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D'Algérie - Djezaïr
Mouvement de réconciliation

Proposer une devise

"Il faut mettre ses principes dans les grandes choses, aux petites la miséricorde suffit." Albert Camus// "La vérité jaillira de l'apparente injustice." Albert Camus - la peste// "J'appelle à des Andalousies toujours recommencées, dont nous portons en nous à la fois les décombres amoncelés et l'intarissable espérance." Jacques Berque// « Mais quand on parle au peuple dans sa langue, il ouvre grand les oreilles. On parle de l'arabe, on parle du français, mais on oublie l'essentiel, ce qu'on appelle le berbère. Terme faux, venimeux même qui vient du mot 'barbare'. Pourquoi ne pas appeler les choses par leur nom? ne pas parler du 'Tamazirt', la langue, et d''Amazir', ce mot qui représente à la fois le lopin de terre, le pays et l'homme libre ? » Kateb Yacine// "le français est notre butin de guerre" Kateb Yacine.// "Primum non nocere" (d'abord ne pas nuire) Serment d'Hippocrate// " Rerum cognoscere causas" (heureux celui qui peut pénétrer le fond des choses) Virgile.// "Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde" Albert Camus.

D'Algérie-Djezaïr

Le MOUVEMENT D’Algérie-Djezaïr vient d’être officialisé par plus d’une centaine de membres fondateurs résidant dans le monde entier, ce 22 juin 2008 à Saint Denis (Paris - France). Il est ouvert à toutes celles et ceux qui voudront le rejoindre, natifs d'Algérie, et leurs descendants.

ORGANISATION

Elle est démocratique, c'est-à-dire horizontale, sans centralisme, et sans direction. Les décisions essentielles doivent être conformes à l’esprit du Texte Fondateur. Elles sont prises après larges consultations, où tous les membres donnent leurs opinions. Les règles internes sont arrêtées par les "adhérents". Pas de cotisations. Les groupes et le Mouvement trouvent les moyens de faire aboutir leurs actions.

Le 08 mai 1945 point de départ du film de R Bouchareb.

Interview d'un spécialiste reconnu du sujet, Roger Vétillard.

L’INTERVIEW DE LA SEMAINE

Sétif, mai 1945 : massacres en Algérie - Entretien avec Roger Vétillard

lundi 24 mai 2010, par Jeanne Bourdillon

 

Roger Vétillard est né à Sétif. Il a donc très tôt entendu parler de ce qu’il est convenu d’appeler, les massacres de Sétif et de Guelma. Un beau jour, las d’entendre le récit d’une histoire falsifiée à force de manipulation politique et d’occultation idéologique, ce medecin de Toulouse décide de mener sa propre enquête historique. Pendant près de 7 ans, il va consulter les archives françaises, algériennes, anglo-saxonnes, et aller à la rencontre de nombreux témoins. Le fruit de ce travail est concentré dans un livre objectif et rigoureux "Sétif, mai 1945 : massacres en Algérie" (Editions de Paris). Avec ce livre, Roger Vétillard est bien loin des polémiques dont nous avons été habitué ces dernières années. Et c’est de façon méticuleuse qu’il restitue à l’histoire la complexité et les nuances dont personne ne devrait la priver. A quelques jours de la sortie du film "Hors la loi" de R. Bouchareb, qui risque de raviver en France la guerre des mémoires, Roger Vétillard précise, que lors de ce 8 Mai 1945, ce sont les massacres d’Européens qui ont engendré la répression des manifestants indépendantistes. Un élément que l’on a tendance à occulter...

Riposte Laïque : Quand avez-vous eu l’envie de faire un livre d’historien sur les massacres de Sétif et de Guelma ?

Roger Vétillard : J’ai décidé de m’intéresser d’un peu plus près aux massacres de Sétif et de Guelma après avoir visionné en 1995 sur ARTE un film documentaire réalisé par Medhi Lallaoui et Bernard Langlois "Les Massacres de Sétif, un certain 8 Mai 1945." J’y ai vu un certain nombre de témoignages que je savais erronés. Je me suis donc mis au travail. Au bout de 7 ans, j’ai abouti à ce livre que j’ai présenté à des historiens et qui ont salué sa rigueur scientifique. Guy Pervillé, professeur d’histoire contemporaine à Toulouse- le Mirail, et l’un des meilleurs spécialistes de l’Algérie, a accepté de rédiger la préface, et j’ai obtenu en 2008 le prix de l’Académie des sciences d’Outre-mer.

