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D'Algérie - Djezaïr
Mouvement de réconciliation

Proposer une devise

"Il faut mettre ses principes dans les grandes choses, aux petites la miséricorde suffit." Albert Camus// "La vérité jaillira de l'apparente injustice." Albert Camus - la peste// "J'appelle à des Andalousies toujours recommencées, dont nous portons en nous à la fois les décombres amoncelés et l'intarissable espérance." Jacques Berque// « Mais quand on parle au peuple dans sa langue, il ouvre grand les oreilles. On parle de l'arabe, on parle du français, mais on oublie l'essentiel, ce qu'on appelle le berbère. Terme faux, venimeux même qui vient du mot 'barbare'. Pourquoi ne pas appeler les choses par leur nom? ne pas parler du 'Tamazirt', la langue, et d''Amazir', ce mot qui représente à la fois le lopin de terre, le pays et l'homme libre ? » Kateb Yacine// "le français est notre butin de guerre" Kateb Yacine.// "Primum non nocere" (d'abord ne pas nuire) Serment d'Hippocrate// " Rerum cognoscere causas" (heureux celui qui peut pénétrer le fond des choses) Virgile.// "Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde" Albert Camus.

D'Algérie-Djezaïr

Le MOUVEMENT D’Algérie-Djezaïr vient d’être officialisé par plus d’une centaine de membres fondateurs résidant dans le monde entier, ce 22 juin 2008 à Saint Denis (Paris - France). Il est ouvert à toutes celles et ceux qui voudront le rejoindre, natifs d'Algérie, et leurs descendants.

ORGANISATION

Elle est démocratique, c'est-à-dire horizontale, sans centralisme, et sans direction. Les décisions essentielles doivent être conformes à l’esprit du Texte Fondateur. Elles sont prises après larges consultations, où tous les membres donnent leurs opinions. Les règles internes sont arrêtées par les "adhérents". Pas de cotisations. Les groupes et le Mouvement trouvent les moyens de faire aboutir leurs actions.

Une pièce de théâtre de Dridj Benabdallah

"La cour"

Offert par DRIDJ Benabdallah, sa pièce de théâtre (2006).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La cour

 

 

DRIDJ Benabdallah

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2006

Une cour intérieure d’une maison au Maghreb. La mère sort de la chambre. La tête encore dans les rêves. La suis Malika, Roza, et Fouzia.

 

Malika : Salut. Après un temps. Je suis plus fatiguée en me levant qu’au moment de me coucher.

 

Roza : Depuis quelques jours j’avais mal à la cuisse et la hanche, je ne comprenais rien. Mais cette nuit tu m’as donnée un tel coup que je me suis réveillé en sursaut. J’avais te pousser, tu continuais à gesticuler, à te battre contre je ne sais quel mauvais esprit. J’ai fini par flipper. J’ai cru que ton fantôme allait aussi s’en prendre à moi, je me suis vite enfouie sous les couvertures.

 

Malika : Pardon soeurette, je me mettrai contre le mur les prochaines nuits. Je crois avoir en moi tout ce qui faut pour amuser tous les djinns de la cité.

 

La mère : Qu’est- ce qu’il t’arrive ? Tu n’es pas possédée au moins ? Pourquoi tu n’irais pas voir la Boudouania, elle sait faire avec ces créatures.

 

Malika : J’y suis allée avant-hier. Je crois que c’est pire depuis. J’ai entendu dire que ces remèdes de vieilles femmes ne guérissaient que les biens portants.

 

Fouzia : les remèdes c’est pour les heureux qui ont un petit coup de mou. Nous on est plutôt à la recherche d’un miracle.

 

La mère : nous irons le mois prochain prier notre wali. Avec sa sainte protection tout ira pour le mieux.

 

Malika : Si tu le dits. Mais j’espère qu’il n’y aura pas trop de monde au guichet ; des femmes qui se battent contre leur démon toutes les nuits, ce n’est pas ce qui manque ici.

 

Fouzia : Il n’y a plus de beurre ?

 

La mère : j’en ai laissé un morceau dans le frigo pour ton frère et ton père.

Fouzia : Y en a marre, ils sont deux, ils ont la moitié de la plaquette, on est le double et on doit se contenter d’un rien.

 

La mère : Ils travaillent eux, ils ont besoin de beurre

 

Fouzia : Moh ne travaille que dans sa tête, ses petits doigts se prélassent dans sa poche. Pour lui la vie est belle. D’ailleurs c’est le seul qui se met des tongs aux pieds et aux mains.

 

La mère : il cherche, c’est difficile, il…

           

Malika : il cherche du boulot comme on fait du stop. Il attend que le travail vienne à lui. Je me demande comment il fait pour téléphoner autant sans exploser son forfait. D’ailleurs je crois qu’il parle à une fille.

 

Fouzia : Ben quoi c’est de son âge il ne fait rien de mal.

 

Roza : j’espère qu’il l’a déjà vue, parce que si ça se trouve il parle à un boudin.

Fouzia : Et alors les boudins n’ont pas droit à un brin d’amour. On ne peut pas toutes être belles et gentilles

 

Malika : c’est vrai toi tu es gentille.

 

Fouzia : toi je vais tellement t’arranger la tête que tu sera bonne pour faire la citrouille d’Halloween. Et je mégotterais par sur les bougies que te mettrais dans le…

 

La mère : Fouzia tu ne vas pas commencer tes grossièretés.

 

Roza : en tout cas Moh m’a cassée les oreilles tout le temps que je révisais mon cours de français. « Est-ce que t’aimes la mer, comment vont le prendre tes frères ». Il lui a même donné rendez-vous « Je serais sur la place de Chlef ». Là je me suis marrée. Pour le reconnaître il lui a dit « je fais environ 1m70 et je suis brun ».

 

Fouzia : pour être qu’elle le reconnaisse il aurait du dire qu’il a des tongs aux mains.

 

La mère : nous prierons pour lui également pour…

 

Roza : pour que ce ne soit pas un boudin.

 

La mère : arrête de blasphémer. L’eau devrait arriver ce matin, prépare les bidons.

 

Roza : j’ai encore mal à l’épaule d’avoir soulevé les dix bidons la dernière fois. Désolée je ne serais pas de la partie ce matin.

 

Fouzia : Djamila n’est toujours pas réveillée. Elle à du faire une nuit blanche.

 

Malika : un homme disait hier à la télé que nous avons du pétrole pour encore 70 ans. Vous vous rendez compte, l’essence coule tous les jours des pompes pour une poignée d’automobilistes et l’eau trois heures par semaine pour les 33 millions que nous sommes. Comment ose t-il encore clamer « que l’Algérie est sortie d’une période de ténèbre pour se lancer à tout jamais dans la modernité ».

