Proposer une devise
"Il faut mettre ses principes dans les grandes choses, aux petites la miséricorde suffit." Albert Camus// "La vérité jaillira de l'apparente injustice." Albert Camus - la peste// "J'appelle à des Andalousies toujours recommencées, dont nous portons en nous à la fois les décombres amoncelés et l'intarissable espérance." Jacques Berque// « Mais quand on parle au peuple dans sa langue, il ouvre grand les oreilles. On parle de l'arabe, on parle du français, mais on oublie l'essentiel, ce qu'on appelle le berbère. Terme faux, venimeux même qui vient du mot 'barbare'. Pourquoi ne pas appeler les choses par leur nom? ne pas parler du 'Tamazirt', la langue, et d''Amazir', ce mot qui représente à la fois le lopin de terre, le pays et l'homme libre ? » Kateb Yacine// "le français est notre butin de guerre" Kateb Yacine.// "Primum non nocere" (d'abord ne pas nuire) Serment d'Hippocrate// " Rerum cognoscere causas" (heureux celui qui peut pénétrer le fond des choses) Virgile.// "Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde" Albert Camus.Sommaire
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D'Algérie-Djezaïr
Le MOUVEMENT D’Algérie-Djezaïr vient d’être officialisé par plus d’une centaine de membres fondateurs résidant dans le monde entier, ce 22 juin 2008 à Saint Denis (Paris - France). Il est ouvert à toutes celles et ceux qui voudront le rejoindre, natifs d'Algérie, et leurs descendants.ORGANISATION
Elle est démocratique, c'est-à-dire horizontale, sans centralisme, et sans direction. Les décisions essentielles doivent être conformes à l’esprit du Texte Fondateur. Elles sont prises après larges consultations, où tous les membres donnent leurs opinions. Les règles internes sont arrêtées par les "adhérents". Pas de cotisations. Les groupes et le Mouvement trouvent les moyens de faire aboutir leurs actions.Travail sur le thème de la nationalité
Depuis 2 mois un groupe composé d'une douzaine de membres fondateurs travaille sur une piste de réflexion que nous avons porté à votre connaissance comme étant un des premiers projets de D'Algérie-Djezaïr, celui de l'obtention de la nationalité algérienne.
Sujet ô combien symbolique (mais pas que cela) et sensible tant il renferme en chacun de nous de multiples sentiments, parfois contradictoires, toujours à fleur de peau car renvoyant au vécu de toutes les déchirures, à nos histoires personnelles si différentes mais si semblables à la fois nous faisant nous reconnaître comme frères et soeurs d'exil, aux chemins, parfois de traverse, parcourus en nos coeurs en nos têtes, dans nos démarches citoyennes, militantes ou non, depuis 46 ans nous séparant de la funeste année 1962 pour les uns, de joies pour les autres, mais trés certainement de tristesse partagée pour tous.
Même si de micro-sondages (qui n'ont de valeurs que celles qu'elles veulent bien retenir) sont faits en autant de retours positifs de part et d'autre de la Méditerranée (sans occulter, bien sûr, les rejets que cette idée peut aussi occasionner), cela est une démarche qui ne laisse nullement indifférente et tout modeste soit ce sujet de nationalité eut égard au "droit de l'Histoire" dans un monde où les frontières s'éloignent (ou bien se renforcent), il n'est pas sans conséquence dans un débat d'idée, transposable, dépassant de loin le seul cadre de l'histoire passionnée franco-algérienne déclinée sous toutes ses subtiles déclinaisons. Puisse-t-il être utile à la composition d'un monde meilleur. On a le droit d'être utopique, non!
Donc, sous peu, un texte sera à ce sujet porté à votre connaissance. Nous ne doutons pas, par avance, qu'il suscitera bien des débats.
Et vive la mouche du coche!
Eric Wagner
Cher Monsieur,
Je vous remercie de votre message. Je viens de finir la lecture de votre projet et vous le retourne accompagné de ma signature. Je le signe pour plusieurs raisons dont au moins celle-ci : voilà deux ans j'ai écrit à plusieurs reprises au Ministre de la Justice à El Biar en demandant la nationalité algérienne à laquelle je pense avoir droit. Je n'ai pas même reçu un accusé de réception, rien. Je me suis alors déplacé à Alger en mai 2007, j'ai été reçu à El Biar avec une copie de ma lettre. On m'a promis qu'on me répondrait, et bien entendu rien n'est venu. Je signe votre projet pour que soit entendue la voix de ceux qui considèrent la loi du sol comme primant sur celle du sang ou de je ne sais quelle confession. Cela est incroyable qu'on en soit toujours là.
A ma façon, je milite pour la même chose, un rapprochement sincère (et au fond, si normal) de nos pays et de nos peuples déchirés par les heurts de l'Histoire. Sur un plan individuel nous pouvons faire beaucoup, et peut-être aller plus loin que l'incapacité des Etats, et leur engluement dans les tares de la politique…..
