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"Il faut mettre ses principes dans les grandes choses, aux petites la miséricorde suffit." Albert Camus// "La vérité jaillira de l'apparente injustice." Albert Camus - la peste// "J'appelle à des Andalousies toujours recommencées, dont nous portons en nous à la fois les décombres amoncelés et l'intarissable espérance." Jacques Berque// « Mais quand on parle au peuple dans sa langue, il ouvre grand les oreilles. On parle de l'arabe, on parle du français, mais on oublie l'essentiel, ce qu'on appelle le berbère. Terme faux, venimeux même qui vient du mot 'barbare'. Pourquoi ne pas appeler les choses par leur nom? ne pas parler du 'Tamazirt', la langue, et d''Amazir', ce mot qui représente à la fois le lopin de terre, le pays et l'homme libre ? » Kateb Yacine// "le français est notre butin de guerre" Kateb Yacine.// "Primum non nocere" (d'abord ne pas nuire) Serment d'Hippocrate// " Rerum cognoscere causas" (heureux celui qui peut pénétrer le fond des choses) Virgile.// "Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde" Albert Camus.Sommaire
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D'Algérie-Djezaïr
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Elle est démocratique, c'est-à-dire horizontale, sans centralisme, et sans direction. Les décisions essentielles doivent être conformes à l’esprit du Texte Fondateur. Elles sont prises après larges consultations, où tous les membres donnent leurs opinions. Les règles internes sont arrêtées par les "adhérents". Pas de cotisations. Les groupes et le Mouvement trouvent les moyens de faire aboutir leurs actions."Hors la loi" et Sétif 1945, suites...
Entretien avec Roger Vétillard auteur d'un livre référence à ce sujet, sur dailymotion.
Roger Vétillard, Sétif, mai 1945 : massacres en Algérie (2008)
Il y aura bientôt dix-huit ans, j’avais participé au jury de la première thèse de doctorat d’histoire soutenue en France par un historien algérien sur les “événements du 8 mai 1945 dans le Constantinois”. Soutenance heureusement terminée par une mention très élogieuse qui a très justement récompensé le travail de son auteur, Boucif Mekhaled. Mais, à aucun moment de ma lecture et de la soutenance, je n’avais prévu le changement de climat qui allait transformer, en quelques années seulement, un sujet d’histoire - certes très délicat - en un sujet d’affrontement idéologique mené avec passion au nom du “devoir de mémoire”.
Passionnel, ce sujet l’avait bien sûr été, comme tous les événements tragiques de notre histoire. De 1945 à 1962, l’insurrection avortée du 8 mai 1945 à Sétif et son impitoyable répression au nom de la France avaient été des sujets politiques beaucoup plus qu’historiques. La première et la seule étude détaillée avait été, dès 1948, le livre accusateur et unilatéral du notable français d’Algérie Eugène Vallet, Le drame algérien, la vérité sur les émeutes de mai 1945 [1]. Mais la propagande du PPA-MTLD, puis celle du FLN, lui avaient au contraire donné la stature d’un massacre colonial injustement ignoré ou minimisé, dénoncé par les dirigeants du FLN dans l’ouvrage du journaliste suisse Charles-Henri Favrod, La révolution algérienne (Plon, 1959).