 

Fouzia : ça me rappelle se photographe qui a fait un bouquin «  l’Algérie vue du ciel ». Sur qu’il était tellement dégoûté en arrivant qu’il a du se dire que la misère vue d’un hélicoptère pouvait avoir de la gueule. Et c’est vrai. Ils ont montré quelques clichés c’était super. On n’aurait pas dit que c’était nous, même que j’ai cru que ce n’était pas notre bled. Et j’ai tout compris. Si Dieu ne se bouge pas pour nous c’est qu’il nous voit aussi du ciel et qu’il est vachement content de ce qu’il a pondu.

Tu n’oublieras pas de me donner le nom du mec d’hier. Je crois qu’il a mérité ses bougies où je pense

 

La mère : ça suffit Fouzia avec tes âneries. ( à Roza) Et toi ai lieu de ricaner vas-tu te lever ?

 

Roza : J’en ai marre d’arriver en retard en cours à cause de l’eau, de me taper les colles et le rattrapage.

 

La mère : toi tu commence à nous agacer avec tes jérémiades. Qui va chercher l’eau ? tu sais bien que nous autres femmes on ne peut pas sortir dans la ruelle. Si je le pouvais je ferais couler des robinets de l’eau chaude, froide, du beurre ou du gazouz. Mais voila Dieu en décidé ainsi. En attendant qu’il soit plus clément, nous devons comme tous ceux du quartier puiser l’eau dans la ruelle, au robinet municipal.

 

Malika : ta peine n’est rien à coté de celle que l’on a endurée. Il y a dix ans nous devions tirer l’eau au Moukaria à trois kilomètres d’ici. Quand on avait fini notre corvée, on dormait toute la journée pour récupérer. On avait même pas d’âne pour nous soulager, seulement une vieille brouette dont la roue se déboîtait tous les dix pas. On y allait toutes trois fois par semaine. L’école était une vague préoccupation. On croyait même que ce n’était pas pour nous, que c’était interdit par la charia. Tant de filles en étaient privées. L’école n’existait presque pas dans notre vie, ni livre, ni stylo, aucune connaissance, aucune personne un peu lettrée dans notre milieu, rien qui puisse donner l’envie de s’instruire, faire rêver à un autre univers que celui rythmé par le muezzin, la tradition et les hommes. Tiens toi bien. Nous pensions que tous les males, dès leur plus jeune âge, étaient plus intelligents que la meilleure des femmes. Ils naissaient  remplis de la parole divine et cela procurait au plus débile des mecs, au plus fou une supériorité et une autorité naturelle sur nous.

 

Roza : je sais. Il y en a encore beaucoup qui continuent de le croire ou qui sont empêcher de penser autrement. Il n’y a souvent pas que l’eau pour foutre en l’air leur scolarité. Certains doivent faire une heure de marche. Tu peux me croire qu’ils ne le font pas longtemps. Dès que les pluies arrivent, on ne les voit plus. Mais comment leur en vouloir ; pour ces familles très pauvres l’école coûte chère, alors que leur travail à la maison rapporte un chouia. Ils n’ont pas eu besoin d’aller sur les bancs pour le savoir.

Il suffit de jacter.(à elle-même) lèves toi esclave des temps modernes qui disent. Franchement pourquoi te plaindre, c’est d’être moderne qui compte. C’est les avions supersoniques qui comptent, pas tes bidons de dix litres, c’est l’ordinateur qui compte, pas mes corvées qui m’usent le corps et l’esprit et qui fait que je sais déjà que vais vivre vingt ans de moins qu’une minette née le même jour que moi mais de l’autre côté de la méditerranée, c’est les traces de l’eau sur Mars qui comptent, alors qu’ici personne ne veut creuser des puits, alors que tout le monde sait qu’il y a sous nos pieds autant d’eau qu’il faudrait pour noyer tous les déserts. Allons fillette, dit toi que ta modernité n’a rien à envier à ces autres gosses qui ne pensent qu’à s’amuser dans leur immense piscine de jardin. Toi au moins tu connais la vraie vie.

 

Fouzia : il faut que l’on te dise soeurette, maintenant que tu sembles comprendre certaines choses. Ce que tu vis là n’est rien. C’est même les meilleurs moments de ta vie de femme, n’est-ce pas Malika ?

 

Malika acquiesce.

 

Roza : mais c’est qu’elles sont drôles mes frangines. Toutes la journée à glander, à se pouponner, à se raconter des histoires de fesse et sans état d’âme elles vous disent que je devrais louer le ciel pour avoir des bidons de vingt litres. Car voyez vous dix litres pour une fille de quinze ans c’est mesquins.

 

Fouzia : Que tu le veuilles ou non crois moi, le pire est à venir. C’est pour nous de vivre dans une boite à chaussures. De n’avoir plus aucune ambition que d’attendre un prétendant, de prier pour qu’il ressemble plus à son âne qu’à son chameau, de prendre soins de ces garçons et d’obéir à sa belle-mère. Ce qui va te conduire de la chambre à la cour, de la cour à la cuisine et de la cuisine à la chambre.

 

La mère : Roza qu’est-ce que tu fais, j’entends les petits voisins dans la ruelle. Ne viens pas te plaindre d’être en retard à l’école, tu n’avais qu’à être la première au robinet.

 

Roza : RRRRRRRRRR !

 

Malika : si tu voulais la consoler c’est raté.

 

Fouzia : il t’a appelé.

 

Malika : non je ne comprends pas. D’habitude il est pendu au portable.

 

Fouzia : il n’a peut-être plus d’unités.

 

Djamila arrive dans la cour, l’air accablée.

 

Malika : il préfère ne pas manger que de manquer d’unités. En plus il travail, il a ce qu’il faut. C’est d’ailleurs lui qui me remplit ma puce.

 

Fouzia : en attendant qu’il te remplisse autre chose, il peut bien casquer.

 

Malika : t’es nul ou plutôt jalouse, parce que ton sidi n’est pas un grand nerveux au fil. A ta place je m’inquiéterais pour l’avenir.

 

Fouzia : moins fort maman n’a pas ses oreilles dans la poche.

 

Malika : et même si elle les avait dans la poche, tu crois qu’elle entendrait moins. C’est la langue qu’on met dans la poche.

 

Fouzia : n’importe quoi, on n’écoute pas avec la langue.

 

Malika : c’est dingue. Avec toi j’ai parfois l’impression de faire du dressage, tellement que ton cerveau n’est pas plus lourd que celui des puces qui me grattent le cul.

 

Fouzia : n’importe quoi. Même une puce n’irait pas se risquer dans ton froque.

 

Malika : c’est bon je crois que l’on avancera pas plus dans ce débat. Donne moi plutôt des nouvelles de ta limace.

 

Fouzia : laisse ce freluquet. Il me parle plus de ces moutons qu’il emmène paître que d’amour.

Vraiment n’importe quoi. Son meilleur compliment c’est « tu es bêêêêêêlle ». j’ai pensé « il commence à me brouter celui là ». N’importe quoi je te jure. Mais figure toi qu’avant-hier j’ai vu Majid en allant à la mairie. Il a une boutique dans la rue. La classe totale. J’ai acheté un timbre et discrètement il m’a glissé une carte postale avec deux amoureux sous un soleil couchant. C’est autre chose que l’autre bodet d’âne.