Plaidoirie pour une réconciliation,
Les plaies se traitent
L’Histoire, fidèle à elle même et comme elle le fait souvent, nous rattrape au moment où l’on s’y attend le moins. Qu’importe la détermination, les élans passionnels, les attitudes et les comportements conjoncturels ou intéressés des uns et des autres. Ils peuvent à la limite, découler d’un état second et réversible. Qu’importe aussi l’inimitié et l’hostilité aujourd’hui plus ou moins atténuées mais qui continuent à peser, négativement, sur des relations devenues après un détour de l’Histoire, superbement distantes, comme si nous nous sommes jamais connus ou vécu un segment de notre existence ensemble. D’aucuns n’avaient oublié le bon voisinage et la courtoisie qui étaient au fort de nos attaches d’habitants tolérants d’une même ville, d’un même quartier, d’une même rue ou d’une même école et classe. La mitoyenneté pacifique s’était toujours complétée par une amabilité spontanément affichée.
Nous sommes, pour l’heure encore pénétrés, tout aussi bien, de charité, d’amour du prochain, d’affection et d’amitié prônés, du reste, par nos trois religions, celles du Livre. Dans notre commun pays, à côté des hommes engagés, eux, dans la guerre, aujourd’hui finie, il y avait bien des enfants, femmes et hommes non concernés mais l’ayant subi avec ses douloureuses implications, ses larmes, ses victimes, ses héros et leurs distinctions, ses destructions, ses parades et autres. Au jour d’aujourd’hui, cela relève bien du passé. Il est inutile de le pleurer et continuer à vivre un drame qui a déjà pris son lot de souffrance et de victime Oui, les guerres, ont eu lieu dans toutes les régions du monde, entre tous les peuples et à toute époque, avec tout le même contingent de violences de sang, de larmes et de destruction marquant, dans notre cas le parcours d’une population ayant, par dessus tout, le privilège d’être concomitamment une et plurielle. Pourquoi s’en lamenter encore : l’Algérie était la zone déferlement de plusieurs vagues de conquêtes aussi dévastatrices que dépersonnalisantes. Soyons objectifs, les occupations successives de l’Algérie n’ont pas ramené que l’effet néfaste d’une exploitation étalée dans le temps : il y avait aussi leurs dimensions socioculturelles conférant au pays dominé, au moins la fonction de carrefour des civilisations ; j’en ai, à ce titre pour seuls arguments, le rayonnement de l’université d’Alger et l’institution de l’Etat Civil oh combien bénéfique sur le plan socio-administratif, nonobstant l’aspect urbanistique et architecturel des édifices et constructions : on y trouve insérés à l’autochtone, toutes les ethnies, principalement, méditerranéennes sans parler, entre autres, de l’art culinaire aussi riche que savamment bien épicé. Les bienfaits ou méfaits de la colonisation sont d’un autre discours qu’un jour ou l’autre l’on se doit de le débattre objectivement.
Par un été 62, un arrachement soudain et séparateur nous inflige une cassure et un éloignement auxquels nuls n’aspiraient. Non, après des décennies de silence et de froid, l’oubli ne saurait vaincre et s’installer, en nous, envers et contre tous. Des mains, de part et d’autre de la mer demeurent tendues. Notre histoire est celle de la destinée d’un peuple mixte, piègé par l’Histoire.
Je n’ai point les talents d’un tribun ou rhéteur, pour faire une plaidoirie, seulement un élan s’imprime en moi et l’ombre des souvenirs d’enfance m’habilite et me procure la capacité de choisir les vocables sincères aux fins de reprendre langue avec des femmes et des hommes , hier enfants que j’ai côtoyés . Nous ne pouvons mourir sans nous dire au revoir et nous pardonner mutuellement et sans aussi –re-visiter la maison qui nous a vu naître et grandir, l’école communale et la placette de notre village.
Aujourd’hui, pour se voir, il y a lieu, traverser une mer, faire un saut par les airs, se servir d’un téléphone ou encore, tout simplement, solliciter sa mémoire. La coexistence et la vie commune, des trois communautés que nous formions, dans un même et unique espace choyé par une nature clémente et hospitalière ont tissé des liens pour le moins courtois. L’état de belligérance a dans notre cas, paradoxalement, enfanté amitié et brassage. Non, et je le réitère, notre histoire ne comporte pas que des faits d’arme, de la mort et des séparations : elle a charrié, aussi l’amour et entretient notre mémoire face aux creux d’une amnésie mortifiante confinée dans une double absence, physique et spirituelle.
Je m’offre une promenade solitaire dans un chemin autrefois grouillant de monde, présentement interrompu, déserté et assigné à un état de jachère chronique qui ne saurait persister. Nous qui avons nos entrailles en cette terre, devrions venir l’un vers l’autre. Le temps, pour être un raccommodeur universel, il l’est et doit le rester pour ravauder ce qu’il y a lieu de conserver.
Quarante ans se sont déjà écoulés et les plaies se doivent d’être cicatrisées. Il n’est plus convenable de les entretenir, surtout pas de les exhiber à nos enfants. Elles doivent plutôt évoquer en nous, non pas la lésion, la complainte ou les regrets, mais la trace d’une épreuve du temps chèrement payée.
Ce que j’entreprends là n’est pas n’est pas un récit, mais une voix avec son accent familier du bled que je lance à qui veut l’entendre en restant attentif à ses échos. Je cherche à renouer avec mes semblables de l’autre rive. C’est le message colporté. Il est des algériens d’expression française qui restent encore Algériens en dépit de leur nationalité actuelle et qui ne cessent de chercher à reprendre attache avec leurs racines et revoir leur maison, leurs camarades d’autrefois, leur ancienne école, leur ancien village et leur plage familiale toujours ensoleillée et les Algériens restés sur place ne cesse d’être à l’afflux des nouvelles de là-bas et des éventuelles visites de ce genre. Rencontrons-nous vite. Nous sommes tous victimes d’une époque et d’une histoire ; dois-je donc le répéter ?