Pourtant, l’indépendance de l’Algérie ayant mis fin à l’enjeu direct du conflit, l’histoire avait pu commencer à s’emparer de ce sujet de discorde. Recourant à des sources d’archives, l’ouvrage collectif dirigé par l’intellectuel Robert Aron, Les origines de la guerre d’Algérie, (Fayard, 1962), puis sept ans plus tard l’enquête du journaliste Claude Paillat (engagé à droite, mais très bien renseigné) Le guêpier, 1945-1953 (Robert Laffont, 1969), avaient commencé à déblayer le terrain [2]. Puis les connnaissances avaient encore progressé grâce aux premiers historiens algériens formés à la méthode historique, Mohammed Harbi dans Aux origines du FLN, la scission du PPA-MTLD, (Christian Bourgois, 1975), puis Mahfoud Kaddache dans sa grande thèse Histoire du nationalisme algérien, 1919-1951 (Alger, SNED, 1980-1981). Dans leur prolongement, deux études encore plus spécialisées avaient été réalisées, l’une en Algérie, par le mémoire de maîtrise plusieurs fois enrichi de Redouane Aïnad-Tabet, Le mouvement du 8 mai 1945 en Algérie (2ème édition, Alger, OPU, 1987), l’autre en France, sous la forme de la thèse déjà citée de Boucif Mekhaled. Pour autant, les historiens français n’avaient pas abandonné ce champ de recherche à leurs collègues algériens : signalons l’importante synthèse de Charles-Robert Ageron dans le tome II de l’Histoire de l’Algérie contemporaine (PUF, 1979), puis son article de 1984 “Les troubles insurrectionnels du Nord-Constantinois en mai 1945 : une tentative insurrectionnelle ?” (XXème siècle, n° 4, octobre 1984) ; et l’enquête d’Annie Rey-Goldzeiguer sur “Le 8 mai 1945” (parue dans les actes du colloque 8 mai 1945, la victoire en Europe, Lyon, La Manufacture, 1985). L’année 1990 vit encore deux publications importantes : le recueil de documents des archives militaires de Vincennes dirigé par Jean-Charles-Jauffret, La guerre d’Algérie par les documents, t. I, L’avertissement, 1943-1945 ; et l’enquête engagée mais bien documentée de la Française d’Algérie Francine Dessaigne, La paix pour dix ans, Sétif, Guelma, mai 1945, (Editions Jacques Gandini). Ainsi, l’histoire du 8 mai 1945 semblait s’engager dans la bonne direction, celle d’études historiques dont les conclusions ne seraient pas déterminées directement par des considérations politiques. Le passage de la mémoire à l’histoire semblait donc en bonne voie.
Et pourtant, tout a changé après 1990, et plus particulièrement à partir du 8 mai 1995, qui fut solennellement célébré en Algérie avec des intentions visiblement plus politiques qu’historiques. Le discours du chef du gouvernement, Mokdad Sifi, replaçait l’histoire du 8 mai 1945 dans la perspective de la “redoutable crise multidimensionnelle” des années 1990 dont les Algériens attendaient douloureusement l’issue ; et le quotidien El Watan, reproduisant ce discours, le situait dans une longue série de répressions répétées depuis 1830, invitait les intellectuels algériens à “travailler au corps” les démocrates français pour qu’ils diffusent dans leur société un sentiment de responsabilité et de culpabilité, et réclamait à l’Etat français des excuses officielles “pour les centaines de milliers d’innocents assassinés au cours de 130 ans de domination coloniale”. D’après Liberté du 8 mai 1999, la commémoration du 8 mai 1945 est aujourd’hui revendiquée par toute la classe politique, et fait même l’objet d’une surenchère.
Ces faits, malheureusement très peu connus en France, aident à mieux comprendre deux tentatives d’attirer l’attention des Français sur cet événement trop oublié. D’abord en mai 1995, la diffusion sur Arte d’un film de Mehdi Lallaoui et Bernard Langlois, Le massacre de Sétif, accompagné de la réunion d’un colloque historique à Paris, et de la publication d’une version abrégée de la thèse de Boucif Mekhaled, sous le titre : Chroniques d’un massacre, Sétif, Guelma, Kherrata. [3] Et ensuite, le discours du président algérien Bouteflika prononcé le 14 juin 2000 devant l’Assemblée nationale française, pour suggérer à la France l’acceptation de cette revendication de repentance pour les crimes du colonialisme [4]. Discours que le président Chirac a longtemps semblé ne pas avoir compris, avant de proposer en 2003 la négociation d’un traité d’amitié franco-algérien à l’image du traité franco-allemand de 1963. Négociation longtemps poursuivie dans le secret avant d’être éclipsée par la loi contestée du 23 février 2005 en faveur des “rapatriés “ et des “harkis”, puis désavouée par le président Bouteflika sommant la France, à partir du 8 mai 2005, de reconnaître enfin les “crimes contre l’humanité” qu’elle aurait commis en Algérie de 1830 à 1962. Ce qui mit fin, malgré plusieurs tentatives françaises de relance, à la négociation du traité franco-algérien [5].