Riposte Laïque : Au cours de vos recherches avez-vous constaté des approximations dans la façon dont les historiens ont à raconter ces événements ?

Roger Vétillard : Oui bien sûr, chez certains d’entre eux, et j’en cite quelques exemples dans mon livre. Mais le plus déplorable c’est l’utilisation politique et militante qui est faite de ces événements. Parfois on en oublierait presque de préciser que ce sont les massacres d’Européens qui ont engendré la répression.

Riposte Laïque : Le 8 Mai 1945 le peuple français s’apprête à fêter la victoire des alliés et un peu partout des cérémonies officielles sont organisées. Pouvez-vous nous dire comment les choses vont se dérouler à Sétif, à Guelma et dans les environs ?

Roger Vétillard : Tout commence à Sétif. Là, comme dans d’autres endroits en Algérie, à la veille du 8 Mai, les nationalistes du PPA (Parti du Peuple Algérien) de Messali Hadj et de l’AML (les Amis du Manifeste de la Liberté) demandent dès le 7 mai à la sous-préfecture l’autorisation d’organiser une manifestation en dehors des cérémonies officielles. La sous-préfecture donne son autorisation à condition que celle-ci se déroule le matin, qu’elle soit pacifiste et qu’il n’y ait ni revendication politique, ni présentation du drapeau indépendantiste, contrairement à ce qui s’était passé quelques jours plus tôt à Alger, Oran et Bône lors des défilés du 1er mai. Les organisateurs s’engagent à respecter ces consignes.

Le 8 mai après la prière de 8h00, la manifestation des indépendantistes part de la Mosquée du faubourg de la Gare. Le cortège passe devant le collège où est encore présent le poste de commandement de l’armée anglaise débarquée en Algérie en Novembre 1942. Là, il est prévu qu’un photographe anglais filme la scène depuis la terrasse du collège, c’est ce qui explique que les manifestants brandissent à ce moment là leurs drapeaux. Des chansons en faveur de l’indépendance retentissent et des slogans pour la libération de Messali Hadj fusent. La police, après avoir pris ses ordres auprès de la sous-préfecture, intervient vers 9 heures devant le café de France en demandant aux organisateurs de respecter leurs engagements. Très vite la situation se dégrade. Des coups de feu sont tirés de part et d’autre. Une enfant de 9 ans qui passait à proximité de la manifestation est victime d’une balle perdue et le porteur de drapeau est lui aussi touché.

Riposte Laïque : Ces tirs peuvent-ils être interprétés comme une provocation policière ?

Roger Vétillard : Il faut dire qu’une insurrection était programmée depuis le mois d’Avril 1945. On ne peut parler de soulèvement spontané. Il y a de nombreuses preuves et de nombreux témoignages qui confirment cela, à commencer par les révélations de Mohamed Harbi et d’Annie Rey-Golzeiguer à propos de la tentative d’évasion de Messali Hadj depuis Reibell où il était assigné en résidence surveillée.

Il n’y a pas eu de provocation de la part de la police. Les coups de feu venaient des deux cotés. Et contrairement aux engagements qui avaient été pris, la manifestation n’était pas composée de manifestants désarmés. C’est ce qui explique aussi la rapidité et la violence avec laquelle les manifestants s’en sont pris aux européens. Dans un de leurs livres, l’anticolonialiste Yves Benot et le journaliste suisse Charles-Henri Favrot très proche du FLN, écrivent "Dans les 20 minutes qui ont suivi l’arrêt de la manifestation, 28 européens ont été tués dont 9 par armes à feu, 10 par armes blanches et les autres à coup de gourdins hérissés de lames de rasoir. "

Il faut que je vous révèle un scoop qui figurera dans la prochaine édition de mon livre. Je sais, grâce à des témoignages sérieux, qu’il y a eu, dès 7h00 du matin le meurtre de Gaston Gourlier, le régisseur du marché aux bestiaux. On connait le nom de son assassin qui a précisé dans quelles conditions il avait tué Monsieur Gourlier et quelques minutes plus tard Monsieur Clarisse. Le colonel Bourdilla a su cela dès 7 heures le matin et donc il se doutait bien que la manifestation ne serait pas pacifique. Cela explique que l’armée soit en alerte, faisceaux formés, 2 heures avant d’intervenir, tant que le sous-préfet ne lui en donne pas l’ordre. Il faut souligner qu’il s’agit de 3 compagnies du 7ème RTA (tirailleurs algériens).

Riposte Laïque : Est-ce que cette manifestation était un appel au Djihad ?