Pour posséder l’avenir, l’Algérie d’après 62 gagnerait à considérer avec égard les hauts et les bas de son passé et a tout intérêt à évacuer les séquelles pesantes, encombrantes et incultes d’une période douloureuse pour les unes et les autres. Mais tant que nos terres, avaient été plusieurs fois conquises, la seule revanche à prendre par notre génération est de sortir de la peau de victime et effacer les traces de la guerre.
Mesdames et messieurs des deux rives, vous qui êtes épris de paix, je ne devrais pas vous interpeller qu’à bon escient ; c’est pour vous que je destine ces lignes. Je vous appelle à jouer un rôle déterminant dans le rapprochement nécessaire et souhaité de ce que l’on appelait autrefois les populations d’Algérie aujourd’hui atomisées. Il est temps de réviser vos positions et d’apporter sa pierre à l’édifice Algérie.
Tébessa, mai 2002
Badiska
Contributions
Je me fais ce devoir d’apporter une pierre à la belle mosaïque qui se conforme progressivement dans l’expression claire d’une revendication, somme toute, légitime, pacifique et pacifiste.
Si je me félicite de la vaillance et l’énergie présentement affichées, par vous tous et de la fidélité collective, perçue, envers un pays dont vous continuez à partager avec moi l’appartenance et l’Amour, je ne dois pas exprimer, seulement, ma solidarité et ma sympathie toutefois acquises pour le Mouvement et je m’interdis, de tenir un discours creux et circonstancié. Je n’use pas, aussi pour la conduite de l’opération envisagée, de la formule ‘’feuille de route’’, conçue sous d’autres cieux, pour d’autres motifs et à l’adresse d’ethnies opposées. Ce qui n’est pas notre cas.
Natifs d’Algérie, unissez-vous !
Le Mouvement D’Algérie-Djezaïr qui se cristallise sûrement dans la cohérence de ses démarches, ne doit pas se confiner dans la dimension et les spécificités d’un problème international, à la différence près qu’il n’y a point d’adversité et que notre pays n’est pas un ensemble dupliqué. Il est Un et nous l’aimons de la même façon. Notre élan est une addition et un apport mutuel. Ce qui est certain, le Mouvement ‘’D’Algérie-Djezaïr’’, s’engagerait, à des fins humanistes, après aboutissement de sa revendication, à souffler la solution aux uns et autres, enlisés, dans un conflit séculaire et pesant avec cette mention que nous tous, devons œuvrer pour
A voir le développement de la situation après, pratiquement la cinquantaine d’années qui nous séparent de 1962, il convient de dire que les cris et les chuchotements qui ont caractérisé, jusque là, cette période post coloniale, ont laissé place, tel qu’il est constaté par quelques observateurs, à des discours plutôt réconciliateurs et pragmatiques dont il faut dire qu’il était temps de les tenir et mettre en devanture.
Pour enrichir les débats que vous initiez, permettez-moi d’ajouter quelques autres réflexions, essentiellement à caractère historique, que je soumets à votre analyse dont voici la teneur :
Si revendication concrète il y a, comme c’est le cas, lieu de situer le contexte actuel du pays d’origine. C’est un canevas de travail tactique et de progression guidée.
A l’entame des années soixante, meurtrie par le nombre des victimes des deux camps, le départ massif et hémorragique de ses ressources humaines, l’arrêt de ses moyens de production et l’éviction du GPRA, garant d’un pouvoir civil et démocratique de la nouvelle Algérie et surtout des accords d’Evian, notre pays avait compromis le bel avenir, qui, à l’époque s’offrait à lui et auquel les Algériens de tout poil avaient souscrit.
Par une espèce de désespoir et déception liés certainement à de circonstances exceptionnelles, les Algériens, toutes communautés confondues, avaient vécu des situations difficiles et des lendemains incertains. La fraîcheur d’une guerre encore fumante et les tractations de certaines couches opportunistes et du dernier quart d’heure avaient compromis un avenir radieux et pris en otage le pays.
Le FLN initiateur de la déclaration du 1er novembre 1954 par laquelle il reconnaissait, solennellement aux Français d’Algérie’’ le droit de rester en Algérie et de choisir la nationalité ou de statut d’étranger, s’était fait noyauter par certains de ses militants agissant à titre personnel ; il avait, alors, rectifié son tir sous la pression des partisans du démembrement de l’Algérie de son cadre, culturel et social nord africain et méditerranéen naturel pour la catapulter dans le giron des pays Arabes où s’étaient exilés, durant la guerre, les cadres influents et dans un arabisme mythique, avec un consentement affiché, consciemment ou inconsciemment, par certains officiels Français.
Ce retrait avait ouvert les portes à l’influence de plus en plus grandissante des pays arabes tous sous développés. Des Carthaginois, Romains, Vandales, Byzantins, Arabes, Turcs, Français, les Algériens ne retiennent uniquement et curieusement que l’apport des Arabes et occultent délibérément les autres civilisations qui l’avaient visitée.
Par ailleurs, l’éclatement du GPRA avait, pour première conséquence, la violation des accords d’Evian et là, la responsabilité était partagée avec les ultras regroupés au sein de l’OAS. Le réveil de Susini s’était fait tardivement -juin 62- et son projet de faire de l’Algérie un pays euro-africain n’avait pas tenue la route.