Ces faits d’une importance capitale ont trop peu retenu l’attention des Français, qui en ont été manifestement sous-informés. Pour mieux les faire comprendre, il faut également souligner l’ancienneté de cette revendication de repentance. La campagne lancée en mai 1995 à destination de la France devait beaucoup à l’action de la Fondation du 8 mai 1945, créée en 1990 par l’ancien ministre Bachir Boumaza, pour lui demander de reconnaître cette répression comme un “crime contre l’humanité” et non simplement un crime de guerre. Et son fondateur ne cachait pas que l’idée lui en était venue à la suite du procès Barbie de 1987, durant lequel l’avocat de l’accusé, maître Jacques Vergés, avait proclamé que si les Français se permettaient de juger l’ancien chef de la Gestapo de Lyon pour “crimes contre l’humanité”, ils devraient aussi juger les faits semblables dont leurs soldats s’étaient rendus coupables en Algérie [6]. Mais en fin de compte, l’action de la Fondation du 8 mai 1945 ne faisait que prolonger celle de la propagande de guerre du FLN, continuée par celle du parti unique sous le gouvernement Boumedienne. Et en remontant encore plus loin, on arrive à la propagande du PPA-MTLD, qui a la première répandu l’idée d’un “génocide colonialiste” tout en passant sous silence le rôle des militants algériens dans la provocation de la répression qui les a ensuite accablés [7].
Il convenait de rappeler tous ces faits pour faire mieux comprendre pourquoi ce qui semblait devenir un sujet de plus en plus historique s’est brusquement retourné en un sujet de polémique politique. Mais depuis quinze ans, qu’est devenue l’histoire de la tentative d’insurrection et de la répression de mai 1945 ? Elle a continué de progresser, grâce à l’ouverture croîssante des archives en France. Depuis quelques années, il faut signaler, après un nouvel article de Charles Robert Ageron sur “Mai 1945 en Algérie, enjeu de mémoire et d’histoire” (Nanterre, Matériaux pour l’histoire de notre temps, n° 39, juillet-décembre 1995), deux ouvrages importants : celui d’Annie Rey-Goldzeiguer, Aux origines de la guerre d’Algérie, l’Algérie de 1940 à 1945 (La Découverte, 2001), et celui de Jean-Louis Planche, Sétif 1945, histoire d’un massacre annoncé (Perrin, 2006), ainsi que l’enquête inédite réalisée en 1945 par le citoyen français d’origine musulmane Marcel Reggui sur Les massacres de Guelma, Algérie mai 1945 : une enquête inédite sur la furie des milices coloniales (La Découverte, 2005, avec une présentation de Jean-Pierre Peyroulou). Ces ouvrages ont attiré l’attention plus qu’auparavant sur la démesure de la répression [8]. De l’autre côté, les défenseurs des Français d’Algérie ont réagi depuis 1995 en rassemblant des témoignages, notamment ceux réunis dans le livre de Maurice Villard, La vérité sur l’insurrection du 8 mai 1945 dans le Constantinois, menaces sur l’Algérie française (Amicale des hauts-plateaux de Sétif, 1997). Mais ce livre, se situant dans la lignée d’Eugène Vallet et de Francine Dessaigne, a parfois confondu les témoignages et les opinions, et n’a guère été remarqué en dehors du milieu des “rapatriés”. Or l’importance du sujet, et le risque d’une récupération par la mémoire officielle algérienne, font que les informations et documents conservées par les Français d’Algérie ne doivent pas davantage être exclus que celles des Algériens.
