâce au pouvoir central français qui y a mis le holà, on a pu compter les morts,
victimes du terrorisme européen sur les doigts d’une main, tandis qu’en un seul pogrom musulman, en
1934, à Constantine, ce sont 25 juifs innocents, dont cinq femmes et quatre enfants de quatre à dix
ans, qui ont perdu la vie. Tels sont les faits, même si les musulmans algériens, dans leur ensemble,
ont été loin d’approuver ce massacre.
Ajoutons que ces faits n’ont pas empêché les leaders juifs déjà cités de lutter pour l’accès à l’égalité
civique de tous les indigènes, notamment dans le Cercle des croyants monothéistes, aux côtés de
l’éminent ouléma (Ndlr : théologien de l’islam), Cheikh El Okbi (1889-1960).
Le véritable « premier exil » des juifs d’Algérie
Benjamin Stora est fondé à qualifier d’« exil » - mais en réalité, il s’agit du premier - l’exclusion des
juifs de la citoyenneté française par le gouvernement de Vichy. Cet exil fut d’autant plus pénible que
ces juifs, privés comme ceux de métropole de leurs métiers et de leurs biens, ont de plus été déchus
de leur citoyenneté.
Cet auteur a bien rendu compte de leur sentiment d’aliénation.
A juste titre, il a rappelé aussi (p. 97 et 107) la bonne tenue des leaders indigènes, qui, tels Ferhat
Abbas (1899-1985) ou Me Ahmed Boumendjel, ont refusé d’approuver les mesures d’exclusion du
maréchal Pétain, et préféré que l’égalité entre indigènes se fasse par le haut, plutôt que vers le bas.
Cependant, on s’étonne que Benjamin Stora ait oublié de citer les mesures ségrégatives
supplémentaires ayant frappé les juifs d’Algérie, comme leur exclusion des Chantiers de jeunesse et
surtout celle des écoles et lycées publics, sur la base d’une simple note de service (n°343QJ du 30
septembre 1941) prise par le général Maxime Weygand (1867-1965), délégué général en Afrique
française au sein du gouvernement de Vichy, avec la complicité du Recteur Georges Hardy.
Le difficile rétablissement du décret Crémieux
Mais surtout, à propos du difficile rétablissement du décret Crémieux après le débarquement, on ne
peut pas mettre sur le même plan le régime vichyste prolongé de Darlan et de Giraud en Afrique
libérée (novembre 1942-mai 1943) et celui du Comité français de libération nationale (C.F.L.N.) (juin
1943-juin 1944).
Or, après avoir mis en lumière la responsabilité personnelle de Giraud (p.96) – qui est une réalité -,
Benjamin Stora étend à tort cette responsabilité à l’ensemble des autorités françaises réunifiées (p.98)
: « Dans l’esprit des nouvelles autorités, la république restaurée doit aller de l’avant, construire la
France nouvelle à Alger, capitale de la France Libre. Tels sont les mots d’ordre. On avance donc sans
se préoccuper du statut des juifs… ».
Après quoi, cet auteur étend la responsabilité à de Gaulle (page 99) : « Le plus simple à leurs yeux
[des porte-parole juifs] était donc de rétablir le décret Crémieux et d’abroger la législation de Vichy.
Décision que ni Giraud, ni de Gaulle lorsqu’il arrive au pouvoir en mai 1943, ne se résoudront à
prendre ».
De plus, Benjamin Stora cite, sans émettre la moindre réserve, ce raccourci fallacieux du philosophe
Jacques Derrida : « Puis les Alliés débarquent : c’est la période du Gouvernement bicéphale (De
Gaulle-Giraud) : les lois raciales maintenues plus de 6 mois sous un gouvernement français « libre »
(p. 103).
Cette présentation est à la fois fausse et injuste.
Dès juillet 1940, tant dans les Forces françaises libres (F.F.L.) que dans tous les territoires ralliés au
général de Gaulle, celui-ci, assisté du professeur René Cassin (1887-1976), avait tenu pour nul le
gouvernement de Vichy, comme dépourvu de toute validité constitutionnelle et sous la dépendance de
l’ennemi (Manifeste de Brazzaville du 27 octobre 1940), et donc toute la législation émanant de ce
gouvernement (Ordonnance n°1 de la France libre du 27 octobre 1940 : « Les pouvoirs publics, dans
toutes les parties de l’Empire libérées du contrôle de l’ennemi, seront exercés sur la base de la
législation française antérieure au 28 juin 1940… ») (8).