Le thème est encore long, je m’en tiens à ces quelques réflexions, uniquement pour situer un peu l’action à mener et élargir les discussions sur l’aspect historique de la revendication. Je préfère parler de réajustement de Statut Personnel De ces considérations découle la nécessité de revoir et appliquer, stratégiquement, la déclaration du 1er novembre 1954 et relire et respecter les clauses des accords d’Evian, d’autant plus que la législation algérienne tolère, à sa manière, la double nationalité.
Je crois dur comme fer que si cette revendication devrait aboutir, ce serait après un âpre combat sans relâche, non seulement auprès des autorités algériennes mais aussi des instances internationales et des associations caritatives des Droits de l’Homme et Droits de
Souhaitons-nous bonne chance. Personnellement, je trouve en cette revendication une lueur d’espoir de voir l’Algérie recouvrer une des ses dimensions civilisationnelle et universaliste.
Je ne verse pas dans le pessimisme, si je vous dis que pour nous les francophones algériens, les horizons se rétrécissement sur nous. L’enfant naturel de l’arabité est sans doute l’islamisme qui n’a absolument rien à voir avec l’Islam qui, pour le moins, reconnaît et respecte le Judaïsme et le Christianisme.
En somme, mon message est le suivant : Les modalités de la revendication doivent, dans une stratégie mûrement élaborée et bien exécutée, se faire sans fautes avec recours à l’histoire, à des textes juridiques et l’appui des instances internationales.
Badiska
Plaidoirie pour une visite
Tébessa le 20 mars 2004
« Vous pouvez arracher l’homme du pays, mais vous ne pouvez pas arracher le pays du cœur de l’homme» Dos Passos
Je suis plusieurs fois centenaire, je vous ai vu naître, grandir et partir sans préavis ou promesse de retour et tout comme vous, j’ai su gardé, indélébiles, vos empreintes laissées dans vos maisons, vos rues, vos quartiers, votre synagogue, votre église, votre marché, votre école de garçons et celle de
Ville d’histoire je le suis, et précisément de votre histoire et cheminement qui ont tourné court par un chaud été 62. Comme vous le constatez, je viens vers vous après une retenue que je n’accepte plus. Je sais que vous ne m’avez jamais tourné le dos, et suis perpétuellement dans vos mémoires. Avec le temps cela ne suffit plus. Il faudrait, absolument, faire un geste à mon adresse et daigner amorcer une enjambée dans le temps et moi, je vous ouvre, alors, mon espace qui a été et reste le votre. Vous y trouveriez encore des femmes et des hommes que vous aviez connus et aimés. Ils viendront nombreux, ils me l’ont dit, à votre rencontre. Qu’importe s’ils se présenteront avec les marques du temps : ils les auront aux visages, mais pas aux cœurs.
A votre arrivée une prière commune sera prononcée pour évincer le sort qui nous a frappés sans toutefois ébranler nos liens d’anciens concitoyens. Nos pieuses pensées iront à ceux qui nous ont quittés. Ainsi seront-elles émoussées les souffrances engendrées par la violence dans laquelle ils sont partis.
Je mesurerai la fréquence des battements, certainement accélérés, de votre cœur et l’ampleur de votre élan qui vous poussera à redécouvrir votre ville et votre passé, en somme votre ancien milieu. Il s’agit pour moi d’accueillir, après des lustres, mes enfants, sous le signe des retrouvailles et susciter en vous et moi, votre bonheur et votre joie à votre entrée dans mes murs.
Je ne compte pas me décorer ou me pavoiser car les seuls décors et pavoisement seront vous. Quel sera mon bonheur de vous sentir revivre vos anciens moments d’enfance et de jeunesse, de vous permettre, après tant d’années, de ressentir l’air d’antan et d’amortir les percussions cadencées de vos talons venus battre sur les pavés de mes trottoirs et vous voir déambuler, en bon enfant, nonchalamment après les d’année de séparation, à travers mes rues et boulevards et votre ombre réfléchie sur la chaussée qui me sillonne encore. C’est dire qu’il y a des moments émouvants en perspectives.
J’attends de vous cette visite hautement réconciliatrice pour une communion, retrouvée, ne serait-ce ponctuelle parmi le collectif des citadins qui m’habitent.
La vie s’échappe de nous comme une poudre précieuse non renouvelable, par delà d’un trou déchiré, car il y a eu une brèche et déchirement. J’ai et j’en conviens, pris de l’âge et de l’embonpoint mais c’est négligeable comparativement à vous, ayant comptabilisé, heures, jours et ans, sans me voir.
Ma vie est certes plus longue, j’ai vu des générations et des générations, mais je souhaite me consacrer particulièrement à vous et à votre époque tant que vous êtes de ce monde. Les tissus urbains qui ont, en moi, bourgeonné, ici et là, ne m’ont pas fait perdre ce que je conserve encore, jalousement de vous. Vos stigmates sont toujours vifs et entretiennent chez beaucoup de tébessiens une présence même exclusivement spirituelle, mais toutefois suffisante tant que les choses sont ce qu’elles sont. Mes registres foisonnent encore de vos noms, prénoms et dates de naissances et de mariage.
La terre, certes, nous sépare mais le ciel, sans que nous le sachions et avant d’y être, ne fait que converger nos regards, ne serait-ce durant nos prières, lorsque nous levons les yeux en même temps.
