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D'Algérie - Djezaïr
Mouvement de réconciliation

Proposer une devise

"Il faut mettre ses principes dans les grandes choses, aux petites la miséricorde suffit." Albert Camus// "La vérité jaillira de l'apparente injustice." Albert Camus - la peste// "J'appelle à des Andalousies toujours recommencées, dont nous portons en nous à la fois les décombres amoncelés et l'intarissable espérance." Jacques Berque// « Mais quand on parle au peuple dans sa langue, il ouvre grand les oreilles. On parle de l'arabe, on parle du français, mais on oublie l'essentiel, ce qu'on appelle le berbère. Terme faux, venimeux même qui vient du mot 'barbare'. Pourquoi ne pas appeler les choses par leur nom? ne pas parler du 'Tamazirt', la langue, et d''Amazir', ce mot qui représente à la fois le lopin de terre, le pays et l'homme libre ? » Kateb Yacine// "le français est notre butin de guerre" Kateb Yacine.// "Primum non nocere" (d'abord ne pas nuire) Serment d'Hippocrate// " Rerum cognoscere causas" (heureux celui qui peut pénétrer le fond des choses) Virgile.// "Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde" Albert Camus.

D'Algérie-Djezaïr

Le MOUVEMENT D’Algérie-Djezaïr vient d’être officialisé par plus d’une centaine de membres fondateurs résidant dans le monde entier, ce 22 juin 2008 à Saint Denis (Paris - France). Il est ouvert à toutes celles et ceux qui voudront le rejoindre, natifs d'Algérie, et leurs descendants.

ORGANISATION

Elle est démocratique, c'est-à-dire horizontale, sans centralisme, et sans direction. Les décisions essentielles doivent être conformes à l’esprit du Texte Fondateur. Elles sont prises après larges consultations, où tous les membres donnent leurs opinions. Les règles internes sont arrêtées par les "adhérents". Pas de cotisations. Les groupes et le Mouvement trouvent les moyens de faire aboutir leurs actions.

Camus : un Algérien, en Algérie, répond à un autre Algérien à Paris.

Le débat s'enrichit.

 

 

 

 

 

 

 

 Cher ami,  professeur Belaid,

 

Dans les cas les plus heureux, tu dois te rappeler de moi. Nous sommes de la même promotion. Je ne saurais t’en vouloir au cas où tu ne me remets pas. Je t’ai toujours pris en sympathie du fait que tu étais brillant durant tout le cursus et tu as fait montre d’un sérieux et d’une persévérance peu égalés et que , aussi,  tu portes sur tes épaules  un grand nom  de l’histoire contemporaine de l’Algérie.  Pour moi, Abane Ramdane  ton oncle  reste une figure  et  une icône  de la révolution.

Comme tout le monde, j’ai dû lire avec intérêt  et une certaine réserve ton dernier article sur Camus. Je ne discute ni du  fond ni  de la forme de ton texte; tout simplement parce que je respecte tes opinions. Mais permets moi, d’apporter quelques autres points de vue et  autre contribution tout aussi personnelle, non pas en opposition à la tienne  mais en contigüité et ce, dans le cadre d’un débat ouvert tolérant et enrichissant. Tu ne verrais pas d’inconvénient ? Je veux, ainsi  exprimer, la diversité  bénéfique de notre génération  qui comme je l’ai toujours  fait remarquer était à cheval entre deux époques.  L’une engendrée par l’autre  et notre génération d’en assurer  ce relais nécessaire et utile.

Communiquer Camus, l’humaniste et le philosophe  aux Algériens  nés après l’indépendance  n’est pas aisé et  je n’en  ai personnellement pas l’envergure  mais  c’est  sûrement séduisant que de le tenter tant  les idées hautement humaines du personnage doivent se faire connaître, diffuser et incruster dans les esprits de jeunes écoliers ou universitaires. Qu’il  eut à soutenir sa communauté, je ne lui  dénie pas, outre mesure, ce penchant pour les siens. Certaines de  ses  déclarations montrent bien  qu’il était entre le marteau et l’enclume ;  cf. sa déclaration : ‘’Je ne veux pas, je me refuse de toutes mes forces, à soutenir la cause de l’un des deux peuples d’Algérie au détriment de la cause de l’autre’’. A dire vrai,  certains articles,  assimilés  et commentés  différemment par les uns et les autres,  entretiennent une  regrettable cacophonie  autour de lui  le rendant encore plus diversement compris, voire incompris.  Dans l’intellectualité universelle  son algérianièté m’honore et je la revendique. L’Algérie gagnerait un prix Nobel pour peu qu’elle l’intègre en elle !  Nos deux textes, je le constate,  s’éloignent et n’empruntent pas les mêmes raccourcis  qui mènent à ce penseur. Si sa philosophie est diversement appréciée, cela peut s’expliquer par  ce que l’on veut chercher et mettre en exergue. Toi et moi exprimons deux attitudes différentes sur un seul et même personnage.  Par cette approche  Camus devient, par la force du passé et des débats, comparable à un milieu chimique amphotère,  il est, en même temps,  basique et acide.  

