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D'Algérie - Djezaïr
Mouvement de réconciliation

Proposer une devise

"Il faut mettre ses principes dans les grandes choses, aux petites la miséricorde suffit." Albert Camus// "La vérité jaillira de l'apparente injustice." Albert Camus - la peste// "J'appelle à des Andalousies toujours recommencées, dont nous portons en nous à la fois les décombres amoncelés et l'intarissable espérance." Jacques Berque// « Mais quand on parle au peuple dans sa langue, il ouvre grand les oreilles. On parle de l'arabe, on parle du français, mais on oublie l'essentiel, ce qu'on appelle le berbère. Terme faux, venimeux même qui vient du mot 'barbare'. Pourquoi ne pas appeler les choses par leur nom? ne pas parler du 'Tamazirt', la langue, et d''Amazir', ce mot qui représente à la fois le lopin de terre, le pays et l'homme libre ? » Kateb Yacine// "le français est notre butin de guerre" Kateb Yacine.// "Primum non nocere" (d'abord ne pas nuire) Serment d'Hippocrate// " Rerum cognoscere causas" (heureux celui qui peut pénétrer le fond des choses) Virgile.// "Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde" Albert Camus.

D'Algérie-Djezaïr

Le MOUVEMENT D’Algérie-Djezaïr vient d’être officialisé par plus d’une centaine de membres fondateurs résidant dans le monde entier, ce 22 juin 2008 à Saint Denis (Paris - France). Il est ouvert à toutes celles et ceux qui voudront le rejoindre, natifs d'Algérie, et leurs descendants.

ORGANISATION

Elle est démocratique, c'est-à-dire horizontale, sans centralisme, et sans direction. Les décisions essentielles doivent être conformes à l’esprit du Texte Fondateur. Elles sont prises après larges consultations, où tous les membres donnent leurs opinions. Les règles internes sont arrêtées par les "adhérents". Pas de cotisations. Les groupes et le Mouvement trouvent les moyens de faire aboutir leurs actions.

Débat autour des évènements du 08 mai 1945 dans le constantinois.Mise à jour régulière à la suite.

la guerre d'Algérie a-t-elle vraiment débutée le 01/11/1954?

La guerre d'Algérie dont les effets se font encore sentir tellement furent grands les drames et les déchirures puise à la tragédie du 08 mai 1945.
Petit à petit, faisant fi des idéologies empoisonnant une réflexion utile à ce propos, le juste rapprochant des vérités multiples fait son chemin.
Nous entendons y participer.
Jean Roy ouvre le débat. Donnons lui la parole:



 8 mai 1945, début de la guerre d’Algérie…

Sur ce sujet, je conseille la lecture de l’excellent livre d’Annie REY-GOLDZEIGER : « Aux origines de la guerre d’Algérie 1940-1945 ».

 

La guerre d'Algérie a véritablement commencée le 8 mai 1945. La France de Vichy avait installé en Algérie, un régime qui pouvait faire penser à la politique de royaume arabe de Napoléon III. Globalement les notabilités musulmanes étaient séduites par la politique du Maréchal et l'anti sémitisme ne les gênait pas. Bien au contraire. Ce qui fait que par milliers, de jeunes algériens musulmans se sont engagés dans les "chantiers de jeunesse" de Vichy, qui remplaçaient le service militaire. Et on contribué malgré tout à la préparation de la future armée d'Afrique, qui allait sauver l'honneur de la France et lui permettre de retrouver un certain rang lors de la victoire. Parmi ces engagés, il y avait par exemple un certain BEN BELLA de Maghnia, futur adjudant de l'armée française,  héros de la campagne d'Italie, à qui de Gaulle en personne remit la médaille militaire à Rome. Et beaucoup d’autres chefs du FLN, à commencer par BOUDIAF, pour ne pas risquer de l’oublier, ont fait leurs premières armes au sein de la 1ere Armée française. Il y a eut pendant ce régime de Vichy, une montée structurée du nationalisme algérien et musulman, avec en particulier l'organisation des scouts musulmans, sous le regard bienveillant de l'administration.



Après la prise de contrôle du pouvoir par de Gaulle, la situation  des musulmans continua à se dégrader, l'Algérie connut beaucoup plus d'injustices pour les musulmans: demi cartes de rationnement, céréales déclarées impropres par les services vétérinaires et... distribués aux Musulmans affamés, demi solde pour les combattants musulmans (et ingratitude après la libération). Cela a également concerné les soldats des autres parties de l'Empire.



Au cours ce ces années là, il y a eut, d'une part, une tentative de détournement du mouvement de FERHAT ABBAS, qu'on croyait manipuler pour l'amener vers une position néo colonialiste et, d’autre part, le un noyautage de ce mouvement par les clandestins du PPA, qui était sur une ligne beaucoup plus dure, tout en voulant rester dans le cadre d’une action légale.

 

 

De façon simpliste, on peut considérer que l'administration française a délibérément choisi de crever l'abcès, en favorisant par des provocations une radicalisation du mouvement. Cette provocation a été en particulier l'oeuvre du sous-préfet de Guelma (ACHIARY).

De façon délibérée, on a choisi de "sacrifier" quelques centaines d'européens, qui ont été massacrés dans des conditions horribles, pour avoir le prétexte d'organiser une répression sanglante (8 000? 40 000? victimes). Le nombre des victimes des deux camps n’a aucune espèce d’importance et à mon avis, il n’est pas possible ce commémorer le martyre des unes, en le considérant comme une bavure sans importance, pour ne se souvenir que du massacre des autres. Quel que soit son camp, dans ce désastre, il n’y a pas de « bonnes » victimes, dont on doit se souvenir et les autres, juste bonnes pour l’oubli. La commémoration des victimes de la tragédie qui a suivi le 8 mai 1945, doit être de la commémoration de l’horreur dans sa globalité. En fait, le plus important est de comprendre que nous avions en en Algérie une situation bloquée, dénoncer les incohérences d’un système colonial, dont les Algériens non musulmans devraient se désolidariser. Ce système, loin de nous protéger, en favorisant un attachement quasi névrotique à la France, allait contribuer à bloquer toute évolution, jusqu’à provoquer l’explosion.

Que pouvait penser ce jeune soldat de Petite Kabylie, qui avait perdu ses deux jambes dans les combats qui allaient libérer Toulon, quand il apprenait que tout son village et tous les siens avaient été traités au napalm par l’aviation française ? Que pouvaient penser ces anciens combattants de retour au Bled quand ils découvraient la famine dont avaient souffert les leurs ? Que pouvaient penser ces héros de la campagne d’Italie ou de la bataille de la trouée de Belfort, devant l’ingratitude de la France, qu’ils avaient loyalement servie. Comment oublier le pharmacien de Sétif, FERHAT ABBAS, qui bien que réformé fit l’impossible pour rejoindre l’armée française en 1939 ? Comment oublier ces valeureux combattants, qui après 12 ans de campagnes militaires, furent jetés, sans la moindre retraite véritable, d’une armée ingrate qu’ils avaient loyalement servie, de la campagne de Tunisie à Dien Bien Phu.

L’administration française allait pousser au désespoir, toute cette fraction de l’Algérie qui n’acceptait pas de devoir continuer à courber l’échine après avoir subi les massacres des semaines qui ont suivi le 8 mai 1945. Comment ne pas les comprendre ?

 

Mon père avait raison, quand il affirmait, dès 1945, qu’une explosion allait se produire en Algérie avant dix ans, et que cette explosion de violence allait utiliser le principal ressort capable de mobiliser les masses, le recourt au Djihad.  Un de mes amis de l’ALN m’a avoué que le FLN n’avait pas eu d’autres choix pour mobiliser les masses. Lui, Abd el Kader, il aurait voulu se battre pour une Algérie démocratique et laïque, acceptant tous ses enfants et toutes leurs croyances. Mais sans le recourt à l’Islam, il m’a confié que leur cause aurait été vouée à l’échec, face à une armée française infiniment plus puissante que leurs maigres troupes.

 On ne peut renouer avec l’Algérie, sans comprendre ce qui s’est passé en mai 1945 et sans le dénoncer vigoureusement. On ne peut renouer avec l’Algérie sans dénoncer tous les crimes qui se sont commis au nom de la France, de 1832 à 1962. On ne peut renouer avec l’Algérie sans dénoncer les incohérences d’un système colonial, dont finalement, nous avons tous été victimes. Cela ne veut pas dire exiger des citoyens français du 21ième siècle de demander pardon pour ces crimes et pour une conquête particulièrement cruelle. Dans une telle logique, pourquoi les Arabes ne demanderaient-ils pas pardon pour leur conquête violente de l’Afrique du Nord. C’est en assumant parfaitement l’histoire que nous pourrons contribuer à renforcer des liens entre l’Algérie et la France.

 

De la même façon qu'il ne servirait à rien de nier la conquête et la colonisation de la Gaule par les Romains, il serait tout aussi illusoire, tant pour l'Algérie que pour la France, de nier plus d'un siècle d'histoire commune, y compris dans ses aspects les plus douloureux et les plus déplaisants. Vouloir mettre le passé entre parenthèses, comme s'il n'avait jamais été, est inutile et dangereux. Il continue de peser de tout son poids dans l'inconscient collectif des deux nations, avec toutes les dérives psychotiques irrationnelles qui peuvent découler des phénomènes de refoulement. Que cela nous plaise ou non, il y a eu, et il y a toujours, une interaction importante entre la France et l'Algérie, ce qui fait que le devenir français reste influencé par la composante algérienne de l'histoire de France, tout comme le devenir algérien l'est par la composante française de son histoire.

 

 

Jean ROY

8 MAI 2009


Dans RESPUBLICA, Hakim Arabdiou:

La barbarie du 8-Mai 1945 en Algérie : la France doit demander pardon

Par Hakim Arabdiou

Lundi 15 juin 2009

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Le 8 mai 1945, tandis que les Français fêtaient l’écrasement de la barbarie nazie, une autre barbarie se commettait à l’encontre du peuple algérien, qui avait manifesté ce jour-là dans de nombreuses villes d’Algérie à l’Appel des Amis du manifeste et des libertés (A.M.L), un front constitué par le Parti du peuple algérien de Messali Hadj, âme de la revendication de l’indépendance ; par l’Union démocratique du manifeste algérien, de Ferhat Abbas ; et par l’Association des ouléma algériens. Les manifestants criaient et portaient des banderoles où ils avaient écrit : « A bas le colonialisme ! », « Vive l’Algérie indépendante ! », « Libérez Messali ! » (leader du Parti du peuple algérien), etc. La répression policière avait entraîné des blessés et quelquefois des morts, parmi les Algériens.

Mais les choses furent autrement plus graves dans le Constantinois. A Sétif, la manifestation s’était déroulée dans le calme, jusqu’à ce que la police aie tué des manifestants, parce qu’ils leur avaient résisté, en refusant de leur remettre les drapeaux algériens, qu’ils avait déployés. Ce fut la débandade générale. Certains manifestants s’étaient dispersés dans la ville et s’étaient attaqués à coups de gourdins, de haches et de couteaux à des Algériens d’origine européenne, entraînant des morts et des blessés, parfois graves, parmi ces derniers. Des rumeurs sur de prétendus massacres de musulmans circulèrent le jour-même dans les hameaux, villes et villages situés à des dizaines de kilomètres à la ronde de Sétif, Guelma et Kherrat. Des campagnards musulmans tuèrent, mutilèrent ou massacrèrent des hommes, des femmes et des enfants d’origine européenne, quelquefois plusieurs membres d’une même famille. Bilan officiel : 103 morts et 109 blessés.