Roger Vétillard : Non, la manifestation n’a pas initialement de revendication dijhadiste, même si sur le drapeau indépendantiste algérien figure la formule Allah Ouakbar. Ce n’est qu’après les premières arrestations que les insurgés en appelleront au Djihad. Il faut savoir que la religion musulmane a toujours été un élément important dans la lutte pour l’indépendance. La révolte des Kabyles, à la fin de la guerre de 1871, celle des Aurès à la fin de la première guerre mondiale se font sous le signe de l’islam et même la guerre d’indépendance surtout à partir d’août 1955.

Riposte Laïque : L’assassinat du maire de Sétif, Edouard Delucca, va fortement marquer les esprits. De nombreuses thèses circulent encore sur le véritable coupable. Que pouvez-vous nous dire sur ce meurtre ?

Roger Vétillard : Nous avons tous les éléments depuis 1963. Le meurtrier est connu, il s’agit d’Hamda Noui un commerçant ambulant membre du PPA. Il a été arrêté, a avoué et été condamné. Après sa libération en 1963, il a officiellement déclaré qu’il était bien l’assassin d’Edouard Delucca le maire de Sétif. Le problème est donc résolu et ceux qui disent autre chose cherchent à maquiller les faits et la vérité.

Riposte Laïque : Comment va se dérouler la suite de la journée ?

Roger Vétillard : Après la manifestation, le sang coule. La foule se disperse et tout ce qui ressemble à un européen est agressé. Ces agressions feront en quelques minutes 28 morts, et près de 80 blessés graves dans la population européenne. Afin de ramener l’ordre, la police et la gendarmerie utilisent leurs armes. Selon les registres de l’hôpital de Sétif, il y aurait eu 33 morts musulmans. En l’espace d’une heure il y aura en tout au moins 61 morts, européens et musulmans compris. A partir de là, la nouvelle de la répression va se répandre dans les environs de Sétif.

L’histoire dit, mais j’ignore si c’est vrai parce que je n’ai pas pu le vérifier, qu’un taxi est parti vers le Nord, pour annoncer aux populations que le Djihad était déclaré et qu’il fallait se révolter. Un des témoins que j’ai rencontré et qui était de Kherrata, m’a raconté que quand ils ont vu arriver le bus de Sétif criblé de balles, ils ont compris alors que le moment de l’insurrection était venu. Ils y ont vu un signal et ont attaqué Kherrata à ce moment là.

A Sétif l’insurrection n’a pas duré 24h, alors que dans les villages alentours elle va durer pendant 2 jours. Le couvre feu est instauré à 13h00 et la cérémonie officielle qui devait se tenir dans l’après-midi est annulée. Il faut préciser qu’il n’y a pas eu à Sétif, contrairement à ce qui s’est passé à Guelma, l’instauration d’une milice.

Riposte Laïque : A Guelma, la manifestation des AML n’a pas reçu d’autorisation.

Roger Vétillard : C’est exact. L’atmosphère est tendue. Le sous-préfet est averti vers 13h00 des événements de Sétif. La manifestation officielle pour célébrer la victoire des alliés est maintenue. Elle se tient à 15h00, sous la protection de la gendarmerie et des automitrailleuses et se déroule sans problème.

C’est aux alentours de 17h00 qu’une manifestation d’indépendantistes démarre dans le quartier arabe situé à l’Est de Guelma. Le sous-préfet André Achiary décide d’intervenir lui-même. C’est un ancien policier, et il est en fonction depuis peu. Il n’a donc aucune notion de la déontologie de la préfectorale, et va agir plus en policier qu’en sous-préfet.

Molesté par les manifestants, André Achiary n’hésite pas à sortir son pistolet, et tirer en l’air. Les esprits s’échauffent, le porte-drapeau de la manifestation est tué par un policier musulman. J’ai rencontré ce policier. Il a été obligé de quitter l’Algérie dès 1946 parce qu’il était menacé. Prétendre, comme cela a été fait, qu’il a été tué par le préfet ou un gendarme est un mensonge. Il faut préciser qu’il n’y a pas eu d’Européen agressé à Guelma. Mais là aussi, comme à Sétif, dès que l’information sur la répression de la manifestation va se propager un peu partout à l’extérieur de la ville, les européens seront agressés. Il y aura près d’une vingtaine de morts.

Le couvre feu instauré, le sous-préfet décide, comme le permet la loi, de mettre en place une milice pour défendre Guelma. La plupart des hommes étant partis à la guerre, ce sont des hommes âgés et des adolescents de 16, 17 ans que l’on arme.