 

 

 Amicalement

 

 

 

KA

 

 

 

 

« L’histoire est utile, non pas pour parcourir la passé, mais pour y lire l’avenir »

 « Vis-à-vis de l’histoire, soyons comptables des bonnes choses »

 

 

 

 

A un certain Albert disparu,

 

J’ai lu avec intérêt certain et parfois des réserves,  tous les  articles sur Camus. Ils portent tous  sur  une  question rendue sensible  touchant moins le philosophe que  l’homme qu’était l’auteur de ‘’la Chute’’. Le passé de notre pays en est le milieu. Un passé qui reste, toutefois présent. Cependant,  je suis  dubitatif  envers  les  prises de position  relatives  au personnage dont il est question.  Je me fais prévaloir,  auprès de tous, de mon   respect des opinions  de tout un chacun et de cette propension à parcourir les méandres méconnus du dit passé commun insuffisamment investi et  encore douloureux  que je n’ai  vécu que partiellement ou dans l’inconscience d’une enfance innocente, voire d’une  jeunesse insouciante. L’esprit de prospection et le préjugé favorable y sont.  L’objectif demeure la réconciliation de l’Algérien avec lui-même et avec son histoire.

A la mort de Camus, j’avais l’âge de 12 ans, étant  à une ou plusieurs têtes près avec  sa fille Catherine.  Nous avons été  deux communautés  à  cheminer dans l’indifférence voire la méfiance et le  même sentier emprunté concomitamment  mena, cependant, à deux avenirs différents que nous vivons présentement, dans la nostalgie, pour  certains et  dans  des ‘’aujourd’hui’’ faits encore d’incompréhension  et d’indifférence. Le quotidien que nous vivons n’est pas, complètement débarrassé des passions d’une guerre  encore vivace dans nos esprits. Les attentes  restent suspendues. Nous évitons de nous  questionner mutuellement sur certains événements non encore  définitivement classés, devenus  un legs encore occulté et du coup non comptabilisé ou  complètement classé . La fin de la guerre n’a pas  décanté   la situation   trouble héritée et  durement vécue par les uns et par les autres.  

Ayant assisté  passivement  à la période  des affrontements, ma  génération, plus lettrée que les précédentes, était  à cheval sur deux époques,  la coloniale et  l’actuelle, celle   de l’après indépendance. Si tâche m’incombait et  ou rôle il y avait, je me devrais  d’inciter ma génération de faire la jonction entre le passé et l’avenir en assurant, fidèlement, plutôt un continuum culturel et social versant dans  l’universalité.  Ma  contribution présente, j’entends celle de ma génération, aussi humble s’avérait elle,  est de servir de trait d’union entre une génération finissante et une autre  commençante, aux fins de relayer  les mêmes espérances et les mêmes phantasmes et mettre les jalons d’un avenir meilleur.   