 

Malika : bonnet d’âne.

 

Fouzia : quoi ?

 

Malika : ça ne fait rien. Il n’y a pas de boutique dans cette rue ?

 

Fouzia : oui et alors. C’est une carriole. Mais on sent dans son regard qu’il a de l’ambition, il ira loin j’en suis sûre.

 

Malika : ouai ! Je le vois bien dans dix ans avec sa carriole mais dans l’avenue principale et dans vingt ans vu que c’est la mondialisation, avec deux carrioles, dont une tenue par l’un de tes quinze gosses.

 

Fouzia : t’es nulle, vraiment nulle. Regarde toi qu’est-ce que tu fais de mieux ?

 

Malika : oh moi j’ai tellement de misère à vendre que les trottoirs de la ville n’y suffiraient pas pour l’étaler.

 

Djamila : cessez de couiner de bon matin, vous me donner mal à la tête, on dirait deux pucelles de soixante ans.

 

Fouzia : soixante ans peut-être pas mais pour le reste il y a de quoi couiner.

 

Malika : tu peux parler Djame, toi ce n’est pas une toile d’araignée que tu as, mais un filet de pêche.

 

Djamila : espèce de…(elle saisit une louche et les menace. Malika et Fouzia sortent). Dégagez maudite engeance, que le feu que vous avez au derrière vous brûle toute entière.

Seule : et ces matins qui n’en finissent pas de se lever. A quoi bon. Je te pris tous les jours, je respecte le rituel à la lettre, je récite le Coran par chœur, mais tu restes totalement indifférent. J’ai l’impression que le Chitan est plus prompt à donner notre lot quotidien de malheurs. Excuse moi je délire. Je ne sais plus ou j’en suis. Pardon mon dieu, mais explique moi ce que j’ai fais pour me ratatiner dans cette existence. Pourquoi dans ce pays nous passons de l’état d’enfant à l’état de vieux. Dit moi ce que je dois faire pour sentir ton regard se poser sur moi. Après un temps. Pour sentir ton regard se poser sur moi. Pleurs .Ya Ma ma douce reviens, j’ai encore faim de toi. Pourquoi, pourquoi, pourquoi… ?

 

Avec colère.

Explique moi mon Dieu, ce que j’ai fait. Faut-il que je tue aussi mon père et mes sœurs pour que tu daignes me remplir de ton souffle, ma vie de cafard ne te suffit pas. Mais ne vois tu donc pas que tout le sang que je pourrais verser n’est rien à coté du desespoir que je traine depuis trente six ans…

Pardon, pardon seigneur tout puissant, je délire à nouveau, pardon, c’est toi qui sait, c’est toi qui donne, qui prend, pardon, pardon, pardon…

 

Roza : marre, marre, je suis vannée. C’est la dernière fois. Elle quelques tâches d’eau.

 

La mère : merci ma fille, que le clément t’apporte courage et réussite. Change toi tu es trempée.

 

Roza : je sais mais je n’ai pas le temps.

 

Malika qui entre : Roza ça va mon haut comme ça ?

 

Roza : vous allez me lâcher oui, j’ai déjà loupé le cours de math. Rien à foutre de ton haut et du reste d’ailleurs.

 

Malika : a quoi ça te sert de te presser puisque tu finira dans le même trou que nous autres.

 

Roza : franchement je ne sais plus si vous avez envie que ça change. On dirait que ce qui vous importe c’est qu’aucune de nous ne vive autre chose et que vous vous relayez pour me miner le crâne.

 

La mère : ça suffit la parlotte, Roza va vite. (Roza sort). Elle saura tout de même lire. On pourrait avoir besoin d’elle à la mairie, il y a tellement d’analphabètes, pourquoi crois tu qu’ils sont si méprisants à l’égard des petites gens. Elle pourrait faire l’écrivain dans la cité, elle ne chômera pas. Elle gagnera peut-être plus qu’à la mairie. Quand on a tout oublié comme vous c’est fatal. Plaise à Dieu qu’il vous trouve un bon parti.

 

Djamila : À part Oublier, comme j’aimerai oublier, effacer tout. Oublier…. Ca ne veut rien dire. On oublie que ce qui est insignifiant. On oublie que ce qui est léger, inoffensif, volatile. Quand au reste il vous plombe la tête, vous colle à la semelle. Plus vous gesticulez plus ça fait des bulles qui explosent dans la tête, c’est la migraine. Parfois ça fait des grands pchits, c’est la crise.On se rend bien vite compte qu’il n’y a que la mort pour vous en libérer. Mais elle nous a été confisquée par la religion. L’imam a dit « il est interdit de se donner la mort sous peine… » De quoi, hein de quoi. « Sous peine de vivre un peu plus longtemps encore ». Tout mais pas ça. Non, pas question de suicide, comme cela je mourrai vite et proprement. Il y en a qui dise que de se suicider ça vous survie, que ça vous fait une sale réputation. Il manquerait plus que je sois mal jugée  d’avoir été malheureuse.

 

Malika : Fouzia lève toi j’ai un SMS.

 

Djamila : Qu’est-ce qui te dit ton chevalier fantôme ?

 

Malika : il n’a rien d’un fantôme, je le connais bien, nous sommes très proches. Amin c’est my love story, my star académy, mon royal calin, mon visa pour le bonheur, et ce n’est pas un visa touristique mais un aller, sans détour.

 

Djamila : Ton rêve éveillé plutôt.

 

Malika : Lis ça et chante pour ta sœur

 

Djamila : On gagnerait du temps si tu m’en disais le contenu.

 

Malika : Toute excitée Alors « Malika ma mère va vous rendre visite la semaine prochaine ». Tu sais ce que ça signifie ça, hein, tu sais ?

 

Djamila : Si j’ai bien compris cela veut dire que tante Bakhta va venir nous rendre visite la semaine prochaine.

 

Fouzia qui est descendue Montre vite le message

 

Malika à Djamila : Tu sais pourquoi tu est la seule à ne pas être agacée par les mouches, non ? Eh bien c’est parce que tu les désespères et qu’en plus tu es fade, aucun goût.

 

Fouzia : Trop chouette. Pourvu qu’elle ait pensé à ma ceinture dorée et à mon parfum. Il n’y a qu’à Alger qu’on les trouve.

 

Malika : C’est tout ce que cela t’inspire ?

 

Fouzia : Ben quoi ?je suis sûre qu’elle t’apportera un rouge à lèvres.

 

Malika : C’est dingue ! Mais vous ne voyez pas le rapport entre sa venue et la liaison que j’ai avec son fils ?

 

Fouzia : Non ?! Elle va venir pour… Pardon c’est n’importe quoi j’ai même pas pensé

 

Malika : Mais c’est évident, cervelle de mouche.

 

Fouzia : Ah c’est super ! C’est le grand jour. Malika va être demandée en mariage. Oh laisse moi t’embrasser la première.

 

Malika à Djamila : Je rêve ou tu souris ?