Je ne peux plus vivre uniquement de votre souvenir de plus en plus lointain. Si vous faites de moi uniquement votre dépôt de mémoire, moi, de mon côté, je l’accepte difficilement car, tout compte fait vous m’aviez quitté à contre coeur.
Mais je vous attends quand même !
Tébessa votre ville éternelle
Badiska
"Une déclaration des garanties promettait une entière sécurité à tous les habitants pour les actes commis avant le cessez-le-feu et les opinions émises avant le scrutin d’autodétermination, ainsi que la pleine liberté de circuler entre les deux pays. Elle accordait aux Français d’Algérie le droit d’exercer pendant trois ans les droits civiques algériens avec représentation proportionnelle à leur nombre, avant de choisir leur nationalité définitive, leur garantissait le respect de leurs droits civils, de leur religion, de leur langue, de leurs biens, ainsi qu’aux ressortissants français de statut étranger."
A mon avis il serait bon de rappeller le fait que le peuple Algérien avait ratifié massivement lors du référendum du 1er Juillet 62 la déclaration ci dessus au sujet de la Nationalité, le problème de la "double nationalité"restant une décision régalienne de l'autre Etat . Pour la France la nationalité française ne peut jamais etre perdue sauf renonciation volontaire idem pour l'Algérie qui concéde sa nationalité aux descendants d'Algériens Français nés en France même s'ils n'ont jamais connu le pays d'origine de leurs aieux.
Bien cordialement
J F Paya
LES ACCORDS D'EVIAN disent QUE les "Francais" peuvent demander individuellement la nationalité algérienne. Ils excluaient donc déjà les Pieds-Noirs de cette nationalité, cqfd!
Au départ des négociations, les Français demandaient la nationalité automatique, mais le GPRA a toujours refusé.
C'est ce que dit Redha Malek (L'Algérie à Evian. Histoire des négociations secrètes 1956-1962. Ed Du Seuil 1995).
La seule revendication, c'est l'attribution collective et automatique de cette nationalité...
Libres à ceux qui ne la voudont pas de ne pas la prendre !
jpl
Lecture à comparer avec celle du livre de Maurice Allais, Prix Nobel de Sciences Economiques, "L'Algérie d'Evian" 1ère édition 02/07/62, deuxième édition, éd. Jeune Pied-Noir 1999.
EW
Salut à l'ami Eric et aux siens, d'abord.
Et, aussi, aux amis D'Algérie - Djezaïr, ceci, avec mes excuses de ne pas répondre spontanément aux débats et informations que je lis, pourtant !
J'ai - depuis le massacre d'El Halia, que j'ai vécu le 20 Août 1955 - compris
que ma place était nulle part. C'est, du moins, à partir de ce point inexistant
que j'ai essayé de dresser une carte géographique - personnelle, bien sûr -
de mon existence, dès lors.
De nombreux points se sont, au fil du temps, recoupés sur mes prospections
dans la vie. J'en tenais compte et, à chaque rencontre - soit avec des "Pieds noirs", soit avec des anciens soldats, soit avec d'anciens activistes de l'OAS, soit avec des partisans de la rébellion (et du FLN actuel, néanmoins…) - je prenais des notes et déplaçais ma position en complétant, au fur et à mesure, la carte personnelle d'éléments de réflexion nouveaux.
Dernièrement, j'ai écrit à Monsieur Aziz Mouats - in "Algérie, Histoires à ne pas dire" de Jean-Pierre Lledo - cette réflexion :"Après le 20 Août, un rideau - une porte - s'est fermée derrière moi. J'ai quitté, avec ma mère et ma petite sœur l'Algérie (mon père fut tué par le FLN ce fameux jour" (...).
Depuis, j'ai vécu en Lorraine, j'ai appris l'Allemand du coin et la façon que les Mosellans de l'époque avait de vivre.
J'ai donc - non pas "oublié" l'Algérie - mais tourné le dos à ce pays avec un secret espoir qui prit naissance au même moment : un jour un Algérien viendra me chercher.
Depuis, le temps a passé et j'ai écrit mon livre : "El Halia, le sable d'El Halia".
Le manuscrit de cet ouvrage a été envoyé à TOUS les éditeurs de France. Au Seuil, on me proposa, d'abord de l'éditer, ensuite on se rétracta. D'autres me répondirent des choses sans intérêt, quand certains affirmaient que le livre
était hors de ce temps d'édition. Jusqu'à la confirmation de Madame V L qui m'affirmera connaître le monde de l'édition, attestant que mon livre "quand on le lit bien, dérange".
Alors, concernant la double nationalité - autre élément qui se rajouterait à ma carte personnelle - je répondrais ce que je réponds, honnêtement, à toute personne qui soulève un sujet digne d'une loi et de son poids civique. Pour moi,
la question ne s'est jamais posée depuis le jour où, secrètement, j'ai attendu les excuses du massacre de mon village par ces personnes dont les actes institueront l'autorité actuelle.
D'un autre côté, ma mère, moi et ma jeune sœur, avons commencé à nous sentir mieux - suite au massacre - lorsque nous nous sommes imprégnés de la culture locale - et cosmopolite ! - de cette Lorraine mosellane que nous avons aimé.