J’ai assisté à la guerre en spectateur  craintif  et cible potentielle  de cauchemars et violences à l’instar de mes camarades quand bien même de l’autre communauté. Enfants , nous vivions la même peur, incertitudes  et espoirs.  Tout ce que je  savais est le fruit  de mon  vécu rétréci, tout au plus,  à mon quartier sinon celui de mes proches  pendant cette période de braise. Avais-je la capacité d’apprécier, un tant soit peu,  les quelques  impacts laissés par la guerre et  les reliques  de conquêtes  déracinantes, successives et destructrices  qu’avait connues le pays  ou d’inventorier   les  divers héritages, plus ou moins occultés,  légués par mes aïeux ? C’était l’affaire des grands plus que des plus petits ou jeunes, et des hommes plus que les femmes, des militaires plus que les populations, le temps était à  la guerre plus qu’à la paix.  Il y a donc  un message à  remettre  fidèlement à la descendance, pas exclusivement locale. L’affrontement suppose au moins deux  clans mais  la paix, tout le monde, sans exception, doivent y souscrire et  persévérer en sa faveur.  Quelques uns des enfants  d’Algérie qui y sont nés ou de parents algériens, se trouvent   éparpillés sous d’autres cieux ou sur l’autre rive de la mer méditerranée,  sans doute avec les mêmes attentes différemment exprimées  ou enfouies dans le subconscient. Ils sont, aussi et au même titre  concernés par  ce que nous appelons précisément le patrimoine et   la culture, forces potentielles  de base d’un pays. 

L’école, moule social et citoyen, m’apprend, dans une complémentarité  harmonieuse,  ce que ma  cellule  familiale et mon entourage  n’intégraient pas nécessairement dans mes us, comportements et croyances. Aujourd’hui la paix revenue. Trêve de tout. Il faut cultiver l’Amour de l’Autre et permettre  le rapprochement. Servir de passerelle entre les cultures est un honneur (bonheur) à partager. Le défi est de construire et affermir notre Nation. Il n’est pas question de dédouaner  ceux qui  nous ont tués, séparés, déportés, méprisés,  chassés, dépossédés  et éprouvés  par des restrictions, des interdits  et des lois d’exception comme les codes forestiers et de l’Indigénat  et encore, je ne sais pas, dans quelle mesure  ne faut-il pas  passer l’éponge et pardonner ? Disons que ‘’le Temps est le raccommodeur universel’’ ; laissons-le faire.  Se lamenter sur un passé, aujourd’hui révolu, c’est une peine perdue. Laisser l’essentiel et s’en tenir à l’accessoire n’est pas bénéfique. Nous n’allons rien à changer à notre passé. Les historiens et les scientifiques sont les mieux habilités à reconstituer  le puzzle de l’histoire avant l’extinction des acteurs de cette guerre  qui en fut une.   

J’ai  usé, comme ma génération, des mêmes bancs scolaires et universitaires, pour  devenir ce que je suis  dans mon  pays et  ne pas  sombrer dans des considérations autres que constructives, salutaires et réconciliatrices. J’ai prêté l’oreille attentivement   à l’Autre et au reste du monde uniquement pour récolter une autre idée, une autre donnée, façon de rester dans le diapason. N’étant que produit d’une structure éducative, somme toute  universelle, il m’appartient  d’être  commode  et surtout  ne pas  avoir l’échine basse. Il n’est pas question pour moi,  de juger  ou se déjuger de  tout ce qui se dit, ici et là, sur qui que ce soit. La formation  et l’éducation  que j’ai reçues sont  basées sur la rigueur, l’exactitude  des  faits et la fidélité de la  transmission, au moins, à mes enfants. D’ailleurs si je dois intervenir, ce serait à  quel titre si ce n’est celui de  rapprocher et  fraterniser. Le temps est au rassemblement  et à l’effort de se (re)construire. Nous ne pouvons entériner que dans l’objectivité  scientifique  les démarches  fiables  et crédibles et non des ‘’ vérités’’,  racontées ou récits.

Accepte-je  les assertions, loin de toutes contextualisation  qui circulent à propos du patriotisme  de l’Emir Abdelkader et de  Messali Hadj. Le premier  était chevalier poète et soufiste  et le deuxième, fils du peuple,  patriote et nationaliste. Faut-il  souligner, la complexité de la tâche de ces deux résistants astreints à résoudre,  à des périodes différentes de l’histoire, une double équation ?

Pour l’Emir, c’était  comment maitriser des tribus  hostiles   entre elles et  centraliser les pouvoirs  à l’effet de gérer non pas, seulement  des mechtas  mais une Oumma  ou un Etat à (re)créer de toutes pièces. Coincé par le roi du Maroc à l’ouest et le bey de Constantine à l’Est,  craignant l’aptitude de l’Emir  algérien  à mettre sur pieds un état menaçant  leur dynastie  dans  Dar El Islam, la mission de l’Emir, devenait, par eux,  périlleuse et  perdue d’avance. Il échoua donc, au grand dam du pays. Imaginons-nous à sa place.  