Dès le lendemain, le 9 mai, le massacre à grande échelle des Algériens d’origine musulmane commença. Méthodique. Impitoyable. Disproportionné. Bref, de la barbarie à l’état pure..... 

Selon les chiffres officiel du gouvernement algérien, ces massacres ont entraîné 45 000 morts parmi les Algériens d’origine musulmane. C’est en réalité une reprise des estimations établies par le Consulat états-unien en Algérie durant ces événements. Cependant, les évaluations les plus sérieuses en l’état actuel de la recherche historique varient entre 15 000 et 18 000 morts (sans compter les blessés), et entre 5 et 10 000 arrestations, dont 99 condamnations à mort, 64 condamnations aux travaux forcés à perpétuité et 329 autres à des travaux forcés à temps....

Tous furent toutefois amnistiés l’année suivante, grâce à la puissante campagne menée en ce sens, principalement par les communistes algériens et français, par le journal, l’Humanité....

.

Les peuples ex-colonisés et leurs enfants réclament que la France, qui avait avant tout trahi ses propres principes républicains, humanistes et de justice, demande pardon pour ses crimes coloniaux, comme elle l’a fait pour les Juifs, qu’elle avait voulu exterminer en collaboration avec les nazis, et comme l’ont fait les Etats-Unis d’Amérique avec leurs ressortissants noirs, et l’Australie avec ses aborigènes…

N’en déplaise à quelques attardés de l’Histoire de l’extrême droite et ses idiots utiles, parmi une minorité de « laïques » musulmanophobes de « gauche », cette idée est en train de faire son chemin au sein de l’opinion publique, notamment des nouvelles générations non gangrenées par le racisme anti-Arabes, et dans les plus hautes sphères de l’Etat français.

Sources :

  • Henri Alleg (collectif), la Guerre d’Algérie, T.1 , éditions Messidor, Paris, 1981.
  • Annie Rey-Golzeiger, Aux Origines de la guerre d’Algérie : 1940-1945, de Mers-el-Kébir aux massacres du nord-constantinois, éditions La Découverte-Syros, Paris, 2001.
  • Jean-Louis planche, Sétif 1945 : histoire d’un massacre annoncé, éditions Perrin, Paris, 2006.

 

 Réponse de Jean-Pierre lledo, cinéaste algérien, à Hakim Arabdiou.

Cher Hakim,

 

Quand on est un simple journaliste et qu’on veut écrire sur un sujet historique, on consulte les historiens. Or tu ignores la principale, parce que la dernière, somme véritable de tout ce qui a été écrit sur le sujet, le travail de Roger Vétillard. Quand aux autres sources, tu les cites pour « la forme ».

Si tu avais vraiment lu Rey Golzeiguer, tu aurais dû dire que cette manifestation de Sétif, que tu présentes comme spontanée, était le résultat d’une longue préparation, de plusieurs mois, d’une insurrection qui devait créer un gouvernement provisoire dirigé par Messali , lequel aurait envoyé un reprsésentant à la Conférence de San Francisco (qui dure 3 mois d’Avril à Juin 45, pour créer l’ONU).

Toi qui sais combien il faut d’efforts pour organiser la moindre initiative, comment d’ailleurs peux tu imaginer un mouvement embrasant tout l’est de l’Algérie, mais touchant aussi d’autres régions du centre et de l’ouest, qui serait « spontané » ? !

Mostefai, un des dirigeants du PPA, toujours vivant, dit d’ailleurs qu’il y a eu ordre et contre ordre, ce qui veut dire préparation d’une insurrection.

Un intellectuel de gauche devrait être plus critique vis-à-vis de l’histoire officielle de l’Algérie où la recherche historique est mise sous contrôle d’Etat.

Tu ne dis pas naturellement non plus que les AML (mouvement organisateur, légal) furent noyautés par Messali qui changea l’orientation modérée de son président Ferhat Abbas.

Tu ne dis pas non plus la réprobation en des termes tres durs, de ce dernier, de l’initiative insurrectionnelle des messalistes du PPA (cf. son « testament politique » écrit en prison en 45).

 

Sétif. Selon la propagande nationaliste habituelle, les manifestants qui y défilerent n’avaient pas d’armes. Toi, tu en parles : « gourdins,   haches et   couteaux ». Progrès. Mais comment se fait il que des manifestants pacifiques viennent avec de tels engins ? La question ne t’effleure pas.

Comment se fait-il qu’empêchés de sortir le drapeau par des policiers, ils s’en prennent durant une bonne heure à des civils, tous des non-musulmans qu’ils trouvent dans les rues de Sétif, et qu’ils en tuent au facies, une trentaine, en laissant pour mort, avec mutilations, le triple ? Pourquoi ne dis tu pas que les premières victimes furent des Sétifiens favorables aux revendications AML, dont le Maire De Luca ami de F. Abbas, et le secrétaire du PCA (parti communiste algerien), Albert Denier, à qui on écrasa les mains et les bras (il était postier, et faisait partie de la fanfare, ca peut expliquer les parties visées, car lui comme De Luca était très connu)

 

Ce « scénario », insurrection dirigée en priorité contre les non musulmans au facies, visant donc Juifs et Européens, a été totalement repris 10 ans plus tard, toujours dans l’est, le 20 Aout 55, ce que tu as découvert dans mon dernier film : « Algérie, histoires à ne pas dire »

 

Et à Sétif, ce fut pareil. Et pas qu’à Sétif. Car Sétif, ne devait être que le déclencheur. Quand l’info se répand, elle rencontre partout des responsables qui transmettent immédiatement l’ordre du Djihad, à des paysans et montagnards préparés à cette éventualité depuis plusieurs mois.

 

Evidemment tu fais l’impasse sur les mots d’ordres : « Djihad fi sabil Illah » (Lutte contre les Infideles au nom d’Allah), « Nketlou NsaraYahoud » (Nous tuerons Chrétiens…Juifs)

Donc il est faux de faire croire comme tu le fais que la violence n’a été qu’une réaction à l’empêchement de déployer les drapeaux. (« jusqu’à ce que la police aie tué des manifestants »)

 

Le « des » et le « quelquefois » pour parler des morts, sont d’une grande légèreté quand on écrit sur l’Histoire !!!

 

Le premier mort, le porte drapeau Bouzid, qui l’a d’ailleurs tué ? Rien ne dit que ce soit les policiers francais. Les dirigeants de la manif avaient besoin d’un déclencheur, pour faire démarrer l’insurrection a Sétif puis a partir de Sétif, dans tout l’Est.

D’ailleurs je vois mal le commissaire bousculé, tombant, ramassé par 2 inspecteurs tirer sur la foule : ils auraient lynché et découpé en petits morceaux par les milliers de manifestants.

Et si l’on avait tiré sur les manifestants, c’aurait été une boucherie. Or rien de tel !

(Fait qui m’a été confirmé par un témoin vivant, un garcon de café à l’époque, Slimane, qui n’a vu que 2 morts musulmans sur le lieu de la manifestation apres sa dispersion.)

Les premiers morts, hormis Bouzid, sont des Européens dont la petite fille juive Nakache de 9 ans, une féroce colonialiste comme il se doit, dont personne ne parle jamais en Algérie !

 

La répression.

15 000 et 18 000 morts.

Le minimum c’est de dire d’où tu sors ce chiffre, compte tenu que ca va d’un millier (bilan officiel francais) à 45 000 (propagande nationaliste), et que les chercheurs sérieux évaluent entre 7000 à 9000.

Encadrée par des officiers français, la répression fut de fait pratiquée par des régiments de sénagalais, de tabors marocains, et aussi de tirailleurs algériens. Tu aurais pu aussi le dire. Même si naturellement, ils ont agi ds le cadre de l’armee francaise.

 

Cette répression, fut réelle et également au facies, contre « les Arabes ».

Les meneurs se refugièrent dans les montagnes avec leurs familles, et ce furent les innocents qui payèrent.

Mais ne faut-il pas aussi demander des comptes aux meneurs ?

Qui furent quasiment les mêmes , ds le cadre du FLN, lors de l’opération du 20 Aout 55 ?

Car en 45 comme en 55, la stratégie nationaliste est la même : tuer au facies pour susciter une répression disproportionnée également au facies, et ainsi entrainer vers la « révolution » des dizaines de milliers de gens qui auraient eu donc des morts ds la répression.

Faire des militants par le sang, et non la conviction, a toujours été une spécialité nationaliste, du PPA au FLN.

Amar Ouzegane dirigeant communiste de cette époque, parla de « complot fasciste ».

Si par complot on entend quelque chose de préparé, ce fut incontestablement une insurrection préparée durant plusieurs mois.

Quant à l’épithète « fasciste », je l’attribue régulièrement à toutes les stratégies qui manipulent « les masses » et les vouent à la tuerie.

Pousser vers la mort certaine, et le carnage des milliers de gens innocents, en préservant les meneurs, est ce une startégie révolutionnaire ou fasciste ?

Je te laisse répondre, toi qui te classes parmi les « révolutionnaires ».

 

 

J’ai vécu mon enfance dans un milieu de syndicalistes et de révolutionnaires, qui essayaient de modifier la conscience politique des gens, en payant de leurs personnes, sans envoyer à la boucherie les « masses », et j’ai le plus profond mépris pour cette stratégie des nationalistes.

Qui ressemblent totalement à celle des boucliers humains, utilisée aujourd’hui par les islamistes du Hamas à Gaza.

Les révolutionnaires de mon enfance ne jouaient pas avec la vie des gens.

 

 

« Bref, de la barbarie à l’état pur. »

Une telle appréciation, concernant la -action, je l’aurais acceptée si tu avais aussi qualifié pareillement l’action des nationalistes : car broyer les mains d’un homme (Denier), tuer une petite fille de 9 ans, couper les seins des femmes, violer, égorger, à l’arme blanche, avec ses propres mains, c’est quoi ça ??? !!!!!!!

 

« demande pardon pour ses crimes coloniaux, »

Tu devrais aussi demander, si tu es un humaniste, comme tu le prétends, que les nationalistes demandent pardon aux victimes tous au facies, tous des innocents, de 45 et de 55 et de 62 pour le massacre du 5 jullet a oran (le jour même de l’independance).

Je te rappelle que si 10 000 soldats francais ont été tués au combat (15 000 par accidents et autres), c’est 5000 civils européens soit la moitié qui ont été tués, ce qui montre qu’il y eut une stratégie, dont le but était clair : faire partir les non-musulmans d’Algérie, avant et au moment de l’independance, stratégie couronnée de succes, comme tu le sais.

Mohammed Harbi, qui les a bien connus, a reconnu durant un de mes débats, qu’il y avait des dirigeants nationalistes partisans du « nettoyage ethnique » selon ses mots (voir le site du film sur internet)…

 

Avoir fait partir 1 million de gens, 1/10ème de la population est aussi pour moi, un crime. Et ce n’est pas avec des papiers comme le tien, provenant de surcroit d’un humaniste, que les choses changeront.