 

Djamila : Je suis vraiment heureuse pour toi. Mais tu le dits toi-même ; je ne vois que le pire. Je suis un peu comme maman.

 

Fouzia : Pourquoi maman était toujours triste ?

 

Djamila : Parfois… En fait souvent. Les plus méchant disaient qu’elle broyait tellement de noir, qu’on aurait pu goudronner avec tout le réseau routier du pays.

Moi je ne la voyais pas triste, elle pensait, elle rêvait, elle s’échappait en racontant des histoires. Elle les racontait tout haut. Moi je m’en délectais. La famille et ceux qui la connaissaient la craignaient. Ils pensaient qu’elle était possédée. Maman était vivante, gaie à l’intérieur et toute décatie à l’extérieur. J’ai su trouver la porte pour la rejoindre à l’intérieur. Elle est partie trop tôt, quelques jours après ta naissance Fouzia. Pendant ses derniers jours elle s’efforçait à rire, te sourire, te chanter des berceuses, alors qu’elle souffrait le martyr. Elle a était abandonnée des siens, et par la vie, mais elle ne nous a jamais délaissées. Elle inventait des contes et des chansons pour conjurer le sort. Mais il lui était plus dur de lutter contre l’incompréhension des gens ; qui peuvent s’agenouiller cinq fois par jour devant un mur et fuir une personne qui souffre.

Un matin ils l’on emportée, ils me l’on enlevée, sans un mot, sans une larme, comme on se débarrasse d’une charogne, soulagés. Depuis toujours rien. Comme la religion interdit au sexe féminin d’assister à l’enterrement, je ne sais même pas où elle repose. Papa qui lui en a toujours voulu de ne pas mettre au monde un garçon, a tout nettoyé de sa présence, de son souvenir ; plus de photos, plus de vêtements, plus de liens avec sa famille, plus de mots. S’il avait pu nous laver le cerveau, il n’aurait pas hésité. Un mois après son enterrement, Kheira l’avait remplacée.

 

Malika : qu’as-tu à parler d’une femme que l’on ne connaît pas et un jour comme aujourd’hui. C’est pour me gâcher la joie ?

 

Fouzia : Elle ressemblait à quoi maman ?

 

Djamila : Non surtout pas. J’en parle parce que depuis hier les fleurs du grenadier ont éclos. Maman est morte à cette période de l’année. Je suis sûre qu’il y a une autre vie après. Maman est là, épanouie, flamboyante et odorante. Cela papa ne le sait pas

 

Malika : A rien, elle ne ressemble à rien. Elle est morte, disparue. Notre mère c’est Kheira. Elle nous a élevées comme ses propres enfants.

 

Djamila : Tu lui ressembles beaucoup Fouzia. Tu….

 

Mère : Vous allez discuter longtemps encore. Le ménage va se faire tout seul peut-être ?

Un regard s’échange entre Djamila et Fouzia, voulant dire « on en reparlera plus tard »

Fouzia : La générale Kheira a parlé. Saisissant un balai Gare à vous, fixe. Et un deux trois elle balai en cadence.

 

Mère : Tu peux te moquer chipie. Prie Dieu de ne pas faire l’armée à la place du ménage.

 

Fouzia : N’importe quoi, mon rêve c’est d’avoir un beau treillis, avec des paillettes, un treillis de mariage, rangers à talon et pistolet à parfum. Je voudrais être la reine de la caserne, entourée d’une armée de beaux militaires. Et comme ils seraient fiers avec leur fusil que j’astiquerais tous les jours.

 

Mère à Djamila et Malika : Qu’est-ce que vous avez à rire d’une folle ? Elle vous a ensorcelées, je vais devoir demander au taleb….

 

Malika : Rien du tout mère. On rit parce qu’on est contentes ; tante Bakhta arrive dans deux jours.

 

Mère : Dans deux jours ! Mais elle aurait pu prévenir à l’avance qu’elle arrivait dans deux jours. En voilà des manières. Il me reste à peine de quoi acheter à manger pour aujourd’hui. Et ton père qui est en déplacement pour la semaine.

 

Fouzia : L’épicier  va nous faire encore crédit.

 

Malika : Pour l’événement on va mettre les petits plats dans les grands

 

Fouzia : N’importe quoi, et on va manger quoi ?

 

Mère : je préfère l’inverse, ça nous coûterait moins cher avec l’impression qu’il y en a plus. Et puis de quel événement tu parles ?

Fouzia et Malika dansent autour de leur mère

 

Mère : vous allez me dire ce qui se passe à la fin.

Les filles sortent en faisant des youyous

 

Djamila : Elles sont peut-être folles, mais avoue qu’elles sont adorables.

 

Mère : C’est vrai, j’ai de la chance. Qu’est-ce que je deviendrais sans ces enfants qui sont devenus les miens. Vous me rappelez votre mère. Vous avez toutes un bout d’elle.

 

Djamila : Tu la connaissais bien ?

 

Mère : Nous avions que cinq années de différence. Nous étions du même hameau. On a grandi ensemble. Elle était joyeuse et habile pour attraper les lapins. Quand elle chassait, pas une oreille ne dépassait. Mais elle était surtout aimée pour sa voix. Elle était de tous les mariages et circoncisions. « Miriam chante maintenant ». On aurait dit que la fête ne commençait qu’à ce moment. Ce n’était que la voix brisée par les chansons et les fous rires qu’elle s’effondrait. Elle ne voulait pas se marier. Mais son père, qui avait sept filles à entretenir ne l’entendait pas de cette oreille. Pour ainsi dire il la bradait. Rend toi compte plus d’argent et moins de filles. La tradition n’est pas qu’une affaire de culture mais d’économie également, avec des youyous autour.

Après la naissance des deux premières filles, ton père a commencé à la rejeter, à être odieux avec elle. Elle a eu ensuite deux garçons qui n’ont pas survécus. Il finit par la traiter comme une pestiférée. Les autres avaient beau lui dire que Mahomé avait eu le même sort, cela le rendait encore plus acerbe.

 

Djamila : De quoi est morte maman ?

 

Mère : D’une hémorragie

 

Djamila : Et toi tu souhaitais te marier avec papa.

 

Mère : Je vais te surprendre mais oui. En fait je voulais surtout m’occuper de vous, des enfants de ma tendre amie.  Comme j’ai eu ton frère en première enfant, je n’ai pas subi le même traitement. Tu sais les hommes veulent des mâles pour afficher leur virilité, comme s’ils les faisaient tout seul. Le pire est qu’après la parade, ils s’en occupent plus. C’est notre travail. Il faut croire que les hommes n’ont vraiment pas beaucoup de virilité pour y tenir à ce point.

Silence

 

Djamila : Kheira, est-ce que tu aimes papa ?

 

Mère : elle se fige, on ressent une confusion dans ses sentiments. Après un instant elle se lève Excuse-moi.

On entend un vacarme, quelqu’un qui tambourine à la porte. Malika se précipite. Elle a à la main un sèche cheveux, une brosse.

 

Malika : Qu’est-ce que la porte t’as fait pour vouloir la casser ?