Pour le second,  soit Messali El Hadj, la conjoncture était d’une autre dimension, en ce sens que le problème  résidait en   l’occultation de la Nation Algérienne elle-même. A ce titre, Ferhat Abbes  n’a jamais dit que la nation algérienne n’a pas existé, mais,  seulement,  qu’il ne l’avait pas trouvé. Le mérite inébranlable du président du PPA et du MTLD qui avait passé  le clair de son temps en prison,  était d’avoir cru en l’indépendance  et de  susciter   des actions dans ce sens. Il faut reconnaitre qu’il y était arrivé.  Quoiqu’on dise, Messali avait eu le beau  rôle de guide et de patriarche  même  s’il avait ‘’ la conviction insensée du coq…’’ qui ‘’ne se contente pas de constater l’aurore, mais proclame qu’il fait lever  le soleil ‘’ Oui ‘’…le soleil se lève sans que le coq n’y soit pour quelque chose…’’ Je considère, à ce titre,  que  si,  vraiment, Messali était un coq, il serait d’une haute cour pas d’une basse. Le reste, tel le culte de sa personnalité ou autres  reproches, n’était que secondaire, face aux grands objectifs tracés retenus par lui et la volonté collective  qu’il avait mobilisée.

A l’état actuel des choses, je ne pense pas qu’il faille porter ce regard  inquisiteur sur le passé ou sur les hommes qui l’ont fait. Ce qui est souhaitable, pour ma génération  est de ne pas jeter l’huile sur le feu. Il est du devoir de tous de consolider la cohésion nationale et  de positiver avec fierté les différents  mouvements de libération et  les activités partisanes du pays. Là, il faut  faire ressortir et transmettre également  le rôle  des Chaulet, des Henri Alleg de Génassia, Audin, Maillot  et Francis Jeanson  et autres de  la communauté d’origine européenne qui avait soutenu la cause algérienne. Il appartient aussi à ma génération  de mettre en relief les héros et les sacrifices consentis, sans oublier les apports de la classe intellectuelle qu’encore ma  génération se doit de regarder avec bienveillance et respect sans distinction, aucune, des auteurs et de la langue véhiculaire. Elle doit susciter des rencontres et des débats  et faire ressortir les richesses et le génie algérien. Est-ce un parjure  que de faire connaitre, d’une part Apulée, Ibn Badis et Robert Merle  et de l’autre Saint Augustin, Ben Hedougua  Mufdi Zakaria, Malek Haddad et Al Khalifa, nonobstant les liens entre eux, aussi lointains ou sinueux soient-ils. Il n’est pas question d’occulter des œuvres  littéraires à portée  mondiale quels qu’ils  fussent été leurs  auteurs, me dois-je de le réitérer. Chacun  s’était appliqué ou  rebellé à sa manière dans sa propre  culture  et langue  à projection universelle.

Revenons  à Albert Camus, véritable objet de cet écrit.  Des Algériens comme moi, mais illustres,  le considère  ’écrivain algérien’’ ou ‘’gloire algérienne’’ dixit Dib et Feraoun. Avaient-ils tort ? Oh que  non.  A dire vrai, l’auteur du ‘’Mythe de Sisyphe’’  est différemment  apprécié et pour cause. Il demeure à ce jour critiqué par  sa propre communauté.  Qui de nous ne choisirait pas sa mère  avant  tout. ‘’N’importe lequel d’entre nous aurait fait la même réponse’  disait M. Bouteflika, le  première magistrat du pays. Ce choix anime de chauds débats qu’exploitent ses détracteurs.  Sa préférence et son alignement sur sa mère étaient donc  différemment interprétés. Ainsi,  pour  Simone Bouvoir,  Camus  s’était aligné du côté des Pieds  noirs. Pour d’autres, il soutenait sa France contre son Algérie  ou encore la colonisation contre la guerre d’Algérie. Cela reste controversé.  Malheureusement,  il n’est pas là pour se défendre ou s’expliquer. Lui qui  trouvait pressant de ‘’ sauver l’homme  face à une histoire devenue folle’’

Camus Albert, le belcourtois quitta le PCF l’accusant d’être’’ trop en retrait par rapport aux aspirations des Algériens’’ Il faut lui reconnaître qu’il estime  indécente  la loi de Blum et Violette qui apporta à 60000 ‘’l’indigènes’’ et de surcroit méritants, le droit de s’exprimer et de s’émanciper. ’’Les Arabes demandent (plutôt) une constitution et un parlement’’ renchérit-il. En tant que journaliste il dévoila, en Kabylie un peuple  qui vit  ’d’herbes et de racines’’ Sensibilisé par les questions sociales de l’heure, il  explosa :           ‘’ voyez ce que  vous avez fait en Kabylie’’. Il dénonça  la misère  ’celle de la Kabylie’’, ce  ‘’ fol orgueil européen’’. Evidemment, il y avait d’autres régions d’Algérie aussi misérables.