« comme elle l’a fait pour les Juifs, qu’elle avait voulu exterminer en collaboration avec les nazis, et comme l’ont fait les Etats-Unis d’Amérique avec leurs ressortissants noirs, et l’Australie avec ses aborigènes… »

Comparer les morts de 45 ou avant ceux de la conquête, ou apres, ceux de la guerre, à la Shoah, ou aux autres exemples que tu donnes (encore que les esclaves Noirs des USA n’aient pas été castrés comme le furent ceux de la traite musulmane), est vraiment une escroquerie intellectuelle, bonne pour les Indigenes de la republique, mais pour toi ?????

 

Les nazis avaient-ils créé des lycées yiddish ou hébreux ? (En Algérie, il y eut des lycées dits « franco-musulmans » d’où sont sorties toutes les élites algériennes.)

Les nazis et les Australiens autorisèrent-ils des journaux, des partis, des meetings, pour les Juifs et les Aborigènes etc… ?

Les écrivains (Kateb, Mameri, Feraoun, etc…)… Les peintres (Racim, Khodja, Issiakhem, Khadda), etc.. etc… Les journalistes (pleins !!!), les hommes politiques, les dirigeants syndicalistes , qui sont nos amis,  sans parler de tous ces dirigeants nationalistes sont ils sortis de la cuisse de Jupiter ? Ou de la République francaise ?

Le nationalisme algérien, lui-même, ne s’est-il pas inventé dans la confrontation au colonialismen ,n’est –il pas né au cœur de la capitale impérialiste, en 1926 ? N’est ce pas le colonialisme qui va provoquer pour la premiere fois, une « conscience nationale » ?

Poser ces questions c’est y répondre.


JP Lledo


Jean Roy de nouveau:


LA RECONNAISSANCE DES CRIMES DE MAI 1945 DANS LE NORD CONSTANTINOIS

PREALABLE INDISPENSABLE

A

UNE RECONCILIATION FRANCO-ALGERIENNE

 

 

Conscient ou inconscient, le poids du passé est toujours là pour marquer le présent et contribuer à déterminer le futur. Ce qui est vrai pour les individus, l'est aussi  pour les communautés humaines, peuples ou nations. L'Histoire est ce qu'elle est, et  pas ce qu'on voudrait qu'elle fût.

 

De la même façon qu'il ne servirait à rien de nier la conquête et la colonisation de la Gaule par les Romains, il serait tout aussi illusoire, tant pour l'Algérie que pour la France, de nier plus d'un siècle d'histoire commune, y compris dans ses aspects les plus douloureux et les plus déplaisants. Vouloir mettre le passé entre parenthèses, comme s'il n'avait jamais été, est inutile et dangereux. Il continue de peser de tout son poids dans l'inconscient collectif des deux nations, avec toutes les dérives psychotiques irrationnelles qui peuvent découler des phénomènes de refoulement. Que cela nous plaise ou non, il y a eu, et il y a toujours, une interaction importante entre la France et l'Algérie, ce qui fait que le devenir français reste influencé par la composante algérienne de l'histoire de France, tout comme le devenir algérien l'est par la composante française de son histoire.

 

Les récents déchirements de notre histoire  commune ont apporté leur lot de souffrances et ressentiments. On ne saurait oublier ces souffrances, ni en faire taire la légitime expression, mais aujourd’hui les ressentiments du passé ne doivent pas occulter l’impérative nécessité de construire un avenir meilleur  entre les deux peuples et les deux nations.

 

“Tourner la page”.ce n’est pas vouloir l’amnésie et tenir pour négligeables les légitimes douleurs des victimes, ce serait ajouter l’insulte à la souffrance. On ne pourra “tourner la page”en faisant l’économie d’un travail de mémoire. A ne vouloir  se sou­venir que des effets, c'est-à-dire, des blessures, on prend le risque de voir ces souffrances exploitées par ceux là mêmes dont les idéologies portent la responsabilité dans la genèse des violences qui nous ont meurtris et déchirés.

 

Mais malgré tout ce sang, toutes ces larmes qui ont coulé entre nous, malgré cette mer que d'aucuns voudraient  élargir chaque jour un peu plus, ce qui continue, malgré eux, à nous unir, sans que nous en soyons toujours pleinement conscients, reste beaucoup plus important que ce qui a pu nous diviser, opposer et déchirer, y compris à  l'intérieur de nous-mêmes. Il faut arriver à trouver les gestes symboliques forts, qui permettront d’établir les liens d’une véritable amitié.

 

 

Le long cheminement que l’Histoire nous a imposé, fait que pour la France,  l'Algérie ne sera jamais être une nation étrangère tout à fait  comme les autres, et pour l'Algérie, le mot France, ne sera jamais complètement neutre. Après un destin commun, imposé par la force, et un déchirement réalisé dans la violence, malgré elles, chacune de ces deux nations continue à porter en elle un peu de la substance de l'autre. Vouloir le nier, vouloir l'oublier et le rejeter comme quelque chose de honteux, ce serait, pour l'une ou l'autre, renier une part de leur propre identité.

 

 

Cette histoire commune a commencé par la violence : le viol d’un peuple et de son territoire par l’armée d’une nation puissante, une politique d’une colonisation de peuplement, qui a fait des néo Algériens les maîtres du pays et des Musulmans des étrangers sur leur propre sol. La présence française  a été légitimée par le droit de conquête, de la même façon que ce droit de conquête avait légitimé, onze siècles plus tôt, la présence arabo-musulmane. Pendant des millénaires, c’est ainsi que l’histoire s’est faite, il serait aussi vain d’exiger que la France demande pardon pour sa politique coloniale et impérialiste, que d’avoir cette même exigence vis-à-vis d’autres conquérants. La France, qui s’est construite sur l’ancienne Gaule celtique a adopté une langue apportée par l’envahisseur romain et un nom, imposé par l’envahisseur germanique. Tout comme l’Algérie, elle n’est que le résultat des différentes strates des envahisseurs successifs qui ont contribué à modeler son identité présente.

 

Mais après la conquête, est arrivé un moment où les colonisés ont voulu réclamer des droits, au nom des principes mêmes qui étaient sensés symboliser la République française et qu’ils avaient appris sur les bancs de l’école française. Cette revendication était d’autant plus légitime, que par le sang versé de 1942 à 1945,  pour libérer la France et lui redonner son honneur, ils pouvaient espérer être écoutés et entendus. Cela n’a pas été le cas. Pour le chef du Gouvernement Provisoire de la République Française, il n’était pas question en 1945 d’abandonner un seul iota de la souveraineté française en Algérie ou dans le reste de l’Empire. C’est la raison pour laquelle, une provocation allait être organisée en mai 1945, sacrifiant délibérément plus d’une centaine d’Européens, pour  avoir le prétexte d’une brutale et sauvage répression qui fit des dizaines de milliers de victimes, afin d’éradiquer pour longtemps toute velléité de toucher à l’ordre colonial. Vouloir épiloguer sur le nombre de morts de chaque camp serait indécent. « Quiconque tue une vie… C’est comme s’il avait tué tout l’humanité et quiconque sauve une vie, c’est comme s’il sauvait toute l’humanité » (Coran V-32) proclame un texte vénéré en Algérie. Il n’y a pas eu de « bonnes »  et de « mauvaises victimes, toutes ces victimes méritent le respect, la compassion et des excuses officielles de la France. En voulant« crever l’abcès », c’est-à-dire, en croyant éradiquer le nationalisme algérien par la terreur, la sanglante répression de mai 1945 a été le véritable départ de la guerre de libération. Cette sanglante répression de mai 1945  a légitimé les atrocités de 1954 à 1962. Au nom des mêmes principes de responsabilité collective, invoqués pour justifier ces massacres, la guerre de libération s’est faite contre les Algériens non musulmans, considérés comme collectivement responsables du pouvoir colonial et de ses crimes.

 

Le Président Chirac a eu l’honneur de reconnaître la responsabilité de l’Etat français dans la déportation des Juifs de France au cours de la seconde guerre mondiale. Il serait tout aussi honorable que l’actuel Président de la République Française puisse, au nom de la France, reconnaître les erreurs d’appréciation du Chef du GPRF et de ses conseillers en 1945. En reproduisant en plein 20ième siècle des schémas du 19ième, les autorités de l’époque ont cautionné un crime dont tous les Algériens, musulmans et non musulmans ont été les victimes. Cette reconnaissance de faits historiques ne saurait altérer l’image de l’ancien Chef du GPRF., dans son rôle de restaurateur de la République française. Bien au contraire elle ne ferait que rétablir l’honneur de la République française, dont les idéaux ont été salis par ceux là mêmes qui devaient les servir. La République française sortirait grandie par cette reconnaissance, à condition de le faire avec panache et respect, sans un hypocrite sentiment de culpabilité des Français du 21ième siècle, qui ne peuvent être tenus pour responsables des crimes de leurs grands parents. Elle le doit le faire, non seulement pour marquer son respect à l’égard de toutes les victimes de ces jours tragiques, mais tout simplement au nom des idéaux de la République, qui ont été trahis en 1945. En demandant pardon à l’Algérie pour ces crimes, c’est aussi à elle-même que la France demanderait pardon pour l’ignominie commise en son nom. Il ne s’agit pas d’un problème de compensations financières, mais d’un problème d’honneur. Cette Révolution de 1954, qui est la suite logique des massacres de 1945, elle a été bien souvent « une haine qui ressemblait à de l’amour », car pour une part non négligeable, elle s’est faite au nom des idéaux de la République française. Mai 1945 a provoqué un réflexe identitaire autour des valeurs arabo musulmanes, ce qui a exclu de fait, tout ce qui n’était pas musulman et a débouché sur l’actuel Code de la nationalité. En réalité, cette Algérie mutilée d’une part d’elle-même en 1962, elle a été le dernier cadeau  du colonialisme, qui après avoir voulu tout régenter, aurait voulu, par le chaos qui s’instaurait, faire regretter le « bon vieux temps ». Après avoir été sa fierté, l’Algérie était devenue pour la France une « branche pourrie », dont il fallait se libérer au plus vite. En présentant des excuses pour ses crimes de mai 1945, la France en sortirait grandie. C'est là, la meilleure façon pour que le poids de cette part du passé ne continue pas à occulter tout le bien et l'amour que de nombreux Français ont pu apporter à l'Algérie, où si la France a pu être la main qui tue, brûle pille et détruit, elle a été également la main qui soigne et construit.

 

Cette dénonciation ne pourra se faire que si elle est comprise et souhaitée par la communauté des Algériens dite « pieds-noirs », qui pour une part importante continue d’être manipulée par ceux là mêmes qui ont fait son malheur et pour qui l’exploitation de véritables souffrances constitue le fonds de commerce. Cette prise de conscience des « évènements » de Sétif, Kherrata, Guelma, comme  facteur premier de la guerre et l’exode, est indispensable pour qu’un Gouvernement français trouve l’audace et le courage d’un véritable « mea culpa ».  Ce travail d’explication reste une tâche difficile, car il n’y a pas de meilleur sourd que celui qui ne veut pas entendre.  Mais avec le temps qui passe, les éléments les plus virulents ont perdu de leur virulence et de leur superbe. Si tout avait été parfait, si « l’Algérie de papa » avait été un paradis pour tous ses enfants, il n’y aurait jamais eu l’explosion de 1954.