 

Djamila qui pétrit Je crois reconnaître la voix de Rosa

 

Malika : Qu’est-ce qui te prend t’es folle ou quoi ?

 

Rosa: toujours dans le couloir :M’adresse pas la parole toi ou il ne te restera plus beaucoup de cheveux à peigner.

 

Malika : Chaud devant, voilà un skud

 

Djamila : Ben quoi petite sœur, t’en fais un barouf

 

Rosa : Toi le cactus rabougri ta gueule Elle bazarde son sac, se jette sur les balais qu’elle fracasse. Elle se crie à elle-même Je ne remplacerai jamais mes stylos pour des balais et mes gommes pour des serpillières, jamais, jamais.

 

Mère : Qu’est-ce qui se passe là-dedans ? Rosa tu te calmes.

 

Rosa : Fiche moi la paix ! Tu fous en l’air tout ce que j’aime et tu me demandes de me calmer. Le prof vient de renvoyer la moitié de la classe a cause de l’eau et tu me dits de me calmer.

 

Mère : La prochaine fois je demanderai à Moh de t’aider.

 

Rosa : Mais tu n’a rien compris ! Je ne soulèverai plus tes bidons. Je ne veux pas finir cloîtrée entre ses quatre murs à attendre je ne sais quel mongolito pour me cueillir et me jeter dans son panier de fruits pourris. Non, non, non.

Sa mère la saisit pour la contenir.

 

Rosa : J’en ai marre, marre

 

Mère : C’est rien, c’est fini. Ô bon Dieu, grandeur des grandeurs, épargne nous des mauvais esprits et du malin. Nous serons à jamais tes esclaves.Ô maître des mondes je t’en conjure, aide nous, aide nous.

Djamila entoure également Rosa.


Scène de la vie quotidienne ; ménage, léssive

 

Fouzia : Maman le taxi de tante Bakhta est là.

 

Mère : Oui j’arrive, ce n’est pas la peine de crier comme cela

En coulisse Soit la bienvenue ma sœur dans ta maison.

 

Bakhta : apportez moi à boire, s’il vous plaît, je meurs de soif. De l’eau de source seulement ma petite.

 

Mère : Tu es ravissante, Voyant juste un bout d’étoffe Ce rouge te va à ravir.

 

Bakhta : Comme t’es gentille. Au fait, quelqu’un s’est occupé de mes bagages ?

 

Malika : T’en fais pas ma tante, ils sont dans la chambre où tu as dormi la dernière fois.

 

Bakhta : Oh dommage, j’y ai très mal dormi justement. Elle doit être mal orientée. Oui j’ai lu il y a quelque temps un article passionnant sur le sommeil. Eh bien même quand on dort sur de maigres matelas comme vous, il faut qu’il soient bien orientés. Cela facilite le … Comment, ah zut … En bref on fait un bon dodo quoi rire un peu lourd.

 

Rosa : on est quatre dans la chambre et avec l’armoire….

 

Bakhta : Je reconnais bien là l’esprit du bled, toujours aussi à l’étroit. Rire grotesque

 

Mère : Fouzia Malika allez préparer la chambre.

 

Rosa : Comment on fait avec nos affaires

 

Mère : Rosa….avec un regard courroucé

 

Malika : Tu reste plus longtemps avec nous cette fois j’espère ?

 

Mère : A Alger ta tante est très occupée. Elle ne fait pas ce qu’elle veut. Dis moi plutôt comment va mon beau-frère Kader ?

 

Bakhta : Il fatigue un peu, à son âge. Il est proche de la retraite, ça le rend irritable. Faut dire qu’il travaille beaucoup. Etre chef de chantier à l’heure où l’Algérie rentre de plein fouet dans la modernité, c’est éreintant.

Rosa : Il n’a qu’à travailler par ici. La modernité hésite encore à venir. Elle supporte mal la poussière et la chaleur l’été, et encore moins le froid et la boue l’hiver. Ici avec toute la bonne volonté, il ne fatiguera pas, y a qu’à en parler à Moh. Dieu sait s’il est volontaire.

 

Mère : Tu ne devrais pas être entrain de ranger l’armoire ?

 

Bakhta : Tous les mêmes ces enfants, ils parlent de choses qu’ils ne connaissent pas. La modernité ma petite c’est pas comme une personne, c’est pas elle qui décide de venir ou pas.

 

Malika : Parle nous de ta grande fille. C’était comment son mariage ?

 

Bakhta : je suis un peu gênée. Vous êtes sûres, cela ne vous a pas chagriné ?

 

Mère : Tu étais tellement prise par les préparatifs, que j’imaginais grandioses, que ce n’était certainement pas facile de penser à sa famille du fond du bled. Cela nous aurait embêté d’être un poids de plus dans tout ce que tu as enduré.

 

Bakhta : Je me disais comment ils vont venir, que vous alliez vous perdre dans

la capitale, que de vous habiller un peu… un peu…

 

Rosa : Moderne peut-être.

 

Bakhta : C’est ça, c’est exactement ça et que tout cela vous aurez bien coûté. Du coup je me suis dis, j’irai les voir, je leur montrerai les photos, comme ça ils participeront un peu à la fête.

 

Mère : On ne doutait pas une seconde que tu nous avais vraiment dans ton cœur.

 

Bakhta : T’es gentille. Malika adorée, tu veux bien aller chercher mon sac en cuir s’il te plaît ? Apporte moi également les deux sacs en plastique, j’ai des surprises pour vous.

 

Fouzia : OUIIII ! Je savais, je savais elle saute au cou de sa tante et lui flanque un magistral baiser

 

Bakhta : Tu as vraiment des filles adorables, et mignonnes avec ça. Avec un peu plus d’instruction elles seraient parfaites.

 

Mère : Rosa s’accroche à ses études, ses professeurs ne l’éjecteront pas à 16 ans. Elle en veut ça me plaît.

 

Bakhta : Oui mais avec son air farouche, j’ai bien peur que cela ne l’emmène nulle part.

 

Mère : Elle est jeune, fougueuse, un peu comme toi à son âge. Rappelle toi tu ne supportais pas notre vie ici. Tu disais que ton mari ne sera jamais du village mais de Marseille. Tu as épousé le premier émigré venu en vacances, mais en t’emmenant il t’as déposée à Alger et lui a continué la traversée. Finalement tu n’étais pas mieux que nous, à attendre ton mari, un moi par an, avec l’angoisse d’être tous les ans enceinte, à tout assumer et tout supporter.

 

Bakhta : Je me suis battue comme une enragée. Je ne voulais pas revenir au village. Des nuits noires à pleurer, la peur, la désolation, j’en ai eu plus que ma part. Mais Dieu merci, tout ça est loin…. Ah voilà, pose tout ça devant, merci.

Alors, voyons voir. Tient, c’est bizarre ! Ben ça alors, j’en suis sûre pourtant.

 

Mère : Qu’est qui se passe ma sœur ?

 

Bakhta : Les photos, je suis sûre de les…Oh non ! Je les ai posées…Oh non dans la précipitation j’ai dû les oubliées. Quelle tête en l’air.