Au contraire, en Afrique vichyste, les dirigeants anglo-saxons, désireux d’écarter de Gaulle, ont
maintenu au pouvoir après le débarquement de novembre 1942 l’amiral collaborateur Darlan, puis le
général Giraud, grand admirateur du maréchal Pétain, qui ont laissé en vigueur toutes les lois
d’exclusions de Vichy.
Même après l’exécution de Darlan par le patriote de 20 ans Bonnier de la Chapelle - acte de
résistance que Benjamin Stora qualifie d’« assassinat » (p. 95) au mépris de la réhabilitation de
Bonnier par la Chambre des révisions de la cour d’appel d’Alger le 21 décembre 1945 -, Giraud,
successeur de l’amiral, a maintenu le régime de Vichy, et immédiatement fait arrêter les chefs de la
résistance.
Par la suite, pour apaiser les critiques des presses libres américaine et britannique, alertées par les
correspondants de guerre alliés, Roosevelt et Churchill ont fait pression sur Giraud pour qu’il supprime
les lois d’exclusion de Pétain. Ce que Giraud a fini par se résigner à faire par une ordonnance du 14
mars 1943, tout en renouvelant l’abrogation du décret Crémieux. Un peu plus tard, les chefs alliés ont
contraint Giraud à fusionner son Commandement d’Alger avec le Comité français de Londres.
De Gaulle est arrivé à Alger le 30 mai 1943. Le C.F.L.N. n’a vu le jour que le 3 juin, initialement sous
les coprésidences de de Gaulle et Giraud - ce dernier toujours appuyé par Roosevelt -, mais avec, à
l’arrière-plan, l’état-major et l’armée pétainistes, ainsi que les services secrets de Vichy toujours en
place.
Aussi de Gaulle n’a-t-il pu que progressivement acquérir une liberté de manoeuvre suffisante pour
réformer le système.
C’est donc seulement après l’élimination de Giraud de sa coprésidence du C.F.L.N., au mépris de la
protection de Roosevelt, le 2 octobre 1943, que le rétablissement du décret Crémieux est enfin
devenu possible.
Et ce fut sans tarder, 18 jours plus tard, que le retour rétroactif au décret Crémieux fut prononcé le 20
octobre 1943, sur la base de l’invalidation de l’ordonnance de Giraud du 14 mars 1943, compte tenu
de la non-adoption en temps voulu de son décret d’application. Quant à Giraud, encore membre du
Comité, il n’allait en être totalement évincé que le 9 novembre 1943, tout en conservant le
commandement de l’armée.
Par conséquent, c’est au général de Gaulle, et à la presse indépendante anglo-saxonne alertée par
les correspondants de guerre alliés, qu’est due la restitution aux juifs d’Algérie de leur citoyenneté et
la fin de leur « exil » de la communauté française.
Quant aux centaines de protestations bien intentionnées évoquées par Benjamin Stora (p.99 et 100),
elles ont été utiles certes, mais sans aucun effet sur Giraud et son protecteur Roosevelt. J’ajoute que
si le temps a paru long aux juifs d’Algérie, dont moi-même, entre le débarquement allié et le
recouvrement complet de leurs droits, les auteurs de ces lettres et démarches de protestations, dont
certains prirent de grands risques en les émettant, n’ont jamais sous-estimé le rôle décisif du général
de Gaulle dans le rétablissement du décret Crémieux. On a, en effet, le droit de ne pas apprécier la
politique ultérieure de ce général, mais il convient de ne pas se méprendre sur son action libératrice
pendant la Seconde Guerre mondiale.
Ayant été témoin de ces évènements et auteur d’un ouvrage sur la question (9), je sais ce qui s’est
réellement passé. Aussi recommanderai-je, pour se faire une idée plus exacte de cette période, les
livres de Christine Levisse-Touzet et de Jacques Cantier (10).