 

Il y va de l’honneur de la France mais il y va aussi de son intérêt. Si elle le veut vraiment, la France peut avoir en Algérie la première place. Non seulement sur le terrain économique, mais dans le cœur des hommes. Communauté « intermédiaire », entre la France et l’Algérie, les « Pieds-Noirs » peuvent et doivent jouer un rôle dans une véritable réconciliation franco algérienne. Dans un tel contexte et seulement dans un tel contexte, la modification de l’actuel Code de la nationalité algérienne sera possible. Mais tant que pèsera le lourd contentieux des crimes de 1945, rien ne pourra se faire. Qu’après près de cinquante ans d’exil, qu’il y ait encore des individus qui se réclament comme Algériens, c’est  là le plus bel hommage rendu à la Révolution algérienne, car la révolte véritable libère à la fois l’opprimé et l’oppresseur. En acceptant comme faisant partie de son identité, cette partie d’elle-même qu’elle a rejeté en 1962, l’Algérie affirmerait le caractère universaliste de sa Révolution. Finalement, elle ne ferait que s’accepter telle qu’elle est aujourd’hui, au 21ième siècle : une nation jeune et moderne, attachée à ses valeurs arabo musulmanes mais ne renonçant pas à cette part d’elle-même qui lui vient de la France. Je peux affirmer, sans le moindre risque d’erreur, que l’Algérie attend infiniment plus de la France que de la Chine pour son propre développement économique et culturel. Il suffit de se souvenir de l’accueil du Président Chirac, prenant un  bain de foule à Bab-el-Oued en 2003 ! Il suffit de se souvenir de cette foison de drapeaux français, lors de cette visite. Et c’est avec honneur et respect que l’actuel Président de la République française a été reçu en Algérie. La France et l’Algérie ont tout à gagner dans un véritable rapprochement fraternel et la communauté dite « pieds-noirs », doit pleinement jouer son rôle dans cette perspective.

 

La réalité de ce système colonial, c’est qu’il voulait diviser pour régner. Cette politique d’une « Algérie en miettes » était également appliquée chez les non Musulmans. Il y avait en premier lieu une constante anti juive très virulente, il y avait également le mépris des « vrais Français » pour les « rastacouères », c’est-à-dire les néo Français. Il a fallu enfin attiser le « danger arabe », pour que cette communauté  se soude et bascule dans l’ultra nationalisme français. Ces « Pieds-Noirs » qui étaient d’abord les enfants de l’Algérie étaient loin d’être, pour la majorité d’entre eux des super privilégiés, leur revenu moyen en 1954 était de 20 % inférieur à  celui  des Français de Métropole. En réalité, ils n'étaient que les rouages d'un système qui bloquait le développement culturel, politique et économique de l'Algérie, le leur compris, et qui bafouaient les principes de la République Française, inscrits sur les frontons de nos mairies d'Algérie: "Liberté, Égalité, Fraternité".

 

La peur des "Arabes",  sciemment entretenue par leur maintien dans la misère et l'ignorance,  les faisait s'accrocher, de façon névrotique à une France mythique, au point de se vouloir « plus français que les français.  En réalité, le système colonial,  loin de les protéger, en exacerbant les tensions, ne pouvait que rendre plus cruelle et désespérée, la révolte d'hommes ne supportant plus l'injustice qui les broyait et leur déniait toute dignité. Sans cette peur viscérale des “Arabes”, les Algériens d’origine européenne auraient très certainement choisi la voie de l’indépendance afin d’être maîtres de leur propre destin sur leur terre. Le vieux slogan du 19ième siècle « Algeria fara de se » était oublié car la réalité démographique leur laissait penser que l’Algérie ne pouvait se faire que contre eux. Ils auraient pu accepter la main tendue par les nationalistes algériens musulmans des années ’40 car les ponts n’étaient pas encore coupés entre les deux communautés algérienne. Cette provocation de mai 1945, en favorisant l’explosion de violence et de sauvagerie des montagnards du nord-constantinois, non encadrés par les militants du PPA ou des AML, (arrêtés ou déportés) a permis une cristallisation de tout ce qui n’était pas musulman, dans une peur de l’Arabe et dans un ultra nationalisme français. Tout ce que voulaient les cadres du PPA et des AML, c’était des manifestations pacifiques, dans toute l’Algérie, pour réclamer la fin de l’ère coloniale.  En tombant dans ce piège, même  pas dénoncé par le PCA, complètement repris en mains par le PCF, sur des positions colonialistes, la communauté non musulmane allait tomber dans le traquenard de l’Algérie française. En fait, l’Algérie française était une planche pourrie qui allait la conduire au désastre.

 

 

En réalité, la seule façon de sauver l’Algérie française, aurait été de la défendre, non en termes de souveraineté mais en termes de concept culturel au sein d’une Algérie indépendante rassemblant l’ensemble de ses enfants. Dans une Algérie indépendant et unifiée, il avait tout à fait la place pour des Algériens se réclamant de la francité. Mais la radicalisation, poussant chaque camp vers ses extrêmes, et les « feux du désespoir de l’OAS », allaient conduire tout un peuple vers un  suicide collectif. Quant à la France, en 1962, son unique seul souci était de si libérer de l’Algérie, à tout prix, fusse à celui du déshonneur et d’éviter que « Colombey les deux Eglises » puisse devenir un jour « Colombey les deux mosquées ».

 

C’est dans le chaos le plus complet que ce retrait se réalisa, abandonnant l’Algérie à son destin, dans une situation désastreuse. On ne peut que rendre hommage aux Algériens qui sont restés et qui ont participé à la reconstruction  de ce pays. Malgré les insuffisances, malgré une guerre civile qui l’a ravagée pendant plus de dix ans, l’Algérie a su rester debout et assume parfaitement toutes les racines de son identité, y compris de cette part d’elle-même qui lui vient de la France. Quand un exilé de 1962 retourne au pays, il ne peut s’empêcher d’avoir une fierté en regardant cette Algérie qu’il a aimé et qu’il aime toujours et il ne peut s’empêcher de s’y sentir chez lui, parmi les siens.

 

Alors, si Paris valait bien une messe pour Henri IV, l’Algérie mérite beaucoup mieux : des excuses officielles de la France, pour tous les crimes commis en son nom en Algérie, et en particulier pour les massacres de mai 1945. Quand ce geste symbolique aura été accompli, ce sera pour tous les citoyens algériens un véritable honneur d’accueillir au sein de leur citoyenneté, ceux qui on en été chassés en 1962 et qui ont su garder intact leur amour à leur terre natale.

 

 

 

Jean ROY

JONZAC, mai 2009

 

 

 

Réponse de Roger Vétillard, auteur de "Sétif Mai 1945 : Massacres en Algérie", éditions de Paris 2008, 599 pages,  à Respublica.


Roger VETILLARD

Monsieur le directeur de ReSPUBLICA

                                                                                                                  Toulouse le 20 juin 2009

 

Monsieur le directeur,

 

Dans le n° 617 de ReSPUBLICA ( 15/06/2009) Monsieur Hakim Arabdiou évoque le 8 mai

1945 en Algérie et demande à la France de faire repentance.

Ces lignes inspirent à l'historien de cette période algérienne1 que je suis quelques

remarques. Sur le plan historique, il y a des erreurs et quelques non-dits : loin de moi l'idée

de reprendre ces particularités une à une, mais je me permets d'attirer l'attention de leur

auteur2, et si vous le jugez utile de vos lecteurs, sur celles qui me paraissent les plus

signifiantes.

Ainsi, dire que la manifestation de Sétif en ce 8 mai s'effectuait dans le calme est un

euphémisme quand on sait (je possède des témoignages concordants dont un venu d'Algérie

que je vais rendre publiques dans la prochaine édition de mon livre) que le premier mort de

ce jour fut un européen et que les manifestants étaient armés comme le démontrent

plusieurs faits et quelques témoignages. Il suffit également de se reporter aux écrits de

Mohamed Harbi et de Renouad Ainad-Tabet qui ne sont pas suspects de connivence avec la

puissance coloniale pour en être convaincus.

Il est bien énoncé dans cet article que la répression a fait suite à l'assassinat de plusieurs

dizaines d'Européens, mais il aurait été utile de préciser que cette répression ne s'est

effectuée que là où il y a eu massacres parfois atroces d'européens. Je livre dans mon livre

plusieurs rapports qui font état de massacres odieux de victimes innocentes auxquelles on

ne pouvait rien reprocher. Ainsi par exemple Monsieur Edouard Deluca, maire de Sétif,

 

1 J'ai publié un livre édité en février 2008 intitulé : Sétif, Mai 1945 : Massacres en Algérie – Editions

de Paris 2008 - 599 p- ISBN 978-2-85162-213-6

 

2

proche de Fehrat Abbas, Monsieur Vaillant président du Tribunal Correctionnel d'Alger qui

accorda un non-lieu à Tayeb El Okbi, ouléma accusé (à juste raison on le sait aujourd'hui)

d'être le commanditaire de l'assassinat de l'imam francophile Kahoûl Bnedali ou encore

Albert Denier responsable communiste favorable aux thèses indépendantistes. Il s'agissait

bien d'une chasse au faciès et non d'un combat politique.

Il faut certes dénoncer la répression qui a suivi et qui a été dure ; elle a touché beaucoup

d'innocents. Elle a été disproportionnée et a fait – non pas 15000 à 18000 morts – mais 4000

à 10000 victimes. C'est déjà énorme et à mon avis il n'est nullement besoin d'en rajouter

d'autant plus qu'il est impossible d'en connaître avec précision l'étendue. Mais le contexte

historique et politique explique en partie les excès de cette sanction. Et les évaluations

historiques les plus sérieuses (Robert Aron, Charles-André Julien, Charles-Robert Ageron,

Gilbert Meynier, Guy Pervillé) rejoignent l'avis des personnes qui ont vécu en Algérie cette

période et que j'ai pu me procurer avant et après la publication de mon livre. A ce propos je

n'accorde que très peu de crédit aux écrits de Jean-Louis Planche – auquel il est fait

référence dans cet article- où les erreurs de dates et de lieux, les évaluations fantaisistes et

les analyses sommaires peu sérieuses foisonnent. Je peux si vous le souhaitez vous les

communiquer car elles ne sont pas toutes dans mon livre.

Je voudrai encore faire une remarque : Akim Arabdiou souligne la présence de "fours à

chaux". Il aurait été plus pertinent de n'employer que le singulier car une telle présence n'est

à ma connaissance évoquée qu'à Guelma et ici il n'est cité qu'un seul four qui aurait servi à

incinérer des cadavres. J'en parle longuement dans mon livre. Mais depuis cette publication,

j'ai obtenu le témoignage de plusieurs Guelmois qui connaissent bien ce four : ainsi Jean-

Marc Lavie qui enfant a bien connu ce lieu m'a assuré qu'il était bien étroit pour accepter le

corps d'un adulte et j'ai pu lire le courriel de Yasmina Adi (auteure d'un documentaire sur

L'autre 8 mai 1945) dans lequel elle confie par écrit à un de mes témoins que quand à

Guelma on lui a désigné le four en question elle lui a répondu "Mais ce que vous me montrez

c'est la cartoucherie!".