Pour avoir lui-même connu la misère - est-ce  imaginable, à l’époque  pour quelqu’un de souche européenne- il  revient souvent sur cette situation  indigente dans ses écrits. Traduit en plusieurs dizaines de  langues, il reste, cependant,  incompris  et invectivé  et  cette phrase de Camus à l’Express : « il faut considérer la revendication  d’indépendance nationale algérienne en partie comme une des manifestations de ce nouvel impérialisme arabe dont l’Egypte, présumant de ses forces, prétend prendre la tête et que  pour le moment, la Russie utilise à des fins  de stratégie anti-occidentale » prête à équivoque.    Dans notre cas, effectivement l’Egypte ou un autre état arabe n’avait, évidemment, pas de velléités expansionnistes sur l’Algérie. Oui,  l’Egypte d’une certaine époque, s’était mise à  soutenir l’Algérie combattante, c’est une vérité, bien que, pas gratuitement, elle cherchait à la placer sous sa tutelle. Par ailleurs, l’on doit  rappeler que cette même Egypte  alla  occuper un  Yémen pour le protéger d’un autre. C’est te dire l’impérialisme  arabe, dans cette forme, pouvait ne pas être une illusion ou inconcevable. Les citoyens des deux Yémen, pourraient apporter leurs impressions là-dessus. Camus l’avait  donc effleuré.  Je  m’adresse  à Ait Hocine  Ahmed  à  Ould Kablia  et autres du MALG, en l’occurrence,  pour  qu’ils veuillent  bien commenter, en toute équité,  le paragraphe.  Je souscrirais, bien évidemment,  à leur analyse. 

Camus est certes un Algérien d’une autre communauté  contiguë et plus ou moins mêlée à la notre. Pour la véritable symbiose des générations, à l’Algérie française il aurait  fallu opposer  paisiblement ‘’la France Algérienne’’ juste pour  l’équilibre  fonctionnel à établir  parmi tous  les habitants. A l’algérianisation de la langue française il fallait  compléter  la même opération  au profit  de  la langue arabe dans le parler local. On aurait eu l’arabe algérien, le notre.  L’arabe littéraire reste pédagogique et du coup nous aurions gagné deux outils d’expression.  Si l’on  leur ajoutait l’enseignement d’une première  langue étrangère, le bachelier algérien sortirait du cycle secondaire avec trois langues. Qui dirait mieux ?

Albert Camus, c’est encore de lui qu’il s’agit, avait vécu les moments difficiles des tourmentes  et des détours  de l’Algérie dans l’histoire des peuples. Enfanter Camus  confirme la pluralité de l’Algérie qui, à travers les âges, s’était laissée visiter  par d’autres,  venus de différents horizons. Il s’agit de conquêtes, cependant il faut y voir aussi des civilisations.  Camus n’en était que la conséquence, comme  l’est Jacques  Berque et Jules Roy.   Natif de Dréan, ex Mondovi, gros bourg agricole à une trentaine de kilomètres  au Sud de Annaba ex Bône et appartenant à une communauté  autre tirant ses racines du même terroir, Camus vivait une douleur  propre à un enfant de parents divorcés. Il déclarait clairement : ‘’Je ne veux pas, je me refuse de toutes mes forces, à soutenir la cause de l’un des deux peuples d’Algérie au détriment de la cause de l’autre » 

Il ne souscrivait pas à la violence et il s’en démarquait. A René Barthes  il disait         ’’ notre tâche est de combattre les crimes et les ravages. Elle est de les combattre en nous-mêmes et dans les autres’’ Pour lui la guerre est ‘’ une vacherie universelle’’. A propos de  des événements du 8 mai 45  Camus tonna’’ Il convient de  rappeler aux Français que l’Algérie existe. Je veux  dire par là qu’elle existe  en dehors de la France’’ A propos de la rébellion, il disait en substance : ‘’je  sais qu’il y a  une priorité à la violence. La longue violence colonialiste explique la rébellion’’

Camus appelait les  Algériens mes frères. Il témoignait beaucoup de sympathie  pour les Algériens voir  la lettre à Kessous.  Il était proche des idées de Messali Hadj,  Mendes France  et de Ferhat Abbes. Voir  aussi les lettres à Feraoun  Driss Chéraïbi et à Jules Roy.