 

Mère : Décidément le makhtoub en a décidé ainsi.

 

Bakhta : mais je n’ai pas oublié les cadeaux.

 

Malika : Ta générosité est sans limite ma tante.

 

Bakhta : justement Malika, regarde cette tunique et cette jolie serviette sont pour toi. C’est du premier choix. Et ça aussi c’est pour toi, c’est Amin qui te l’offre.

 

Malika : Amin à pensé à moi elle est toute confuse, Fouzia la taquine. Elle ouvre doucement le paquet.

 

Bakhta : Toi Fouzia tu as ce joli voile. Il t’ira à merveille. Fouzia est dubitative. Tu croyais que j’avais oublié tes ceintures. Tiens elles sont magnifiques.

 

Fouzia : Merci, merci, t’es trop chouette.

 

Bakhta : Djamila, regarde, elle sont pas belles ses brosses à cheveux et cette boite de maquillage ?

 

Rosa : Oh j’ai vu les mêmes au marché jeudi dernier.

 

Bakhta : Peut-être mais la qualité est nettement supérieure. Justement Rosa je t’ai apportée ce chemisier  et une jolie boite de crayons de couleurs. Rosa est mi-figue mi-raisin. T’es contente ?

 

Rosa : Je suis vraiment ravie ma tante

 

Bakhta : Tu vois quand tu veux, j’étais sûre que tu es quelqu’un de bien œillade à sa sœur Alors Malika qu’est-ce que mon fils t’as offert ?

 

Malika : Un C.D, que Dieu le bénisse, il a pensé à moi.

 

Fouzia : Montre voir. Habib Bouziane « Ne m’en veux pas ». Je ne connais pas. N’importe quoi, on a pas de lecteur.

 

Malika : Ce n’est pas grave. Comment va-t-il, tu n’as pas de photos de lui ?

 

Bakhta : Non je te dis. Il a beaucoup changé, c’est un homme maintenant. Et pour tout vous dire….Je vois que vous voulais mettre vos affaires, allez les essayer.

 

Mère : un temps Tu as diné ?

 

Bakhta : Oui oui, on s’est arrêté en chemin.

 

Mère : Tu veux qu’on aille sur la tombe des parents demain ?

 

Bakhta : Je te l’ai dit la dernière fois, ni demain ni jamais. Jamais tu entends. Je ne reviens ici que depuis leur mort, pour revoir ces murs. Tu vois j’ai plus d’affection pour ces parpaings que pour mes parents. Se sont-ils préoccupaient de moi alors qu’ils savaient le désarroi dans lequel je vivais ? Ils voulaient punir la vilaine fille qui n’a pas respecté leurs satanés principes. Ils m’ont fait payer très cher mon envie de choisir celui avec qui je voulais vivre tout simplement, que je voulais aimer tout simplement. Que mon père choisisse mon mari me dégoûtait. J’avais l’impression que je me mariais avec lui.

 

Mère : Ne dis pas n’importe quoi, ton aigreur t’égard.

 

Bakhta : Tu vois toi aussi. Comment peux-tu respecter une tradition éculée, nauséabonde, qui te donnait la nausée avant ton mariage. Souvient toi que ton mariage a été reculé trois fois tellement tu étais malade. Le père ne s’inquiètait que du quand dira t-on. Déjà que la première lui a échappé…bref. Notre bonheur, ce que l’on ressent tout le monde s’en moque. Une femme est toujours seule dans cette tradition. Où tu te laisse embarquer à l’abattoir, où tu casses tout, jusqu’aux liens essentiels.

 

Mère : Tu as fait ce que tu as voulu, j’ai subi ce qu’ils voulaient, mais je ne peux pas dire qui de nous deux est la plus heureuse.

 

Bakhta : Tu as raison, ce qu’empêche la tradition c’est le bonheur, quoique tu fasses. Jusqu’à peu de temps à Alger, les fous de Dieu n’empêchaient pas un couple de marcher côte à côte. Ils ne leur demandaient pas comment ils étaient mariés ; avec ou sans le consentement de leur père. Ce qui les rendait baveux de haine, c’est les couples qui se tenaient la main, ceux qui se chuchotaient des mots d’amour, qui s’embrassaient dans la rue et même ceux qui riaient. La plupart des hommes se terraient, craignaient leur ombre. Ce n’était souvent qu’auprès d’autres femmes que je trouvais du réconfort,de l’apaisement et l’envie de résister. L’une d’elle était particulièrement attachante. Elle fredonnait souvent ce poème :

 

  Une ville gorgée de soleil

           Une cité autrefois une merveille

            Alger était un phare

           On y venait de toute part

 

            Joyau des byzantins

            Ce siècle est lointain

            La roue a tourné depuis

            Sa blancheur a pâli

 

            Son sourire aussi      

            Son attrait s’est flétri

            Désertée de son fard

            On la fuit de toute part

 

Mère : Notre société n’a rien à envier aux autres. Il y a des femmes actives, belles, des hommes à vous donner le tournis, mais tous craignent de saisir leur bonheur. Tu vois je me dis que l’Algérie a su se libérer de ses colons, mais elle n’a pas encore fait sa révolution.

 

Bakhta : Ben ma sœur, moi qui croyais que les consciences du bled étaient desséchées.

 

Mère : Elles le sont, mais il reste les graines. Tu sais de ces mauvaises graines que tu aimes tant.

Entrée en fanfare des filles. Des youyous résonnent, les filles tournent sur elles mêmes, elles chantent, frappent dans leurs mains.

 

Bakhta : J’aimerai tant entendre votre mère chanter, accompagnée de la derbouka, il y en a une ?

 

Malika : Ordonne et on te donne. Je vais la chercher.

 

Fouzia : Tu danses avec nous ma tante, je t’ai jamais vue.

 

Rosa : On veut voir comment Alger bouge.

 

Malika : Tu nous a fait de magnifique cadeaux, à nous de t’enchanter.

 

Chants, danses

 

Noir

 

 

 

 

 


 Nouvelle matinée

Malika sort en chantant elle rejoint sa mère et sa tante

 

Malika : Tu es déjà levée ma tante, mais tu es en vacances

 

Bakhta : Je n’arrive pas à m’endormir quand je suis ici.

 

Malika : Tu n’as pas bien orienté ton lit ?