Et quand Monsieur Akim Arabdiou, réclame que la France demande pardon pour les crimes

coloniaux qu'elle a perpétrés et spécialement pour ce qui s'est passé en Mai 1945 dans l'Est

algérien, je lui ferai remarquer que les premiers massacres de ce jour là sont le fait des

indépendantistes et qu'ils ne sont pas très glorieux. Car il faut le dire et je crois l'avoir

démontré avec la quasi-totalité des historiens français et algériens (JL Planche excepté) qu'il

y a bien eu une tentative d'insurrection ces jours là, qu'elle était programmée et qu'elle a

échoué faute d'une préparation satisfaisante et à cause d'un malentendu. C'est aussi

l'analyse qu'a faite Hocine Aït Ahmed au Congrès de la Soummam le 20 août 19563. Si la

France doit demander pardon pour tous les crimes qui ont été faits en son nom, il faudrait

aussi que l'Algérie le fasse également pour tous les crimes qu'elle a commis ou que ses

 

3 Mohamed Harbi : Les archives de la Révolution Algérienne – pp 22/23 – Jeune Afrique éd. - Paris

1981

 

3

dirigeants d'alors ont commandés pendant la période coloniale (mai 1945 et août 1955 par

exemple). Je rappelle simplement les avis de Reda Malek4 (ex ministre algérien – négociateur

à Evian) et d'Abdesselam Belaïd5 ancien premier ministre qui très sagement ont pu dire

respectivement que “L’Algérie a combattu et vaincu la France. Pourquoi, alors, demander à

celle-ci de présenter des excuses au peuple algérien?" et qu'il n'était pas envisageable

d'exiger de la France une telle repentance.

Faut-il rappeler que cette revendication de repentance n'a été formulée pour la première

fois qu'à la fin des années quatre-vingt par la Fondation du 8 mai, présidée par un haut

dignitaire du régime monsieur Bachir Boumaza, ancien ministre et alors président du Conseil

de la Nation? Cela n'est pas anodin car cette exigence apparaît à un moment difficile pour le

régime algérien. Par cette initiative il est rappelé aux Kabyles qui parlaient d'autonomie ou

de séparatisme qu'ils avaient participé aux combats pour l'indépendance de l'Algérie, aux

islamistes du FIS que les responsables du FLN au pouvoir avaient avant eux mené un Djihad

en 1945 et aux francophiles favorables à un rapprochement politico-économique avec

l'ancienne puissance coloniale désignés sous le nom de Parti de la France (Hibz al França)

que la France avait perpétré de terribles massacres lors de la période coloniale. Rappelons

que c'est le moment où la nouvelle constitution du 23 février 1989 était adoptée et que le

FIS était en passe de remporter les élections législatives. Si bien que qu'il y a beaucoup de

bonnes raisons pour que le pouvoir algérien ait fait de cette exigence une manoeuvre de

politique intérieure qui n'a que très peu à voir avec l'histoire réelle. Reprendre les assertions

de l'histoire officielle dont on connaît le poids dans ce pays mérite tout de même réflexion.

Libre à ceux qui professent en France cette attitude de participer à la défense du pouvoir

algérien et à la constitution de cette histoire contrôlée. Je doute que nous soyons de ceux

qui souhaitent aider le pouvoir algérien à se maintenir.

Je vous prie de croire, Monsieur le Directeur, à l'assurance de ma plus haute considération

en espérant que vos lecteurs auront connaissance de mes remarques.

 

Roger VETILLARD

 

4 El Watan cité par Courrier International n°589 du 15 décembre 2005

5 El Khabar Hebdo : 8 mai 2005


 

Bonjour Eric,

J'ai relu mon texte sur mai 1945. Il y a eu une provocation, c'est certain. Les services de police savaient qu'il y allait y avoir des morts européens, elles connaissaient la date et les lieux. Pour vider l'abcès, elles ont délibérément sacrifié plus d'une centaine d'Européens, suppliciés de façon atroce -j'ai vu les photos rapportées par mon père. Mais dans l'esprit des autorités françaises cela était nécessaire pour justifier une répression sanglante, qui a fait très certainement environ 10 000 victimes chez les Musulmans. On ne connaitra jamais le chiffre exact, mais toutes ces victimes sont le résultat d'une politique française qui refusait toute évolution de l'Algérie. De Gaulle (soutenu par les communistes de son gouvernement) ne voulait rien lâcher. Cela s'inscrivait dans une logique du 19ième siècle, qui avait fait ses preuves, en son temps, mais ne correspondait plus aux réalités du moment.
En 1954, les mêmes autorités policières n'ont pas été surpris par le 1er novembre, on s'attendait à une telle explosion, au moins depuis 1953. Par contre, contrairement à 1945, et en souvenir des excès qui avaient été commis et qu'on ne pouvait pas oublier, la réaction fut très lente. Chaque attentat -qui visait à l'époque beaucoup plus les Musulmans que les Européens- devait faire l'objet d'une enquête judiciaire formelle. Ce qui faisait perdre du temps, laisser le champ libre aux tueurs du FLN pour terroriser ceux qui ne se soumettaient pas (nez coupés pour ceux qui fumaient, égorgements). Dans une telle situation, la France perdait la face et le terrorisme continuait.
Jusqu'à ce qu'on bascule dans la politique de la répression collective, mise en oeuvre par le général Cherrière (si mes souvenirs sont exacts). Politique de répression, qui ne pouvait qu'apporter de l'eau au moulin du FLN.
En août 1955, Zighoud Youssef, appliqua la même techique qu'en 1945, dans la région au sud de Phillipeville, poussant devant lui des hordes de montagnards au nom du djihad, pour aller massacrer juifs et européens, jusque dans les faubourgs de la ville. Quand un parachutiste français, qui refusait de porter les armes et qui était affecté aux cuisines, découvrit les horreurs du massacre d'El Alia, il réclama immédiatement: "qu'on m'apporte une mitraillette". Cette volonté délibérée du FLN de recourir au terrorisme aveugle, n'avait qu'un seul objectif: provoquer une répression, qui allait lui apporter de nouvelles recrues.

Je dois essayer d'expliquer ce qui s'est passé en mai 1945, je voudrais qu'on se souvienne avec respect de TOUTES les victimes, et non pas des seules victimes arabes.

Nous devons pleurer tous ces morts et penser à ces jours tragiques qui conduisirent à 1962. Mais nous n'avons pas à nous substituer à la France pour qu'elle demande pardon. Cela ne doit pas être notre problème.

Ce que je voudrais promouvoir et qui reste dans l'idée du Mouvement AL-DZ, c'est un dialogue entre tous les enfants de l'Algérie, afin de comprende ce qui nous est arrivé. Cela ne permettra pas de refaire l'histoire mais cela permettra de comprendre.

Les mythes fondateurs de l'Algérie révolutionnaire s'effritent chaque jour un peu plus. Des pseudo anciens combattants, des généraux, qui pour beaucoup étaient officiers français...jusqu'en 1961, ont pris le contrôle de ce pays. Avec très souvent un passeport français en réserve et des fonds bien en sécurité à l'étranger.
En 1972, les Algériens croyaient encore à ces glorieux martyrs qui leur avait apporté la liberté. En 2009, rares sont ceux qui ont encore un véritable idéal.

Les mythes sont un méta langage. Ils sont un masque qui cache la vérité. La vérité est peut être Une, mais chacun la voit avec son propre prisme. En conséquence, ce que je peux dire n'est pas la vérité mais mon propre éclairage. Laissons pour l'instant la France de côté, et essayons de nous retrouver PACIFIQUEMENT entre Algériens. Je continue à croire qu'on ne peut pas savoir où on va si on ne sait pas d'où on vien.

Un  petit peu de patience. Ce texte te sera envoyé le plus vite possible.

Avec mes cordiales salutations.


Jean


Suite à la parution du livre de Jean-Pierre PEYROULOU "Guelma 1945, une subversion française dans l'Algérie coloniale" ed. La Découverte 2009, l'analyse de Roger Vétillard (historien)ayant également écrit sur ce douloureux sujet un ouvrage de référence:


 

" GUELMA, 1945 – une subversion française dans l'Algérie coloniale"

       Préface de Marc Olivier Baruch – La découverte édit. – Paris 2009 – 404 pages –                         ISBN 978-2-7071-5464-4" de Jean-Pierre Peyroulou.

 

            Jean-Pierre Peyroulou est professeur agrégé d'histoire, docteur en histoire, enseignant-chercheur  à l'EHESS. Il vient de publier le texte de sa thèse soutenue en septembre 2008 où il  s'intéresse aux événements de  Guelma survenus en mai et juin 1945.

C'est un travail original, important et passionnant qui mérite une lecture approfondie. Pour qui comme moi a étudié cette période de l'Est Algérien[1], je note des points de convergence avec mon travail :

-       Il a bien existé un soulèvement indépendantiste dans la région de Sétif, à la suite des graves incidents qui se sont produits dans cette ville le 8 mai 1945 à 9 heures du matin.

-       Ce qui s'est passé le même jour à Guelma est de nature différente dans la mesure où à 15 heures les autorités civiles et militaires de cette ville étaient informées des événements qui ont débuté 6 heures plus tôt 200 km à l'Ouest. Je confirme que le préfet Lestrade-Carbonnel a téléphoné en début d'après-midi du 8 mai à Achiary sous-préfet de Guelma mais c'est vers 13 heures selon mon témoin. Il lui intima l'ordre d'éviter tout désordre et d'agir éventuellement par la force après les sommations réglementaires. Il est acté comme le dit J.P Peyroulou qu'un télégramme a confirmé vers 15 h ces paroles, heure à laquelle le sous-préfet était au monument aux morts.

-       Il n'y a pas eu de victimes européennes à Guelma-ville et l'action menée sous la conduite du sous-préfet André Achiary fut surtout préventive.

-       L'auteur paraît confirmer l'hypothèse que j'ai avancée selon laquelle l'assassinat de Mohamed Reggui n'était pas sans rapport avec sa décision de mener une liste AML aux élections municipales prévues quelques semaines plus tard.

-       Peyroulou est lui aussi très prudent dans l'évocation d'un éventuel bilan de la répression et très critique vis a vis des documents anglo-américains cités par Francine Dessaigne et mentionnés dans son documentaire filmé par Yasmina Adi[2]. Ces documents démontrent très clairement que les estimations du nombre des victimes ont rapidement progressé de façon exponentielle. Certains de ces chiffres sont fantaisistes comme ceux de Taher, région natale de Fehrat Abbas, où il est annoncé 8000 morts alors que même de nos jours dans cette petite commune de la région de Djidjelli (Jijel) personne n'en parle.

-       Les causes du suicide du colonel Halpert le 15 février 1946 bénéficient d'éléments nouveaux qui ne contredisent pas celles déjà analysées ; elles peuvent suggérer que l'amnistie annoncée par le ministre qui interrompait l'action judiciaire a pu déstabiliser le procureur.

-       L'auteur rappelle que Donat Maubert, maire de Guelma, a tenté de dissuader André Achiary de créer une milice et s'est opposé à lui. La menace de lui opposer un rapport défavorable du commissaire Tocquard pour avoir dirigé un conseil municipal de droite pendant la période vichyste en cette période d'épuration l'a dissuadé de maintenir son opposition.

-       Par ailleurs, ce qui s'est passé à Guelma à cette époque est sous la responsabilité de la France Combattante, c'est à dire de la gauche anti-vichyste qui unissait radicaux, socialistes et communistes.