Suite au film de Jean-Pierre Lledo et suite à l'attitude de deux personnages du film ; et à la censure du gouvernement ; et à l'attitude de la presse et des intellectuels algériens (et français pro FLN) face à Algérie, Histoire à ne pas dire… s'est révélée, en moi, une réflexion cachée :
- Donc, jusqu'à aujourd'hui, l'autorité civique de l'Algérie nous ignore au point de ne reconnaître comme "martyres" que les Algériens d'origines musulmanes.
Ce que le film m'a appris, en plus, réside dans le fait que l'Algérie - dès lors - pour moi "c'est trop loin".
Je veux dire que le temps a fait son travail et que la France m'a envahi naturellement au point que l'envie de retourner ne peut, dès lors, plus m'atteindre, puisque je me suis trop éloigné.
L'Algérie à changé de visage, je ne la reconnaitrais pas.
Ne me restait - avant de replier la carte - que d'écrire "El Halia, le sable d'El Halia" et d'attendre que des artistes prennent "le relais"de cette histoire.
Pour la France, l'homme de théâtre Jean-Louis Hourdin l'a monté et joué plus de cent fois.
Pour moi, géographiquement, j'ai fait le tour du sujet.
Par contre, je comprends que d'autres personnes - plus âgées que moi, ou n'ayant pas vécues cette histoire de la même manière - pensent à une double nationalité.
Je vois ça de loin sans porter de jugement autre que le respect d'une telle conviction.
Mercis d'avoir lu mon mail.
Et mercis aussi à tous, de tenter des ouvertures vers ce pays qui est le mien dans ma chair et ma pensée, mais non physiquement.
Fidèlement,
Louis Arti, poète.
Une réflexion trés opportune nous vient du Québec (quand on vous dit que D'Algérie-Djezaïr est planétaire!). Elle éclaire trés justement les sentiments animant nombre d'entre nous. Merci Jean-Louis.
Sans interférer aucunement dans le débat sur la nationalité, je veux attirer l'attention sur ce qui me paraît l'essentiel : notre héritage. Ni nos parents ni nos ancêtres n'ont jamais été remerciés ou simplement reconnus pour ce qu'ils ont fait d'utile sur le territoire de l'Algérie, non plus que pour leur participation à la libération de l'Europe. Or nous sommes leurs enfants et nous savons à quel point il eût été simple et juste que la République reconnaisse la valeur de ces immigrés et descendants d'immigrés. Mais cela ne viendra probablement pas. Cela ne vient jamais.
Quand on a besoin d'amour, c'est la haine ou le mépris que l'on reçoit. Il revient aux enfants et adolescents que nous fûmes de dire un peu ce qui nous fait différents - et ce qui fait qu'un jour une association comme d'Algérie-Djezaïr trouve en nous un écho. Il faut je crois quitter le terrain de l'affrontement idéologique et l'écran de fumée qui cache des vérités simples et claires. Ce n'est pas parce que la République est obsédée par l'Un qu'elle doit à tout prix s'empêcher de voir ce qui est particulier, singulier … mais universel. Et c'est précisément parce notre héritage exprime l'universel que nous n'avons pas à cautionner le mensonge sur nos parents ... et sur nous-mêmes.
Il existe à propos de nous une sorte de xénophobie masquée qui tend à nous montrer comme des pièces rapportées. Mais nous sommes bien plus des enfants de la République que des enfants de l'Hexagone. Que cela plaise ou non, nous sommes des Français d'Algérie et non des Français de France. C'est le genre d'évidence qui prend du temps à s'imposer. C'est nous les Africains qui revenons de loin, chantait mon père. Nous sommes des francophones que l'on prend pour des Français retournant dans la mère patrie en 62, des rapatriés.
Bien sûr c'est le territoire métropolitain qui le plus souvent nous a recueillis quand nous avons fui
l'Algérie. Reconnaissons notre chance et remercions la République. Mais notre école en Algérie n'était pas tout à fait celle du Grand Meaulnes et notre culture était fortement méditerranéenne. Surtout nous n'avons pas cette haine de soi qu'éprouvent un certain nombre de Français qui passent leur temps à vomir leur pays et leur passé, pensant peut-être conjurer je ne sais quelle malédiction ou quelle culpabilité. La guerre civile entre la gauche et la droite, qui a peut-être simplement pris le relais des guerres de religion comme le suggère Lévy-Strauss - n'est pas souhaitable car elle est porteuse de toutes les haines.
Si Camus est pour nous précieux, ce n'est pas parce qu'il est pied-noir , mais parce celui qui a écrit Les Justes exprime la conscience - ce qui fait que le terrorisme n'est pas acceptable même s'il prétend se justifier (comme la torture d'ailleurs).Cette même conscience se retrouve chez Germaine Tillion . C'est cette conscience qui nous permet aujourd'hui d'ouvrir les bras sans arrière-pensée et sans honte. Conscience d’être universels et d’avoir quelques raisons de l’être.
Qu'avons-nous gagné,nous qui étions encore enfants ou adolescents en 1962?
À travers les vicissitudes de la vie et au-delà de nos défauts et manques comme individus et comme
communauté, nous avons appris quelque chose. Ce n'est pas l'affrontement entre des clans qui est
juste, ni l'invective et la haine qui sont justes. Ce n'est pas d'avoir le dernier mot qui compte et ce n'est pas la guerre civile sur fond de polémiques qui est bonne.