Le FLN  attendait de Camus  qu’il fût de son côté. Mais ce  dernier  trouvait que les deux communautés ne pouvaient, pour des raisons culturelle au moins, être ‘’dans l’harmonie  de l’indépendance’’ et d’autre part, il croyait à une fédération‘’ qui aurait une autonomie  avec la France’’ ; L’idée était partagée par d’autres Algériens. Ses prises de position  irritaient des colons. Jean Pomier  le traitait ainsi’’ Camus est un  des plus brillants  naufrageurs de son pays natal’’ et Camus de rétorquer : ‘’Sur le fond du problème algérien, j’aurais d’ailleurs plus de doutes que de certitudes à exprimer. Je peux me tromper ou juger mal  d’un drame qui me touche de trop près’’ Il y avait bien eu des Algériens civils  de souche qui  avait bien, durant la guerre, des attitudes   à contre - courant des autres Algériens,  ils  restent, cependant  Algériens ; personne ne leur conteste  leur  algérianièté. L’auteur de ‘’La Chute’’  lutta pour libérer Omar Ouzeguène  et cheikh El Okbi.  Il   soutenait  au  tribunal militaire de Blida, les militants  du MTLD

Dans la tempête, Camus  préféra se taire en s’exilant en France.   ‘’ J’ai décidé me taire en ce qui concerne l’Algérie afin de n’ajouter ni à son malheur, ni aux bêtises qu’on écrit à mon propos’’  Il disait qu’il était le seul journaliste  français à quitter l’Algérie  pour avoir défendu les musulmans.  Il a été réduit au  silence.

Le cardinal Duval de dire : ‘’ J’ai admiré le sens extrêmement aiguisé qu’il avait du respect de l’homme. Il avait un immense  amour pour toute  la population d’Algérie dans laquelle il ne faisait aucune  discrimination’’  JP Sartre : ‘’ Pour peu qu’on le lût et qu’on réfléchit,  on se heurtait aux valeurs  humaines qu’il gardait dans son poing fermé’’

Derrida : ‘ l’écriture et la différence, cette notion de « déconstruction » Camus est des nôtres. C’est notre mémoire collective, notre patrimoine, notre passé. C’est notre message d’espoir  face à la tragédie humaine. Nul n’a aimé l’Algérie comme Camus, ce pays au « soleil source »

Manquait-il de courage ? Peut-être. Camus était quand même malade  et ce ne fut, curieusement,  pas sa maladie qui l’emporta. Il mourut violement contre un platane lorsqu’il  préféra l’automobile au train et la compagnie de son ami  et éditeur à celle de Francine, sa compagne. Il décédait loin de Belcourt aujourd’hui Belouizdad, un billet de train dans sa poche.  Au fait, pourquoi ces choix  n‘ont pas été interprétés ?

Faut-il  dire que nous autres Algériens, sommes en conflit avec nos intellectuels ? Les différentes prises de positions que j’ai colligé, sont  notablement contradictoires à l’adresse d’un seul et même homme que fût  Albert Camus. Elles sont, par ailleurs, passionnelles dans certains cas,  voire véhémentes dans d’autres.

Je conclus alors que c’est le personnage qui est, à bon ou mal escient, encore mal compris ;  encore faut-il, pouvoir  trancher. Ce que je peux dire est que dans ces débats infructueux, tant ils touchent au personnage, l’on occulte  sa production. A Albert Camus, on jeta des mots plus durs que les pierres. On ne parle que secondairement, du philosophe, de l’humaniste et  du dramaturge. Le film de Jaoui, le confinant à Paris, touche à  sa vie privée . Au lieu de montrer ses conquêtes, faisons le  parler.

Je termine par ceci « J’ai choisi mon pays. J’ai choisi l’Algérie où Français et Arabes s’associeront librement. »

 

 KA

 

 

 L'article en question est rubrique "nos écrivains célèbres" du 23/11/09 : "Belaïd Abane parle de Albert Camus".