-       Peyroulou comme tous les auteurs qui ont étudié cette période rappelle que le parti communiste après avoir dénoncé le "complot fasciste des pseudo-nationalistes algériens" a affirmé quelques jours plus tard qu'il s'agissait d'une "répression fasciste accablant les nationalistes".

-       L'auteur confirme mes informations selon lesquelles à Guelma  et dans les villages alentours (Millésimo, Petit, Kellermann, Lapaine, Galliéni, …) la population musulmane adhérait en bloc aux sections des AML dominées par le PPA (p85).

-       La colonisation de peuplement européenne en Algérie a échoué dès la fin de la première guerre mondiale et les Français surtout dans l'Est se sont, dès cette époque, repliés en zones urbaines. Cette opposition parfaitement analysée entre espaces urbains et ruraux notamment par Mohamed Harbi me paraît également importante à souligner.

-       L'auteur rappelle avec raison qu'au même moment en métropole, dans le cadre de l'épuration, des tribunaux populaires ou des cours martiales ont fonctionné en toute illégalité et ont prononcé des condamnations à mort sans possibilité de recours avec exécution immédiate des sentences. Tout désaveu officiel de ce qui s'est passé à Guelma n'aurait pas manqué de faire jurisprudence dans certaines de ces affaires.

-       Enfin Peyroulou me rejoint pour contester l'action de la Fondation de 8 mai qui utilise à des fins politiques la mémoire algérienne.

 

§ Certains points sont nouveaux et doivent être soulignés.

L'auteur a eu accès à des archives que je n'ai pu consulter en totalité et il livre grâce à elles une analyse très importante. Ainsi les archives des tribunaux militaires de Constantine et de Sétif lui permettent de mieux comprendre le sort réservé au sous-préfet Achiary et au président de la France Combattante de Guelma Henri Garrivet. Une information judiciaire a été lancée contre ces 2 responsables et les membres de la milice de Guelma. Le sous-préfet a été mis en congé de ses fonctions durant tout ce temps. Cette action de la justice a été interrompue au moment de l'amnistie.

 

§ Mais sur plusieurs points je dois dire mon désaccord (qui n'est pas fondamental sur plusieurs points)  avec Jean-Pierre Peyroulou :

-       Signalons une erreur manifeste p 80 : les chiffres de la population européenne et musulmane en 1936 dans le département de Constantine sont inversés : il y avait 213000 européens et 2500000 musulmans. Et à la page 251, il est dit que "8000 guelmois, soit la moitié de la population européenne, se rassemblèrent pour soutenir le sous-préfet" : cela me laisse interrogatif (il y avait 4000 européens à Guelma et moins de 11000 dans l'arrondissement en 1945 sans compter tous les absents car mobilisés soit près de 600 personnes, ce qui permet de comprendre pourquoi la milice était composée de très jeunes hommes et de personnes plus âgées comme le montrent toutes les photos ).

-       Plusieurs erreurs fréquemment rencontrées concernant Sétif sont reprises: la manifestation n'était pas interdite; l'adjoint au maire El Hadj Mostefaï n'a pas été convoqué le matin du 8 mai à la sous-préfecture. La rencontre entre les promoteurs de la manifestation et le sous-préfet a eu lieu la veille à 16 heures à la sous-préfecture. Et donc la police n'avait pas à s'opposer à cette manifestation (p109). Ferhat Abbas des AML  et El Hadj Mostefaï du PPA n'étaient pas en bons termes. Dire qu'ils étaient amis est une erreur.

-       Le colonel Vaucquaire était absent de Guelma le 8 mai. Son adjoint le commandant Fossard n'a pas voulu prendre de responsabilités ; c'est pourquoi l'armée s'est tenue à l'écart de toute intervention. Le commandant refusa de prendre le commandement de la milice. Je tiens cette information de la famille du commandant Fossard.

-       La responsabilité du préfet Lestrade-Carbonnel est basée sur des paroles rapportées qu'il aurait prononcées le 13 mai à Guelma. J'ai de bonnes raisons de penser que ces paroles sont apocryphes. Je m'appuie pour le dire sur le témoignage d'anciens membres de la milice de Guelma qui ont entendu le préfet ce 13 mai 1945 et qui n'ont gardé aucun souvenir de ces paroles qui si elles avaient été effectivement prononcées n'auraient probablement pas été oubliées. Faut-il rappeler que  le préfet a démissionné après avoir obtenu la promesse que ses subordonnés de Sétif et de Guelma ne soient pas intégrés dans la préfectorale comme l'attestent d'une part les archives familiales de ce responsable et un document du CAOM dont j'ai eu connaissance et que Yasmina Adi a dit avoir consulté. De plus Monsieur Lestrade-Carbonnel a été le 1er adjoint de Jacques Chevallier, maire libéral d'Alger de 1953 à 1958, secrétaire d'Etat à la guerre du gouvernement de Pierre Mendès-France, qui n'a jamais été gaulliste et la mémoire familiale et les proches amis du préfet n'ont pas conservé de cet homme le souvenir d'un adhérent au RPF, mais bien plus d'un antigaulliste déterminé dès la fin des années quarante, ce qui s'inscrit en faux contre la proximité politique d'Achiary et de Lestrade-Carbonnel. Je pense donc que cette parole attribuée au préfet a pu être une forme de défense des personnes incriminées comme me l'a laissé entendre un ancien membre de la milice.

-       Il me paraît de la même façon très improbable que Jacques Chevalier maire libéral d'Alger, qui fut pendant 1 an en 1954 un éphémère secrétaire d'Etat à la guerre ait pu intercéder en faveur d'Achiary qu'il n'estimait pas beaucoup et auquel l'opposait une vision de l'avenir de l'Algérie bien différente de celle de l'ex sous-préfet. De plus à cette date, plus de 8 ans après  l'amnistie toute action publique était éteinte.

-       Dire que Guelma en 1945 a été la préfiguration de l'OAS de 1961/62 me paraît audacieux et ne résiste pas à une analyse historique. Les différences sont importantes : Guelma a été essentiellement une affaire de civils, l'armée en a été tenue éloigné. L'OAS de par la volonté des généraux Challe et Salan a été créée en avril 1961 et ne fut jusqu'en juillet 1961 qu'une affaire militaire d'où l'on voulait éloigner les civils dont on craignait les partis-pris politiques. La plupart des militaires impliqués à l'origine n'étaient pas résidants ou originaires d'd'Algérie et n'appartenaient pas au système colonial.

De plus le contexte historique et surtout psychologique de la création et de la "pérennisation provisoire" de l'OAS est bien différent de celui qui a  présidé à la création de la milice à Guelma. Ce qui s'est passé en 1945 à Guelma n'a aucun support légal ou légitime alors qu'en 1961 la création de l'OAS était certes illégale mais elle avait, au moins aux yeux de certains, eu égard à ce qu'il s'était passé en 1958 et 1960, un aspect légitime. Pierre Sergent a pu dire à ce propos que la discipline de certains militaires avait été jusqu'à l'indiscipline[3]. Enfin, à juste titre Jean Pierre Peyroulou rappelle que l'Est algérien était très majoritairement musulman sur le plan démographique en 1945 (argument avancé pour rendre compte de la genèse de cette insurrection) alors que ce n'était pas le cas à Alger et à Oran en 1961 et 1962.

-       Les cas du Maroc et de la Tunisie ne doivent pas être comparés à celui de l'Algérie (cf p 37). Le Maroc n'était qu'un protectorat français depuis 1904, avec une histoire propre, une dynastie régnante, les français y étaient peu nombreux sans idée coloniale et l'indépendance était une perspective peut-être lointaine, mais clairement annoncée. C'est aussi le cas pour la Tunisie sous administration française depuis 1878. Les Français y étaient peu nombreux, moins nombreux que les Italiens et les Maltais, mais ce pays avait une légitimité historique et une indépendance non exclue. 

-       Détail non signalé dans cet ouvrage : des hameaux entiers ont été déplacés depuis la Kabylie dans la région de Guelma en 1871 à la suite de la révolte du bachaga Mokrani, notamment si mes renseignements sont exacts à Millesimo et Gallieni, là où justement les indépendantistes étaient les mieux implantés. 

-       Jean-Pierre Peyroulou ignore la tentative d'évasion de Messali Hadj de Reibell en Avril 1945. C'est pour cette raison que le leader du PPA fut envoyé à El Goléa puis à Brazzaville. L'évasion était programmée pour permettre près de Sétif (ferme Maïza),  la constitution d'un Gouvernement algérien provisoire qui devait représenter les indépendantistes algériens à la conférence de San Francisco : cet épisode est connu de nombreux historiens de Mohamed Harbi à Jacques Valette, de Guy Pervillé à Annie Rey-Golzeiguer et est confirmé par Aït Ahmed dans ses mémoires. Je l'ai signalé dans mon livre. Le projet de soulèvement initié par le PPA est une réalité mais l'organisation sommaire de ce parti, les difficultés de communication et les incidents sétifiens qui n'étaient pas programmés ont fait avorter l'insurrection. Mais dire qu'il n'y avait pas de soulèvement prévu n'est pas exact.

-       La relation des incidents qui se sont produits en tête du cortège de Sétif devant l'hôtel de France n'est pas conforme à la réalité. Le commissaire Valère n'a pas reçu un coup de matraque, il s'agit en fait de son collègue Olivieri. Le commissaire n'avait pas de mitraillette mais un simple révolver. La cérémonie officielle "européenne" était prévue à 15 heures au monument aux morts. Ce matin là, il n'y avait pas d'officiels européens au monument aux morts… Bouzid Saal n'était pas un scout : ce fait est reconnu par sa sœur et a été signalé par El Watan sans recevoir de démenti.

-       Le colonel Schmidt est arrivé à Guelma avant le 26 mai probablement le 23 ; son rapport daté du 30 mai 1945 en fait foi (SHAT 246 1H 2818). Il y signale qu'avec ses goumiers il a participé le 29 mai aux opérations dans les campagnes ce qui permet de s'inscrire en faux contre l'affirmation de la page 201 qui fixe au 13 mai  la fin des opérations militaires dans la région.

-       Il n'y a pas dans ce livre de témoignages des membres de la milice de Guelma. J'en possède 5 et ce que je retiens de ces documents tourne autour de plusieurs pôles : les miliciens n'ont pas conscience d'avoir agi dans l'illégalité, car disent-ils il y avait toujours avec nous un gendarme qui dirigeait le groupe, le sous-préfet dirigeait la manœuvre, les personnes qu'on arrêtait étaient très menaçantes et le fait que les premières victimes aient été des Maltais a entrainé la mise en œuvre d'une sorte de "vendetta" propre aux iliens de la Méditerranée. L'auteur semble en effet avoir privilégié les sources algériennes. Ainsi, autre exemple, il est allé à Guelma pour consulter les archives de la Dépêche de Constantine alors qu'elles sont disponibles à la BN à Paris où il travaille, ou encore il adopte le vocabulaire algérien actuel faisant de tout non-musulman un colon. Tout cela donne une impression d'unilatéralité qui nuit quelque peu à l'objectivité attendue.