C’est pourquoi il est particulièrement heureux qu’un Français d’Algérie né à Sétif en 1945, devenu médecin à Toulouse, le docteur Roger Vétillard, ait mené à bien une vaste enquête dans laquelle il a bénéficié non seulement de la mémoire de sa famille et de son milieu, mais aussi de tous les témoignages et documents que sa curiosité lui a fait rechercher ou rencontrer, jusque parmi ses anciennes et nouvelles relations en Algérie. Six ans d’enquête, et au moins sept rédactions successives, lui ont permis de réaliser une oeuvre originale, qui mérite d’être connue autant que les précédentes. Comme il le dit lui-même, il croit être “un des seuls à tenter de faire une synthèse de tout de qui a été dit sur la question, du côté algérien et du côté français, et même du côté ‘pieds-noirs’ “. S’estimant “trop jeune pour se sentir impliqué par ces événements”, il se présente comme d’autant plus capable d’apprécier les thèses qui s’affrontent, et se propose d’arriver à atteindre une “subjectivité équilibrée” : “Puissent mes amis français d’Algérie accepter que je n’adopte pas toujours le point de vue qu’ils ont pu défendre depuis 1945, puissent aussi les Algériens, parmi lesquels j’ai conservé tant d’amis, accepter que leur historiographie soit pour une part revisitée...” La recherche par laquelle il termine son introduction en comparant toutes les versions et les explications connues du suicide du colonel Halpert, procureur du tribunal militaire de Constantine en février 1946, démontre l’honnêteté de sa démarche.
Il ne s’agit pas pour autant de faire du livre de Roger Vétillard la seule réponse à toutes les questions que nous devons nous poser au sujet de ces terribles événements [9]. L’important est qu’il puisse contribuer à entretenir le débat entre tous les chercheurs, au lieu de laisser s’imposer une nouvelle orthodoxie. Qu’il soit un maillon utile dans une chaîne de recherches permettant le dépassement d’une cruelle vérité pour le bien des deux pays en cause, et non son exploitation politique à sens unique, voila le succès que je lui souhaite.
Guy Pervillé
[1] Cette vision unilatérale avait été corrigée à l’époque dans les livres d’Henry Bénazet, L’Afrique française en danger, 1947, et de Charles-André Julien, L’Afrique du Nord en marche, Julliard, 1952.
[2] Le livre d’Yves Courrière, Le temps des léopards, Fayard, 1969, n’avait guère ajouté à celui de Charles-Henri Favrod.
[3] Jean-Charles Jauffret, membre du jury de la thèse de Boucif Mekhaled et co-préfacier, avec Mehdi Lallaoui, de son livre, a sévèrement jugé le film de ce dernier. J’ai partagé ce jugement, et exprimé plusieurs fois mes critiques. Mais je dois rendre hommage à la sérénité avec laquelle Mehdi Lallaoui, sans me donner raison, a accepté l’expression de mon opinion. Cette générosité est trop rare pour ne pas être signalée avec respect.
[4] Voir mon article “La revendication algérienne de repentance unilatérale de la France” (2004) sur mon site internet http://guy.perville.free.fr, et mon livre Pour une histoire de la guerre d’Algérie, Paris, Picard, 2002, pp. 298-299.
[5] Voir mes communications sur ce sujet : “Le 8 mai 1945 et sa mémoire en Algérie et en France”, Berlin, 29 avril 2005 ; “L’histoire immédiate de la relation franco-algérienne : vers un traité d’amitié franco-algérien ?”, et “La confrontation mémoire-histoire en France depuis un an”, Toulouse, 6 avril 2006 ; “France-Algérie : groupes de pression et histoire”, Lyon, 22 juin 2006 (textes disponibles sur mon site internet).
[6] Voir mon livre Pour une histoire de la guerre d’Algérie, Paris, Picard, 2002, pp. 303-304.
[7] Ferhat Abbas, président des Amis du Manifeste et de la liberté, a mis en cause l’extrémisme des militants du PPA dans un “testament politique” (écrit en prison puis oublié). Messali Hadj, invité en 1945 par la direction de son parti à s’évader pour prendre la tête d’un gouvernement provisoire algérien, a rappelé en 1954 qu’il n’y avait jamais eu de débat interne sur les causes de l’échec. Le docteur Lamine Debaghine, chef de l’organisation clandestine du PPA, n’a jamais révélé ses secrets.
[8] En particulier sur le cas particulier de Guelma, où la répression a été féroce et préventive sans qu’une insurrection ait vraiment eu lieu.
[9] Jean-Pierre Peyroulou a soutenu sa thèse, "Guelma 8 mai 1945 : Une subversion européenne dans le département de Constantine, Algérie française", le 11 septembre 2007. J’ai l’intention de publier prochainement la recherche inédite que j’ai rédigée en 1992 sur la politique algérienne de la France de 1940 à 1945.
Wagner
le 10.10.10 à 08:40
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