En conclusion, je suis tenté de me demander pourquoi Benjamin Stora, qui considère la libération des
juifs par la France en 1830 comme un « exil », ne retournerait pas s’installer en Algérie indépendante
où sa qualité de juif lui vaudrait certainement une extrême considération.
Yves Maxime Danan est Professeur Emérite à la Sorbonne (Paris IV) où il a enseigné le droit
public et la science politique.
Vous pouvez lire ces deux articles de Cyrano :
«Les trois exils - Juifs d’Algérie» de Benjamin Stora
http://www.guysen.com/articles.php?sid=5302
En savoir plus sur les années noires des Juifs d’Algérie (1940-1944)
http://www.guysen.com/articles.php?sid=5340
PHOTOS :
De haut en bas
- Reproduction de la couverture de la réédition du Livre d’Or du judaïsme algérien en fac-similé
réalisée en 2000 par le Cercle de généalogie juive (CGJ).
- Esther Sasportès (1813-1887), petite-fille d'Israël Sasportès, assassiné à Alger lors du pogrom de
1805 (archive de la famille Aboulker).
- Samuel Aboulker (1815-1890), rabbin et dayan (Ndlr : juge rabbinique), petit-fils du Grand Rabbin
Isaac Aboulker décapité sur l’ordre du dey d'Alger le 7 juin 1815. Ancêtre direct des professeurs Henri
et José Aboulker (archive de la famille Aboulker).
- la bar mitzva (cérémonie marquant la majorité religieuse du jeune garçon juif de 13 ans) de
Raymond Bénichou âgé de 13 ans en 1903 à droite à côté de sa grande soeur Berthe qui épousera le
professeur Henri Aboulker (archive de la famille Aboulker)
- le professeur Henri Aboulker (1876-1957) en 1916 (archive de la famille Aboulker).
- le futur professeur Raymond Bénichou en uniforme au début de la Première Guerre mondiale, à la
veille de sa promotion de sous-lieutenant (archive de la famille Bénichou).
BIBLIOGRAPHIE :
1 - Ibn Khaldoun, « Histoire des Berbères ». Traduction du Baron de Slane, Alger, 1852-1856, et
Professeur Émile Félix Gauthier, « Les siècles obscurs du Maghreb », Paris, Payot 1927, p. 245 et s.
2 - Philippe Danan, « La communauté juive d’Alger dans les premières années de la présence
française ». Mémoire de D.E.A. de l’Université de Paris VIII, Paris, 2004.
3 – Pierre Genty de Bussy, « De l’installation des Français dans la Régence d’Alger et des moyens
d’en assurer la prospérité ». Firmin Didot, Paris 1839.
4 - Service historique de l’Armée, Archives de l’Armée de Terre, à Vincennes, dossier 3, Cote 1H52.
5 - Simon Schwarzfuchs, « Les juifs d’Algérie et la France (1830-1855) », p.243. Institut Ben- Zwi, Tel
Aviv, 1981.
6 – Lettre de Mokrani au Général Augerand, en page 768 du rapport de la Commission d’enquête sur
l’insurrection.
7 – Comité Algérien d’Etudes Sociales, « Le livre d’or du judaïsme algérien », Alger, septembre 1919.
8 – J.O. de la France Libre, Londres, 20 janvier 1941, p.3.
9 – Yves Maxime Danan, « La vie politique à Alger, de 1940 à 1944 », Librairie Générale de Droit et
de Jurisprudence, Paris, 1963.
10 – Christine Levisse-Touzet, « L’Afrique du Nord, dans la guerre (1939-1945) », Albin Michel, Paris
1998, et Jacques Cantier, « L’Algérie sous le régime de Vichy ». Odile Jacob, Paris, 2002.
Compléments sur le sujet par MC San Juan:
« Les trois exils » de Benjamin Stora.
Lecture de Joëlle Allouche Benayoun.
http://www.cairn.info/revue-archives-de-sciences-sociales-des-religions-2007-2-page-180.htm
et
ceci, sur alliancefr reprend un article du Matin,
avec la même critique sur lepremier exil.
http://www1.alliancefr.com/benjamin-stora-parle-des-trois-exils-juifs-d-algerie-news0,45,4345.html
Wagner
le 13.04.10 à 12:34
dans r/ Livres
- Lu 2091 fois
-
Article précédent - Commenter - Article suivant -