-       La comparaison avec la bataille d'Alger de 1957 ne me paraît pas pertinente (p 201): l'auteur méconnaît la mise au point de Guy Pervillé parue en 2004 dans laquelle il explique pourquoi les affirmations de Paul Teitgen à ce sujet ne sont pas crédibles. De plus à la page 307, JP Peyroulou fait de l'attentat organisé rue de Thèbes par l'ORAF le 10 août 1956 à Alger le premier attentat dans la capitale auquel auraient répondu les attentats du FLN. C'est méconnaître que le FLN débuta ses attentats à Alger le lundi 12 décembre 1955  par l'explosion de 2 bombes dans 2 salles de cinéma blessant 21 personnes et les européens furent ciblés dès juin 1956 à la suite de l'exécution de plusieurs condamnés à mort.

-       L'analyse selon laquelle les insurgés des campagnes autour de Sétif réagirent davantage par solidarité musulmane avec les morts de la ville que sous l'emprise du nationalisme n'est pas en accord avec les documents et témoignages que j'ai  réunis sur ce sujet. Certes le côté religieux était présent et le rituel du Djihad mis en œuvre, mais cela n'explique pas ce qui s'est passé à Kerrata quand à la seule vue de traces d'impact sur un autobus les tribus de la région se sont mobilisées. Cela n'explique pas que des morts sont survenues à Ain Abessa avant que le taxi de Djiffari El Mabrouk ne vienne annoncer les événements de Sétif, cela n'explique pas qu'à Périgotville la population soit descendue dans les rues quelques minutes seulement après l'arrivée du taxi… Comme je l'ai dit dans mon livre, je pense que l'insurrection était prévue, que les sections politiques étaient en alerte et que les incidents du 8 mai à Sétif ont été à tort interprétés dans plusieurs centres comme le signal du déclenchement de la révolte.

 

Mes remarques sont nombreuses ; elles témoignent de tout l'intérêt que j'ai porté à la lecture de cet ouvrage et ne doivent pas être interprétées comme  le signe d'une critique de fond de ce gros travail qui est très sérieux, infiniment respectable, bien informé et qui a su utiliser les archives. La seule critique de fond que je peux faire est d'utiliser le vocabulaire politiquement conforme au vocabulaire algérien actuel. Ainsi avant 1962 en Algérie seuls ceux qui cultivaient les terres avaient droit au qualificatif de colon. Les fonctionnaires parfois mutés de métropole (c'est le cas d'Henri  Garrivet qui n'était à Guelma que depuis peu, nommé par le Ministère de l'Education Nationale), les responsables d'entreprises, les petits employés, les ouvriers se défendaient d'être des colons.  Les immigrés que furent espagnols, italiens ou maltais ne doivent pas être qualifiés de colons. Aurait-on l'idée de parler de colons pour tous les immigrés non européens qui sont arrivés en France depuis un demi-siècle? Je sais que c'est le vocabulaire qui a cours en Algérie actuellement mais ce n'est pas une raison suffisante pour l'utiliser.

Ces notations  ainsi formulées doivent être incluses dans un corpus d'échanges positif pour une meilleure compréhension de l'histoire de cette période. C'est ainsi que les éléments reçus après la publication de mon livre m'ont conduit à modifier mon texte sur de nombreux  points en vue d'une seconde édition.

 

 

                                                                                            Roger VETILLARD

                                                                                          15 Mars  2009



[1]  Roger VETILLARD " Sétif Mai 1945 –Massacres en Algérie aux Editions de Paris – Versailles 2008 – ISBN978-2-85162-213-6

[2] Yasmina Adi " L'autre 8 mai 1945" – Phares et Balises éd. Paris 2008

[3] Pierre Sergent : Je ne regrette rien – p 537 Fayard 1972





De Gilbert Meynier, historien, analyse comparée des livres de JP Peyroulou et de R Vétillard.


A propos de deux livres récentes : - Jean-Pierre Peyroulou, Guelma, 1945. Une subversion française dans l’Algérie coloniale, préface de Marc-Olivier Baruch, La Découverte, Paris, 2009, 405 p.                                       - Roger Vétillard, Sétif, mai 1945. Massacres en Algérie, préface de Guy Pervillé, Éditions de Paris, Paris, 2008, 589 p.

 

            Voici deux livres récents qui, chacun de leur côté, entendent remettre sur les rails de l’histoire les massacres de mai 1945 du Constantinois, à Guelma, Sétif et Kherrata notamment. L’un a pour auteur Roger Vétillard (R. V.), médecin français exerçant à Toulouse, mais passionné par l’histoire, né à Sétif en 1944 ; l’autre Jean-Pierre Peyroulou (J.-P. P.). Béarnais de 46 ans, professeur de lycée en région parisienne, il a soutenu en septembre 2007 une thèse d’histoire, dirigée par Marc-Olivier Baruch, directeur d’études à l’EHESS, d’où est issu son livre.

            Non que des livres d’histoire n’aient pas déjà été écrits, notamment la thèse équilibrée, préparée sous la direction du regretté Jean-Claude Allain, de Boucif Mekhaled, soutenue en 1989,  qui est à ce jour inédite, hormis un digest paru en 1995[1], ou l’ouvrage important d’Annie Rey-Goldzeiguer sur l’Algérie et la deuxième guerre moniale[2]. D’autres travaux avaient permis d’avancer sur le sentier de la recherche historique : outre ceux, généraux, de Charles-Robert Ageron[3], de Mahfoud Kaddache[4], de Jean-Charles Jauffret[5], ceux centrés sur mai 1945 comme le livre de Redouane Aïnad-Tabet[6], et plus récemment celui de Jean-Louis Planche[7], fondé sur des archives inédites, sur la presse, sur des sources orales.

            Mais ce sujet sensible avait aussi donné lieu à des manifestes mémoriels opposés symétriques. D’une part du côté des défenseurs de l’Algérie française, même si certaines publications avaient une valeur documentaire avérée comme l’ouvrage de Francine Dessaigne[8], d’autres étaient plus lourdement embourbés dans la confusion engagée entre ressentiments de mémoire et recherche historique comme celui de Maurice Villard[9] : disons nettement que ce n’est pas parce qu’ils ont, en effet, souffert, que l’on peut marteler des outrances émotionnelles au nom de la défense des Français d’Algérie. Les rancœurs se réveillèrent au moment où les historiens tentaient précisément de tourner la page, et où telles détresses du présent aiguisaient le souvenir de la défaite et de l’exil de 1962. De la part de qui que ce soit, le retour du refoulé ou son substitut paranoïaque ne peuvent en aucun cas être de bonnes boussoles pour l’historien.

            Du côté mémoriel algérien, fut créé en 1990 la Fondation du 8 mai 1945 par Bachir Boumaza, personnalité originaire de l’un des épicentres des massacres de 1945, Kherrata – il avait 18 ans au moment des faits –, et au passé résistant incontestable : il fut l’un des témoins, résistants algériens torturés, sur lesquels est fondé La Gangrène[10], qui fut, avec La Question de Henri Alleg, en son temps, un des témoignages les plus notoires sur la torture colonialiste. Il fut engagé dans la stratégie politique conçue par l’appareil de pouvoir algérien visant à éveiller la culpabilité et à susciter une repentance de la France. J’ai déjà exprimé publiquement, avec d’autres amis, qu’il me paraissait indispensable que la puissance publique française reconnaisse publiquement les responsabilités de l’État français dans les traumatismes multiformes générés par la colonisation de l’Algérie ; cela pour assainir le débat, mais en récusant tout propension à la « repentance », et même au terme moins religieusement connoté d’ « excuses » : il s’agit d’une responsabilité politique, et les Français, en particulier en ce début du XXème siècle, n’ont pas à se sentir coupables de massacres opérés dans le cadre de ce qui fut bien un système – le système colonial – , avec pour maître d’œuvre, notamment, le pouvoir d’État français et l’aiguillon du nationalisme français, structurellement, à mon sens, plus responsable que les agents in situ du système – les Européens d’Algérie.

            Mais, pour l’histoire officielle algérienne, pour l’appareil des rentiers de la Résistance – Bachir Boumaza fut promu en 1997 président du Conseil de la Nation, l’équivalent algérien du Sénat –, leurs clients et leurs comparses des deux rives de la Méditerranée, il fallait enfoncer le clou, en faisant monter au créneau les officiels et tels officieux sur le thème ressassé du génocide et de la comparaison avec le nazisme, promu en étalon obligé de toute violence. Ce n’est pas parce que, en effet, il y a une dimension traumatique essentielle dans la vision que les Algériens ont de leur identité ; que, dans leur histoire récente, ils ont en effet bien plus souffert que, par exemple les Tunisiens ou les Marocains, qu’on est en droit d’avaliser dans la culpabilité schématismes et confusions idéologiques. Remarquons que leur paroxysme fut atteint dans la phase douloureuse des années 90, où la propension fut marquée à projeter les responsabilités, refoulées mais bel et bien inhérentes à un système politique et idéologique sui generis, sur les tiers/ennemis historiques, et sur un passé qui évitait de se poser les questions du présent.

            Les deux livres, aussi bien de R. V. que de J.-P. P., sont d’une honnêteté foncière, y compris sur la question épineuse du bilan des victimes : scrupuleusement, l’un comme l’autre  tiennent pour vrai que, avec les documents existants, il n’est pas évaluable avec une précision scientifique. Dans les décomptes, nombre d’auteurs n’ont en effet pas pris la peine de faire la distinction entre « morts » et « victimes » – ce dernier terme étant souvent employé pour flouter à dessein une appréciation raisonnée. Il est temps de se départir des propensions à l’inflation victimisante, contrée par une déflation disculpante symétrique, chaque camp ne voyant le midi des chiffres qu’à sa porte mémorielle. Avec ces deux livres, il semble qu’on ait abjuré le registre émotionnel du manifeste en ressentiment.

            Sur les circonstances de mai 1945, une certitude acquise, même si elle doit encore faire l’objet de recherches historiques : il y eut bien une esquisse de soulèvement nationaliste algérien, chose sur laquelle J.-P. P. insiste peu et qu’il minimise, malgré ce qu’apprennent les sources, à commencer par  les Mémoires d’un combattant de Hocine Aït Ahmed[11] et les archives militaires françaises de Vincennes, et qu’entérinent plusieurs historiens fiables, comme Charles-Robert Ageron, Mohammed Harbi[12] ou Annie Rey-Goldzeiguer. R.V., lui, à l’inverse, y insiste avec application. Certes, on pourra trouver trop virulentes les remarques qu’il assène à J.-L. Planche pour contester tel fait ou telle interprétation : on sent parfois encore le sous-jacent à fleur de peau. Mais il est vrai, aussi, que le silence de ce dernier sur ces prodromes insurrectionnels peut irriter, de même que le bilan chiffré des victimes  – 20 000 à 30 000 morts – qu’il avance tout à trac, et qui est davantage étayé par des intuitions que par une minutieuse analyse argumentée.

            Dans les deux livres de R. V. et de J.-P. P., les faits sont examinés avec vigilance, la fiabilité des témoins soupesée, les responsabilités respectives examinées. Il arrive toutefois qu’ils ne concordent pas en tout et sur tout. Mais le seul fait de pouvoir en débattre est l’indice d’un mieux-être historien, et peut-être d’un mieux-être national et citoyen. Au demeurant, les divergences portent souvent sur des points de détail. Au surplus, la comparaison entre les livres ne peut occuper tout l’espace d’une recension car ils n’ont pas étudié les mêmes objets : R. V. a travaillé sur Sétif, il apporte une foule de renseignements et de démonstrations étoffées, mais il s’agit d’un sujet dans l’ensemble mieux connu que celui de J.-P. P. – Guelma. Et la spécificité de Guelma est d’avoir été le théâtre des agissements de milices européennes, levées à l’initiative du sous-préfet André Achiary, prenant les devants par une répression préventive, conduisant les massacres en toute impunité, cela pratiquement sans pertes, alors que, on le sait, il y eut des victimes européennes dans le Sétifois. Ces milices agissaient sous le drapeau de la France de la Libération, c’est-à-dire de la gauche anti-vichyste, socialistes et communistes compris.