Enfants des départs forcés, nous avons connu le désir cuisant du retour et l'impossibilité de revenir en arrière, comme Orphée ne peut retrouver Euridyce. Enfants de la guerre, nous connaissons le prix de la paix. À l'Indépendance, nul psy ne s'est penché sur nous, nul n'a trouvé les mots qu'il nous fallait. Pourtant, à travers les délinquances de nos âges nous nous sommes construits . Les petites filles et les petits garçons ont grandi malgré tout. Comme je pense à nous tous et comme je pense à toi, Louis Arti, avec une sorte de fierté,et comme je pense aussi à toi , Rézac , toi dont le père fut tué au coin de notre rue… un peu avant que j'aille chercher ta mère,pour l'accompagner jusqu'à lui .
Oui, J'ai le sentiment aujourd'hui que les vieux enfants que nous sommes devenus ont gagné une certitude. Ils ne veulent ni du ressassement morbide qui ronge jusqu'au coeur,ni des réductions
idéologiques du terrorisme intellectuel.
Ils savent que le Juste marche sur le fil fragile qu'un destin sans âme daigne lui tendre. S'il ignore le sens de cette marche, du moins il sait qu'il n'est pas seul. C'est peu .
Mais ce n’est pas rien.
Jean-Louis Galiero
Et, aussi, aux amis D'Algérie - Djezaïr, ceci, avec mes excuses de ne pas répondre spontanément aux débats et informations que je lis, pourtant !
J'ai - depuis le massacre d'El Halia, que j'ai vécu le 20 Août 1955 - compris que ma place était nulle part. C'est, du moins, à partir de ce point inexistant que j'ai essayé de dresser une carte géographique - personnelle, bien sûr - de mon existence, dès lors.
De nombreux points se sont, au fil du temps, recoupés sur mes prospections dans la vie. J'en tenais compte et, à chaque rencontre - soit avec des "Pieds noirs", soit avec des anciens soldats, soit avec d'anciens activistes de l'OAS, soit avec des partisans de la rébellion (et du FLN actuel, néanmoins…) - je prenais des notes et déplaçais ma position en complétant, au fur et à mesure, la carte personnelle d'éléments de réflexion nouveaux.
Dernièrement, j'ai écrit à Monsieur Aziz Mouats - in "Algérie, Histoires à ne pas dire" de Jean-Pierre Lledo - cette réflexion :"Après le 20 Août, un rideau - une porte - s'est fermée derrière moi. J'ai quitté, avec ma mère et ma petite sœur l'Algérie (mon père fut tué par le FLN ce fameux jour" (...).
Depuis, j'ai vécu en Lorraine, j'ai appris l'Allemand du coin et la façon que les Mosellans de l'époque avait de vivre.
J'ai donc - non pas "oublié" l'Algérie - mais tourné le dos à ce pays avec un secret espoir qui prit naissance au même moment : un jour un Algérien viendra me chercher.
Depuis, le temps a passé et j'ai écrit mon livre : "El Halia, le sable d'El Halia". Le manuscrit de cet ouvrage a été envoyé à TOUS les éditeurs de France. Au Seuil, on me proposa, d'abord de l'éditer, ensuite on se rétracta. D'autres me répondirent des choses sans intérêt, quand certains affirmaient que le livre était hors de ce temps d'édition. Jusqu'à la confirmation de Madame V L qui m'affirmera connaître le monde de l'édition, attestant que mon livre "quand on le lit bien, dérange".
Alors, concernant la double nationalité - autre élément qui se rajouterait à ma carte personnelle - je répondrais ce que je réponds, honnêtement, à toute personne qui soulève un sujet digne d'une loi et de son poids civique. Pour moi, la question ne s'est jamais posée depuis le jour où, secrètement, j'ai attendu les excuses du massacre de mon village par ces personnes dont les actes institueront l'autorité actuelle.
D'un autre côté, ma mère, moi et ma jeune sœur, avons commencé à nous sentir mieux - suite au massacre - lorsque nous nous sommes imprégnés de la culture locale - et cosmopolite ! - de cette Lorraine mosellane que nous avons aimé.
Suite au film de Jean-Pierre Lledo et suite à l'attitude de deux personnages du film ; et à la censure du gouvernement ; et à l'attitude de la presse et des intellectuels algériens (et français pro FLN) face à Algérie, Histoire à ne pas dire… s'est révélée, en moi, une réflexion cachée :
- Donc, jusqu'à aujourd'hui, l'autorité civique de l'Algérie nous ignore au point de ne reconnaître comme "martyres" que les Algériens d'origines musulmanes.
Ce que le film m'a appris, en plus, réside dans le fait que l'Algérie - dès lors - pour moi "c'est trop loin". Je veux dire que le temps a fait son travail et que la France m'a envahi naturellement au point que l'envie de retourner ne peut, dès lors, plus m'atteindre, puisque je me suis trop éloigné.
L'Algérie à changé de visage, je ne la reconnaitrais pas.
Ne me restait - avant de replier la carte - que d'écrire "El Halia, le sable d'El Halia" et d'attendre que des artistes prennent "le relais"de cette histoire.
Pour la France, l'homme de théâtre Jean-Louis Hourdin l'a monté et joué plus de cent fois.
Pour moi, géographiquement, j'ai fait le tour du sujet.