Réponse de JP Lledo à la lettre de KA à B Abane:



La réponse camusienne à la question algérienne.

Jean-Pierre Lledo

 

 

Qu’il me soit permis de tout d’abord de saluer la réponse pleine d’humanité de K.A, aux propos haineux de Bélaïd Abbane qui aurait dû avant de calomnier Camus, nous expliquer pourquoi et comment son illustre parent Abbane Ramdane, dirigeant de la « « révolution » » fut égorgé comme un malpropre et après un guet apens , par les siens, ces bons apôtres du nationalisme dont il se veut le Chantre.

 

J’aurais souhaité apporter une contribution fondée sur les tous les textes politiques de Camus concernant l’Algérie (notamment bien sûr ‘’Chroniques Algériennes’’), mais manque de temps, je me contenterai de dire hâtivement l’importance de sa pensée à ce sujet.

 

Camus est pour moi, la seule personnalité d’envergure à avoir vraiment compris son pays, c'est-à-dire à tenir compte des intérêts de la population musulmane et de la population non-musulmane.

Les nationalistes n’ont jamais voulu tenir compte de cette dernière, considérée par eux comme non-algérienne, parce que non-musulmane.

Les communistes eux parlèrent bien d’une Algérie indépendante et multiethnique. Mais à la différence de Camus, ils ne dénoncèrent que très mollement la stratégie terroriste du FLN à l’encontre de la non-musulmane, et encore moins sa volonté d’épuration ethnique.

Quant aux partisans de l’Algérie française, leur manque de réalisme ne pouvait que les mener à l’impasse suicidaire que fut à la fin, l’OAS.

Camus qui lors de sa Conférence sur la Trêve civile en 56 à Alger, avait pris comme gardes du corps, des copains de quartier, 2 boxeurs arabes de son quartier Belcourt, connaissait de l’intérieur la pensée nationaliste. Sartre, lui, se contentait de ce que les dirigeants nationalistes diffusaient pour la consommation extérieure.

C’est grâce à cette sensibilité de fils du bled, qu’il avait pu prédire (et non prophétiser) qu’une  Algérie qui irait vers l’indépendance aux seules conditions du FLN, serait une Algérie qui se viderait de sa population non-musulmane, qui se mettrait sous la tutelle du grand frère égyptien (le ministre des Affaires étrangères du  1er gouvernement d’apres l’indépendance, Mohamed Khemisti est assassiné par un ‘’fou’’ quelques jours après s’être opposé à l’entrée de l’Algérie dans la République Arabe Unie - RAU, cet ensemble arabe dirigé par l’Egypte), et qui serait submergée par le fanatisme islamiste. Camus a écrit tout cela il y a plus d’un demi-siècle et force est de constater que la vie lui a donné raison !

Comme l’a admis l’historien Mohamed Harbi, qui fut lui-même un leader FLN , une Algérie qui aurait conservé sa population non-musulmane aurait été obligée d’opter pour un modèle pluraliste. Et comment douter qu’une Algérie multiethnique fondée sur le pluralisme des identités, des cultures, des religions, et des opinions, aurait fait fructifier le capital démocratique, qui se développe indiscutablement en Algérie à partir du début des années 30 du siècle dernier ?

Camus, malgré la maladie et l’ascèse du travail littéraire, dépensa sans compter son énergie pour tenter de faire entendre SA solution. Et quand il comprit que c’était peine perdue, il préféra alors le silence, mais jamais l’indifférence.

Je répète donc, et cela peut aisément se démontrer textes à l’appui, qu’à la ‘’question algérienne’’ comme on disait à l’époque,  la réponse camusienne, parce qu’elle tenait compte des intérêts de tous, aurait été la SEULE manière de faire accéder l’Algérie, sans violence, à la Liberté, puis après, à la Démocratie, et donc au Développement.

Au lieu de quoi, la torture et la censure, la mise au pas de toute une société et même de son intelligentsia, et cette tristesse absolue qui fait de toute une jeunesse, des harragas, entre deux révoltes qui fait encore couler du sang…

 

Jean-Pierre Lledo

Paris le 28 janvier 10

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Wagner le 28.01.10 à 19:59 dans d/ Nos écrivains célèbres. - Lu 1244 fois - Version imprimable
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