            Le pourquoi de cette violence ? Le système colonial lui-même était violent et discriminatoire, même s’il ne fut historiquement pas que cela. Et les Européens d’Algérie, faut-il le rappeler, ne vécurent jamais vraiment dans la quiétude : l’histoire de l’Algérie coloniale a enregistré d’autres expéditions punitives antérieures[13] ; et, sauf à envisager de bâtir avec les Algériens un modus vivendi d’égale dignité ne pouvant que rendre caduc le système colonial, n’ont-ils pas toujours su inconsciemment qu’ils devraient tôt ou tard céder la place et prendre le chemin de l’exil ? C’est ce que je concluais il y a de cela trois décennies dans mon Algérie révélée[14], et qui m’a en son temps été vivement reproché,  quand je traitais des lendemains de l’espoir, entrevu, mais vite mort-né, des (re)trouvailles transcommunautaires des 1er mai 1919 et 1920, c’est-à-dire guère plus de deux décennies avant les massacres de mai 1945 ; et des entretiens ultérieurs avec des amis psychanalystes n’ont fait que me fortifier dans cette conviction.

            Certes on pourra s’interroger, comme le fait J.-P. P., sur le bien-fondé d’une comparaison entre les massacres de Guelma et ceux du Sétifois : la conjoncture locale spécifique n’efface pas la structure d’ensemble. Ou bien discuter, comme le fait R.V., dans une note qu’il a rendu publique au lendemain de la parution du livre de J.-P. P., sur le fait de savoir si, comme ce dernier le suggère, les milices de Guelma furent une préfiguration de l’OAS. Préfiguration n’est pas analogie : la différence entre les deux situations n’empêche pas la pérennité d’un système, système dont les blocages génèrent la montée de la revendication indépendantiste et le début de l’invention de la nation algérienne. De cela, mai 1945 est bien le produit. Et quand les blocages, sur la même pente, aboutirent au naufrage, l’OAS fut bien le produit du naufrage. Mais, de 1945 à 1961-62, il y eut bien continuité.

            Et, doit être, me semble-t-il, relativisée la portée de la querelle sur l’emploi du mot « colon » auquel recourt J.-P. P, qu’il utilise dans le sens de la norme algérienne d’aujourd’hui pour désigner les Européens d’Algérie dans leur ensemble, et non, comme durant la période coloniale, les seuls Européens agriculteurs. Le Littré renseigne sur la polysémie du mot : ne donne-t-il pas, parmi les acceptions qu’il propose, en troisième point (après 1 : « cultivateur d’une terre » et 2 : proto-serf du Bas Empire), « celui qui fait partie d’une colonie, ou qui en exploite le sol, celui qui habite les colonies, par opposition aux gens de la métropole » ? Ne suffit-il pas de définir les termes que l’on emploie ? Et on a maintes raisons de penser que J.-P. P. est loin d’être un adepte docile du registre et des injonctions de l’histoire algérienne officielle[15].

            Avec J.-P. P., j’ai pourtant courtoisement rompu quelques lances lors d’une discussion, à la suite de sa soutenance de thèse, durant laquelle il s’était refusé, ou avait eu quelque mal à admettre que l’on puisse dire et écrire « Algériens » en lieu et place de « Musulmans ». Il est vrai que, de son côté, J.-L. Planche, affectionne dans son livre, aussi, la dénomination de  « Musulmans » et plus encore celle d’ « Arabes », laquelle  fleure davantage encore le répertoire dichotomique du colonial profond. Mais la chose me paraissait curieuse de la part d’un J.-P. P., compte tenu de sa capacité à bâtir un jugement mûri et éclairé : dans son livre, il a eu à cœur d’analyser les événements qu’il a étudiés comme les produits d’un système sur lequel il a réfléchi – on sera entièrement d’accord avec cette approche. On est d’autant plus étonné qu’il ne se soit pas attardé sur l’analyse du projet insurrectionnel algérien de 1945, comme si la prise en compte d’un projet dépassait les faits crûment avérés du terrain de son enquête. Il a avec obstination, pour les établir, décortiqué les documents avec une vigilante circonspection, même si l’on peut remarquer que n’aient pas été interrogés les survivants des milices de Guelma qu’il a étudiées alors que R. V., lui, a recueilli des témoignages de ce côté.

            Lui aussi, a fouillé avec obstination, il a travaillé avec la rage de savoir. Sur le terrain de l’établissement des faits, il ne craint personne. Ce faisant, il se révèle bien être un historien positiviste, dans le bon sens du terme, faut-il le dire ? : peut-on se déclarer historien si l’on n’est pas, d’abord, positiviste ? Mais, ce faisant, il n’a peut-être pas tout à fait suffisamment médité la maxime narquoisement provocatrice du Lucien Febvre des Combats pour l’histoire, lequel voyait les faits comme des clous auxquels il accrochait ses idées.   

            Pour conclure, il serait utile et salutaire, pour éclairer le public intéressé par l’histoire franco-algérienne, que puisse être organisé un débat entre R. V. et J.-P. P., avec d’autres historiens aussi, avec notamment Boucif Mekhaled, qui enseigne à l’université d’Oran, et qui est aujourd’hui bien injustement oublié. Déjà, Guy Pervillé a bien déblayé le terrain avec la longue note comparative qu’il a communiquée à ses collègues dès avant sa publication, espérée, dans la revue Outre-mers, sur « Cinq livres récents sur le 8 mai 1945 en Algérie » : il s’agit de ceux, déjà cités, d’Annie Rey-Goldzeiguer, de Jean-Louis Planche, de Roger Vétillard et de Jean-Pierre Peyroulou, auquel il ajoute le livre, préfacé par ce dernier, de Marcel Reggui, témoin algérien de Guelma, dont le manuscrit, resté longtemps inédit, remonte à 1946, et qui a été publié par La Découverte en 2005[16]. Un débat à poursuivre pour aller de l’avant : est-il domaine plus éclairant que celui de l’histoire, où se joue l’interaction entre foi et raison, voire même où l’une et l’autre se confondent, dans la mesure où foi dans la recherche de la vérité ne peut que renvoyer à engagement de raison?

 

Gilbert Meynier



[1] Chroniques d’un massacre, 8 mai 1945 Sétif, Guelma, Kherrata, Syros/Au nom de la mémoire, Paris, 1995, 249 p.

[2] Aux origines de la guerre d’Algérie 1940-1945, La Découverte, Paris,2002, 403 p.

[3] Histoire de l’Algérie contemporaine, t. 2. De l’insurrection de 1871 au déclenchement de la guerre de libération de 1954, PUF, Paris, 1979, 648 p., en plus de deux articles spécialisés sur mai 1945.

[4] Histoire du nationalisme algérien (1919-1951). Question nationale et politique algérienne, 2 vol., SNED, Alger, 1980, 530 et 583 p.

[5] La guerre d’Algérie par les documents, t.1, L’avertissement, éd. Du SHAT, Vincennes, 1990, 548 p.

[6] 8 mai 1945 en Algérie, OPU, Alger, 1987, 312 p.

[7] Sétif 1945. Histoire d’un massacre annoncé, Perrin, Paris, 2006, 422 p.

[8] La paix pour dix ans (Sétif, Guelma mai 1945), Gandini, Nice, 1990, 360 p.

[9] La vérité sur l’insurrection du 8 mai 1945 dans le Constantinois, Amicale des Hauts Plateaux de Sétif, Montpellier, 1997, 432 p.

[10] Éditions de Minuit, Paris, 1959

[11] Sylvie Messinger, Paris, 1983, 236 p. Il me l’a redit lors de l’entretien que j’ai eu avec lui en septembre 2001 à Lausanne. Dans l’été 1964, à Ben Aknoun, le frère aîné du commandant Omar Oussedik, le regretté Tahar Oussedik, m’avait confié qu’il tenait la chose pour avérée. Et Mohammed Harbi a enregistré une interview d’Omar Oussedik où ce dernier, acteur direct de l’histoire qui se faisait, l’attestait d’évidence. Mais un fait, relativement anecdotique, que l’on peut révoquer en doute est le récit selon lequel Messali serait parti, harnaché, pour diriger l’insurrection, et serait revenu chez lui désespéré après avoir constaté que rien n’était vraiment organisé.

[12] Cf. notamment Aux origines du FLN : le populisme révolutionnaire en Algérie, Christian Bourgois, Paris, 1975, 316 p., et Le FLN, mirage et réalité, Jeune Afrique, Paris, 1980, 446 p.

[13] En témoignent des faits rapportés par Le Cri de l’Algérie, journal publié dans les années précédant la première guerre mondiale par Victor Spielmann, colon ruiné de Bord Bou Arreridj, Français d’Algérie fils d’un optant alsacien, qui avait opté dès le début du siècle pour la défense des Algériens opprimés.

[14] Droz, Genève, 1981, 793 p. (digest de ma thèse doctorat, dirigée par André Nouschi, soutenue à Nice en juin 1979).

[15] Pour tourner la difficulté, lors d’une conférence,  je me suis risqué à employer, en l’expliquant, le terme de « créole », qui signifie au sens propre personne provenant d’une immigration coloniale européenne en pays colonisé. J’ai dû y renoncer devant le petit tollé que j’ai provoqué chez  des auditeurs français originaires d’Algérie.

[16] Publié sous le titre Les massacres de Guelma, Algérie, mai 1945 : une enquête inédite sur la furie des milices coloniales, La Découverte, Paris, 2005, 188 p.



Témoignage de Bernard Atlan:
 
 

A la mémoire de mes grands parents

 

Mes grands parents paternels, vivaient paisiblement, dans un village d’Algérie à majorité musulmane.

Ce village, Lafayette,  se trouvait à  45 kms de Sétif.

En mai 1945 à la suite des émeutes sanglantes parties de Sétif. C’est à Lafayette, tout comme à Sétif, qu’une foule haineuse s’est attaquée avec violence à tous ceux qui n’étaient pas musulmans.

 

Des sauvages, se sont introduits dans la maison de mes grands parents aux cris de  Allah Ou Akbar et ont égorgé deux vielles personnes sans défense.

 

Cette triste histoire m’a été racontée par ma mère. Elle se trouvait, aussi dans la maison, avec mes deux grandes sœurs,  réfugiées dans le placard de la cuisine,  pendant que les barbares égorgeaient ses beaux parents. Elles ont ainsi évité le pire mais ont été marquées à jamais par ce souvenir. Ma mère était alors enceinte de moi. Je suis arrivé au monde le 25 Novembre  1945.

 

Comment comprendre qu’une population qui entretenait des relations professionnelles et amicales avec de braves gens peut un jour les égorger sans sourciller......

  

Pour tenter de "comprendre" comment la barbarie peut s'exercer, la question mérite d'être posée.... 


 

Wagner le 06.12.09 à 07:59 dans l/ Débats / Points de rencontres - Lu 1868 fois - Version imprimable
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