 

Bakhta : Non. Ici tout mon esprit est orienté vers le passé, vers mes chimères. Je ressens le froid qui m’empêchait de dormir, l’humidité qui transperçait nos paillasses et nous mordait la peau, j’entends ma mère nous réveiller très tôt pour aller à l’école coranique. Une école qui vous happe aux aurores, ce n’est que pour vous abrutir très tôt également, dénicher toutes vos mauvaises pensées, vos petits rêves pour vous plomber de sourates, le sacrifice de l’enfance à petit feu, à grande échelle pour le grand bonheur de nos pères. J’entends aussi la gamelle qui cogne, les maigres poulets à l’affût des miettes de nos miettes, j’entends mon père cracher, appeler maman pour qu’elle lui lave les pieds, je t’entends toi Kheira chuchoter tremblante à maman « je ne veux pas, je ne veux pas voir ce monstre, ce maître qui n’arrête pas de me tripoter », et notre mère d’invoquer notre père, et lui de la couvrir d’injures parce qu’elle a engendré des enfants de Satan qui ne respectent pas notre vénéré imam. J’entends tout cela et tant d’autres choses qui me serrent le cœur, qui m’obsèdent comme si je les revivais à nouveau. Ce n’est qu’éveillée que je revois nos balades dans les collines avec les copains, quand on emmenait le troupeau paître, quand on allait chercher l’eau où pas un jour l’un d’entre nous ne revenait trempé, où l’on cherchait les crapauds et les tortues pour les éclater contre le mur parce qu’on nous disait que c’était des créatures du diable. C’est éveillée où je peux revoir tous ces moments de mon enfance où, à l’abris des pères et loin de la cour des femmes, nous étions un petit moment nous, sur une île secrète, comme celle des enfants perdus dans Peter Pan.

 

Fouzia : Péteur Pan, n’importe quoi, c’est qui ce mangeur de faillots.

 

Rosa : Peter Pan, c’est un conte, l’histoire d’un enfant qui ne voulait pas grandir. J’emprunterai le livre demain.

 

Malika : Rêveuse Ne pas grandir, rester enfant. Quand je pense à mon enfance, j’ai l’impression que ce n’était qu’un songe. Si Péteur craignait à ce point de grandir, c’est qu’il est algérien.

 

Rosa : L’auteur du conte est anglais.

 

Malika : Et alors cela ne l’a pas empêché de choper l’algériatrie, cette maladie qui te vieillit avec l’apparition des premiers poils pubiens.

 

Fouzia : Moi j’ai que des poils tout frisés pas comme tu dis.

 

Bakhta : Fou rire désolé Mon Dieu ce qu’il ne faut pas entendre. Et toi Rosa, qu’est-ce que tu veux faire plus tard ?

 

Rosa : Institutrice mais que pour les adultes, les femmes surtout à qui l’on fait

encore croire que pour être une bonne musulmane et une bonne pondeuse, la soumission reste la meilleure des attitudes. D’ailleurs musulman se traduit par soumission. J’aiderai également les hommes à qui l’on a dit que le bonheur n’existait pas sur terre, qu’il est au paradis où les attendent, s’ils sont bien méritants, 70 vierges qui restent vierges. Je sais il y a du boulot pour changer les choses, mais ça en vaut la peine si l’on ne m’accable pas trop avec les corvées d’eau, n’est-ce pas la mère ?

 

Bakhta : Tu veux refaire le monde quoi ?

 

Malika : autant demander aux moutons de partir seuls à six heure du matin et de revenir avant la tombée de la nuit pour la traite.

 

Bakhta : Je craints que se soit peine perdue, comme de se battre contre les moulins à vent. Je pense même que les femmes seront tout aussi difficiles à bouger que les hommes.

 

Fouzia : n’importe quoi, c’est quoi des moulins à vent.

 

Djamila : c’est un peu ce que tu as dans la tête.

 

Rosa : C’est une autre histoire, écrite au 16ème siècle par Cervantes, un espagnole qui a d’ailleurs bien connu les prisons d’Alger.

 

Fouzia : Encore un de ces trafiquants de drogue, bien fait pour lui.

 

Rosa : Mais non, c’était un soldat. Les espagnoles sont venus envahir la Numidie qu’on a appelé Algérie après, comme l’on fait auparavant les Philistins, les Vandales, les Arabes et tous les autres.

 

Malika : Tu oublies les pires de tous les colonisateurs, nos pairs du FLN. Parce que tous ceux que tu viens de citer étaient à leur époque plus libérales que nos émirs d’aujourd’hui. Leur guerre de libération au lieu de leur ouvrir l’esprit, leur a ouvert qu’un énorme appétit. Après cinquante ans d’indépendance, au lieu d’être de beaux fruits bien murs, savoureux, on est des trognons secs, rognés et en rogne.

 

Bakhta : Il vous reste l’essentiel, les pépins, vos petites graines à semer et qui sait ce qu’ils feront pour améliorer leur vie. S’ils sont tous aussi savant que Rosa et avec d’aussi beaux projets, nul doute que l’Algérie aura une autre saveur.

 

Djamila : Rosa tu vas être en retard et ce ne sera pas à cause de l’eau.

 

Mère : pourquoi tu cours comme ça ?

 

Rosa : j’ai un gros projet.

 

Mère : Si c’est à cause de l’au, la voisine m’a dit qu’elle ne coulera pas avant deux ou trois jours

 

Rosa : Bénie soit l’administration qui donne à sa jeunesse quelques jours de repos.

 

Mère : Disparaît, oiseau de malheur, avant de recevoir un bidon dans la tête.

 

Bakhta : Celle-là tu n’en fera pas une femme d’intérieur.

 

Mère : Dis moi plutôt si ton brave fils à l’intention un jour d’en prendre une de femme d’intérieur. J’ai ici de quoi l’enchanter pour la vie qu’il lui reste à vivre.

Malika rougit, les autres la taquinent

 

Bakhta qui ne se doute de rien : Tu ne crois pas si bien dire. Il a choisi sa future épouse, c’était ça la surprise que je voulais vous faire. Elle s’appelle Fathia.

Pendant qu’elle parle, les filles se figent, Malika essaie de sauver les apparences.

 

La Mère qui ne se doute de rien non plus : Youyou Félicitation, que Dieu les couvre de bonheur, qu’il leur donne les beaux enfants, qu’il fasse leur fortune.

 

Bakhta : Amen, t’es trop gentille

Chacune se lève lourdement pour embrasser leur tante

 

Fouzia : Il la connaît depuis longtemps cette…Fathia?

 

Bakhta : Non, sa famille a emménagé en 95 dans notre quartier, fuyant comme tout ceux de la campagne, la violence des terroristes. Malgré les traumatismes que la famille a subi en abandonnant tout ce qu’ils avaient, terre, entreprise, maison, ils se sont ressaisis. La petite a fait un brillant parcours scolaire. Elle a récemment obtenu, tenez-vous bien, son permis de conduire. Bref c’est une jeune qui en veut, intelligente, exactement celle qu’il lui faut.

Malika se lève pour embrasser sa tante

 

Malika : Je suis vraiment très heureuse pour toi. Quand tu le reverras dis lui bien que Malika lui souhaite malgré tout une vie longue et prospère.

 

Bakhta : Pourquoi malgré tout ?

 

Malika : Excuse moi, je suis confuse, c’est une telle surprise, que je dis n’importe quoi Elle s’éclipse.

 

Bakhta : Il y a des gens qui se remettent des pires événements. Cette famille en est la preuve. Petit à petit ils ont remonté un garage laissé à l’abandon. Maintenant la clientèle ne désemplit pas.

 

Djamila : Le mariage est déjà prévu ?