Une fois la milice créée, on commence par arrêter tous les gens susceptibles de provoquer des ennuis. Les adhérents des AML (Amis du Manifeste de la Liberté) dont les services de police possèdent les fichiers seront tous arrêtés. Il va y avoir près de 2500 arrestations. Un tribunal populaire est mis sur pied. Sur les 2500 prisonniers, 2000 seront libérés. Certains seront condamnés à morts, parfois sur des critères arbitraires.

Riposte Laïque : Cette milice va se rendre responsable d’un grand nombre de victimes ?

Roger Vétillard : Oui, sa responsabilité est indéniable. Mais ce qui s’est passé à Guelma n’est pas à l’image de ce qui s’est passé partout en Algérie. Or on essaie souvent de faire croire le contraire. Il est vrai qu’il y a eu des excès de la milice et que la répression de l’armée a été violente. Je pense aussi que la personnalité trouble et sulfureuse du préfet André Achiary explique beaucoup de choses. S’il n’y avait pas eu ces excès à Guelma, on parlerait tout autrement de ce qui s’est passé le 8 mai 1945 en Algérie. Car l’armée est intervenue dans la grande région de Sétif (l’équivalent de 2 départements français) dans tous les bourgs et villages qui étaient aux mains des insurgés, là où la vie des européens était menacée, où des dizaines d’entre eux avaient été tués, des femmes avaient été violées. Il n’y a pas eu de représailles là où il n’y a pas eu d’insurrection. Il faut bien insister ce point. L’artillerie n’a pas été sollicitée, l’aviation a souvent utilisé des leurres au lieu de bombes, la marine a bien des fois tiré à blanc (les livres de bord des navires notamment du Duguay-Trouin en attestent). Tout cela non pas pour dire que la répression a été peu importante, mais pour relativiser tout ce qui est parfois écrit et qui n’est pas exact.

Riposte Laïque : Il y a une polémique sur le bilan des victimes. On peut parfois lire qu’il y a eu jusqu’à 100 000 morts. Qu’est-ce que vous pouvez dire sur le bilan réel, et sur les chiffres qui sont avancés de part et d’autre ?

Roger Vétillard : C’est vrai que certains, comme le journal du FLN El Moudjahid, vont jusqu’à dire qu’il y aurait eu 100 000 morts. Les autorités algériennes avancent de façon officielle le chiffre de 45 000. Et tous ceux qui ne sont pas d’accord sont considérés par le régime algérien comme des révisionnistes.

Or, 45 000 c’est énorme. Si on compare avec la guerre d’Espagne qui a duré trois ans et où les forces en présence étaient autrement plus importantes qu’à Sétif ou Guelma et bien, même selon les chiffres donnés par les républicains espagnols, on ne dépasse pas les 50 000 morts. On peut se dire qu’il paraît difficile de faire en 15 jours en Algérie autant de morts qu’en 3 ans en Espagne sur une surface plus petite et bien moins peuplée. Et puis 45 000 morts en 15 jours, ça fait 3000 morts en moyenne par jour. Avec autant de morts, il y aurait des charniers, or on n’en a pas trouvé.

Si on prend la fourchette la plus haute des morts que l’on a pu recenser, on arrive à peine à 10 000. Il y a donc eu moins de 10 000 morts. Avec la fourchette la plus basse, on parvient à un chiffre de 4 000 morts ; bien plus que les 1 200 morts officiellement reconnus depuis 1945 par la France. Les historiens les plus sérieux s’accordent donc sur une fourchette qui va de 4 000 à 10000 morts. Et faute de mieux, il faut dire qu’il y a eu plusieurs milliers de victimes et que c’est beaucoup trop.

Riposte Laïque : Il y a un contexte politique et géopolitique particulier à ce moment là. La France et le général De Gaulle doivent donner des gages à leurs alliés, et sur la question des colonies, il y a des différents quant à leurs gestions futures.

Roger Vétillard : Oui, en effet. Roosevelt, le président des Etats-Unis, mort un mois avant les événements de Sétif, ne reconnaît pas la légitimité du gouvernement provisoire du Général De Gaulle ; il était plus favorable au Général Giraud. Les américains veulent que les pays européens abandonnent leurs colonies pour éventuellement pouvoir les remplacer. On sait aujourd’hui qu’ils ont donné des signes favorables aux indépendantistes. On dit même que Ferhat Abbas aurait rencontré Roosevelt. Pour ma part je ne le crois pas, mais on sait que Robert Murphy, le consul américain à Alger a servi d’intermédiaire entre les indépendantistes et Roosevelt. Certains avancent même que celui-ci aurait laissé entendre aux indépendantistes qu’il interviendrait en cas d’incident sérieux. Et au moment de la révolte, les insurgés disent à ceux qui les écoutent qu’une grande puissance est derrière eux. Mais la mort de Roosevelt un mois avant les événements a peut être modifié un peu les choses.