Par contre, je comprends que d'autres personnes - plus âgées que moi, ou n'ayant pas vécues cette histoire de la même manière - pensent à une double nationalité. Je vois ça de loin sans porter de jugement autre que le respect d'une telle conviction. Mercis d'avoir lu mon mail. Et mercis aussi à tous, de tenter des ouvertures vers ce pays qui est le mien dans ma chair et ma pensée, mais non physiquement.
Fidèlement,
Louis Arti, poète.
Une réflexion trés opportune nous vient du Québec (quand on vous dit que D'Algérie-Djezaïr est planétaire!). Elle éclaire trés justement les sentiments animant nombre d'entre nous. Merci Jean-Louis.
Sans interférer aucunement dans le débat sur la nationalité, je veux attirer l'attention sur ce qui me paraît l'essentiel : notre héritage. Ni nos parents ni nos ancêtres n'ont jamais été remerciés ou simplement reconnus pour ce qu'ils ont fait d'utile sur le territoire de l'Algérie, non plus que pour leur participation à la libération de l'Europe. Or nous sommes leurs enfants et nous savons à quel point il eût été simple et juste que la République reconnaisse la valeur de ces immigrés et descendants d'immigrés. Mais cela ne viendra probablement pas. Cela ne vient jamais.
Quand on a besoin d'amour, c'est la haine ou le mépris que l'on reçoit. Il revient aux enfants et adolescents que nous fûmes de dire un peu ce qui nous fait différents - et ce qui fait qu'un jour une association comme d'Algérie-Djezaïr trouve en nous un écho. Il faut je crois quitter le terrain de l'affrontement idéologique et l'écran de fumée qui cache des vérités simples et claires. Ce n'est pas parce que la République est obsédée par l'Un qu'elle doit à tout prix s'empêcher de voir ce qui est particulier, singulier … mais universel. Et c'est précisément parce notre héritage exprime l'universel que nous n'avons pas à cautionner le mensonge sur nos parents ... et sur nous-mêmes.
Il existe à propos de nous une sorte de xénophobie masquée qui tend à nous montrer comme des pièces rapportées. Mais nous sommes bien plus des enfants de la République que des enfants de l'Hexagone. Que cela plaise ou non, nous sommes des Français d'Algérie et non des Français de France. C'est le genre d'évidence qui prend du temps à s'imposer. C'est nous les Africains qui revenons de loin, chantait mon père. Nous sommes des francophones que l'on prend pour des Français retournant dans la mère patrie en 62, des rapatriés.
Bien sûr c'est le territoire métropolitain qui le plus souvent nous a recueillis quand nous avons fui
l'Algérie. Reconnaissons notre chance et remercions la République. Mais notre école en Algérie n'était pas tout à fait celle du Grand Meaulnes et notre culture était fortement méditerranéenne. Surtout nous n'avons pas cette haine de soi qu'éprouvent un certain nombre de Français qui passent leur temps à vomir leur pays et leur passé, pensant peut-être conjurer je ne sais quelle malédiction ou quelle culpabilité. La guerre civile entre la gauche et la droite, qui a peut-être simplement pris le relais des guerres de religion comme le suggère Lévy-Strauss - n'est pas souhaitable car elle est porteuse de toutes les haines.
Si Camus est pour nous précieux, ce n'est pas parce qu'il est pied-noir , mais parce celui qui a écrit Les Justes exprime la conscience - ce qui fait que le terrorisme n'est pas acceptable même s'il prétend se justifier (comme la torture d'ailleurs).Cette même conscience se retrouve chez Germaine Tillion . C'est cette conscience qui nous permet aujourd'hui d'ouvrir les bras sans arrière-pensée et sans honte. Conscience d’être universels et d’avoir quelques raisons de l’être.
Qu'avons-nous gagné,nous qui étions encore enfants ou adolescents en 1962?
À travers les vicissitudes de la vie et au-delà de nos défauts et manques comme individus et comme
communauté, nous avons appris quelque chose. Ce n'est pas l'affrontement entre des clans qui est
juste, ni l'invective et la haine qui sont justes. Ce n'est pas d'avoir le dernier mot qui compte et ce n'est pas la guerre civile sur fond de polémiques qui est bonne.
Enfants des départs forcés, nous avons connu le désir cuisant du retour et l'impossibilité de revenir en arrière, comme Orphée ne peut retrouver Euridyce. Enfants de la guerre, nous connaissons le prix de la paix. À l'Indépendance, nul psy ne s'est penché sur nous, nul n'a trouvé les mots qu'il nous fallait. Pourtant, à travers les délinquances de nos âges nous nous sommes construits . Les petites filles et les petits garçons ont grandi malgré tout. Comme je pense à nous tous et comme je pense à toi, Louis Arti, avec une sorte de fierté,et comme je pense aussi à toi , Rézac , toi dont le père fut tué au coin de notre rue… un peu avant que j'aille chercher ta mère,pour l'accompagner jusqu'à lui .
Oui, J'ai le sentiment aujourd'hui que les vieux enfants que nous sommes devenus ont gagné une certitude. Ils ne veulent ni du ressassement morbide qui ronge jusqu'au coeur,ni des réductions
idéologiques du terrorisme intellectuel.
Ils savent que le Juste marche sur le fil fragile qu'un destin sans âme daigne lui tendre. S'il ignore le sens de cette marche, du moins il sait qu'il n'est pas seul. C'est peu .
Mais ce n’est pas rien.
Jean-Louis Galiero
Wagner
le 31.10.08 à 12:02
dans d/ Premiers projets. Réflexions sur la nationalité.
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