 

Bakhta : Oui l’été prochain. Cette fois je ferais des pieds et des mains pour vous recevoir.

 

Mère : Inchallah, Inchallah. Hier encore je revoyais courir Amin dans cette cour après Malika. Il disait même qu’il voulait l’emmener à Alger. Ils étaient inséparables.

Fouzia se lève et sort

 

Mère : Maintenant c’est un homme, beau, jeune. Un de plus qui va être fier de nous faire grand-mère.

 

Dans les coulisses, cri d’effroi de Fouzia

Maman, maman, non Malika, non, non, au secours, maman Malika brûle.

 

Poème voix off

Ton rire me résonne dans la tête

Je suis loin de cette cour

Où tes jours sont si lourds

Où tu demeures  muette

 

Tes danses emplissent mes songes

Je suis loin de cette cour

Qui détient tes contours

Où tes désirs te rongent

 

Tu chantes le fléau de tes sœurs

Je suis loin de cette cour

Où la folie est ton secours

Et ce mépris dont tu meurs

 

Adieu ma belle orientale

Tu es loin de cette cour

Envolée pour toujours

Morte par l’usage infernal

 

Noir


Elles sont dans la cour, accablées, dans l’attente.

Bakhta est en prière

Arrive la mère dans un triste état

Les filles ensemble : Alors comment va-t-elle, qu’est-ce qu’il a dit ?

La mère ne peut parler dans un premier temps

 

Fouzia : Est-ce grave dit, s’il te plaît très fort Dis moi comment va ma sœur je t’en conjure.

 

Mère difficilement : Elle… elle…elle va s’en sortir.

 

Bakhta : Dieu soit loué il a entendu nos prières.

 

Rosa : Tu vas arrêter tes bondieuseries ! Malika est peut-être défigurée, elle souffre autant à l’extérieur qu’à l’intérieur et tu lui dis encore merci ? Qu’a-t-elle fait d’autre que de donner son âme à celui qui lui écrivait des centaines de lettres d’amour. Elle a cru que tu venais pour elle, pour la demander en mariage pour ton fils. Depuis trois jours elle ne tenait plus en place. Et voilà qu’elle se retrouve encore plus misérable qu’avant. Elle a voulu s’immoler avec les lettres, mourir du poison qu’elles contenaient. Ton Dieu n’a pas voulu la reprendre. Elle doit maintenant porter le poids de la honte. Il doit bien rigoler là haut de sa farce…

 

Mère : Arrête, arrête, je t’en conjure je n’en peux plus.

 

Bakhta : Excuse moi Rosa, comme je te comprends. Dans les moments tragiques comme celui-là, on ne peut dire que des mots futiles, parfois nuls, tellement on y comprend rien. Mes mots t’ont parue insensés, parce qu’au fond de moi j’ai les mêmes doutes. Une religion qui pousse tant de femmes à commettre l’irréparable, dans l’indifférence générale est-elle faite pour l’humanité. Mais le fond de ma pensée est que ce qui arrive aux femmes d’ici et d’ailleurs n’est pas la faute que des hommes ; ils ne sont pas assez imaginatifs et fous pour ça, ni la faute d’un Dieu, non, c’est notre faute, nous les femmes. On s’est laissées bercées, bernées et on a fermé les yeux et tout le reste. On ne réagit plus. Certaines essaient, on les admire et on baisse vite les yeux. Là où l’on ne voit que notre impuissance, il y a en vérité notre raison d’être et d’exister en tant que femme.

 

Rosa : Marre de ces discours, de ces riens, j’en ai la tête comme ça. Je vais auprès de ma sœur.

 

Bakhta : Ne la bouscule pas trop.

 

Rosa : Je vais lui lire la suite de Peter Pan, elle aime beaucoup.

 

Noir


Fouzia tenant Malika , bandée au mains et au visage.

 

Fouzia : Doucement. Je ne te fais pas mal là.

 

Djamila : Tu aurais pu lui préparer de quoi s’asseoir confortablement !

 

Fouzia : Merde ! N’importe quoi j’y ai pas pensé, excuse moi ma belle, sans

Djame je ferais tout à l’envers.

 

Djamila : Et moi sans vous, je vous dis pas la vie de rêve, adieu mouches, moustiques et punaises.

 

Fouzia : Tu la fais rire, ça lui fait mal. Voilà assied toi, tu es bien ? Je vais te mettre de la musique.

Malika retient Fouzia par le bras et lui murmure à l’oreille

 

Fouzia : T’es sûre mais…

 

Fouzia tout bas à Djamila : Elle veut le disque offert par Amin, ce n’est pas possible.

 

Djamila : Rosa m’a lu les paroles des chansons du livret. C’est comme une dernière lettre d’amour avec ce titre « Ne m’en veut pas ». Celle là visiblement il n’a pas pu l’écrire. Que les hommes sont pauvres, lâches parfois quand il s’agit de dire les mots simples qui nous permettraient de les comprendre, d’espérer d’en trouver un qui n’est pas un sexe à la place du cœur.

 

Fouzia : C’est bien parce qu’ils ont un sexe là qu’ils ont du poil sur la poitrine.

 

Djamila : Mon Dieu ce que tu peux être vulgaire. Moi qui rêve parfois de fourrer ma main sur la poitrine velu d’un homme, je vais hésiter maintenant.

Regarde on fait rire notre sœur, allez, suffit, va lui chercher son disque.

 

Mère : ce n’est pas la peine, je l’ai ramené. Tient ma fille. J’ai aussi ce paquet cadeau d’Alger.

Malika refuse des mains N’est crainte c’est ta tante qui te l’envoi. Elle a beaucoup regretté de partir alors que tu étais encore très affaiblie. Elle a téléphoné hier au soir. Amin est parti du domicile juste après avoir su. Elle n’a pas de nouvelle. Elle est très inquiète. Elle pense beaucoup à toi.

 

Djamila : Pourquoi tu as sorti cette antiquité. Elle marche encore cette machine ?

 

Mère : Je l’ai fait tourner, elle fonctionne. En demandant dans les environs, j’ai eu quelques commandes. J’ai trois robes à réaliser.

Entre Rosa qui se dirige vers les bidons

 

Fouzia : Je ne savais pas que tu avais des talents de couturière. Tu m’apprendras, j’adorerai ça.

 

Mère : Qu’est que tu fais Rosa ? Laisse ces bidons.

 

Rosa : Mais maman l’eau va arriver d’une minute à l’autre.

 

Mère : Je t’ai dit de laisser ces bidons. Tes sœurs, ton frère et moi-même on va s’en charger. Ce sera comme ça dorénavant. Toi je veux que tu te consacres qu’à tes études. Je t’interdis de faire autre chose que de passer tous les diplômes qui feront de toi une femme libre et vraiment indépendante.

 

 

 

 

NOIR ET FIN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                        

Wagner le 05.03.09 à 05:42 dans t/ Oeuvres - créations et publications - de signataires D'Algérie-Djezaïr - Lu 1844 fois - Version imprimable
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