Riposte Laïque : Le même jour il y a des manifestations en Syrie et au Liban. Ces manifestations ont-elles un rapport avec ce qui se déroule dans l’Ouest Algérien ?

Roger Vétillard : Je ne pense pas qu’il y ait eu un rapport direct. Là bas, le djihad n’a pas été déclaré. Ces pays sont sous mandat Français. La paix revenue, ils sont assurés de retrouver leur indépendance. Dans ces territoires la situation est très confuse entre la France et l’Angleterre qui intervient ouvertement en particulier à Damas.

Riposte Laïque : A Damas, à l’occasion de ces manifestations, des drapeaux à croix gammées sont brandis. Nous savons qu’il existait une alliance entre le régime nazi et le Mufti de Jérusalem. Est-ce que l’Allemagne va jouer un rôle en Algérie ?

Roger Vétillard : Pas à cette période. L’influence de l’Allemagne se fait sentir dans les années 1941 et 42. Le muphti de Jérusalem, Hadj Amin Al Husseini est très proche d’Hitler et d’Himler. Les nazis vont favoriser la création de mouvements révolutionnaires, notamment le Carna (Comité d’Action Révolutionnaire Nord Africain) dans lequel on retrouvera beaucoup de militants du PPA (Parti du Peuple Algérien) de Messali Hadj. Ils vont d’ailleurs créer une fraction officiellement dissidente influencée par Mohammed-Lamine Debbaghine, un médecin de Sétif qui fut le seul dirigeant important à rester en liberté jusqu’en 1945. On le dit rarement mais il a été traduit en 1947 devant le Conseil de discipline du MTLD (organisation qui avait pris la suite du PPA) pour avoir provoqué la révolte de 1945. Il a avoué que cette révolte était prévue mais pas à ce moment là. Il sera exclu de l’équipe dirigeante de l’organisation.

Riposte Laïque : Dès le début de la colonisation, les gouvernements français successifs vont avoir beaucoup de mal à gérer la question islamique, sans être en contradiction avec les valeurs universalistes et assimilationnistes de la France. Face à tant de difficultés, la France va faire le choix de l’association. Un modèle qui permettra aux musulmans de garder l’ensemble de leurs droits coraniques.

Roger Vétillard : C’est vrai que dès 1830, quand la France débarque en Algérie, elle signe un accord avec les turcs où elle précise qu’elle s’engage à respecter la religion musulmane, ses croyances, ses coutumes, et leur garantit que le droit musulman continuera à s’appliquer. Cet engagement va, je crois, être à l’origine d’une véritable distorsion que vous évoquiez dans votre question. Pendant très longtemps les musulmans ont leur propre justice. Il faut attendre la première guerre mondiale pour qu’un musulman puisse s’adresser, si c’est son souhait, à un représentant de la justice française. Pendant très longtemps, et dans la plupart des situations, c’est le Cadi qui décide de tout.

Napoléon III parlera de royaume arabe en désignant l’Algérie, mais à la fin du second empire, la République de 1871 décide que c’est fini. On est en République et il n’y a pas de place pour un quelconque royaume. En territoire français on doit se plier au droit français, mais le pouvoir va avoir beaucoup de mal à imposer cette règle, ce qui va déboucher sur le code de l’indigénat.

Riposte Laïque : Le pouvoir algérien souhaite que la France soit jugée lors d’un deuxième procès de Nuremberg pour crime contre l’humanité et génocide. Des associations françaises comme les indigènes de la République qui considèrent que l’Etat français applique une politique colonialiste dans les banlieues n’hésitent jamais à faire référence au 8 Mai 1945. On voit bien que cette date recouvre des enjeux politiques des deux côtés de la Méditerranée.

Roger Vétillard : Je crois qu’il faut remonter à la fin des années 80 pour y voir plus clair dans ces histoires. Il y a d’abord le procès Barbie. Jacques Vergès, l’avocat de Klaus Barbie, n’hésite pas à faire au moment du procès un amalgame entre les crimes de l’humanité attribués aux nazis et les massacres de 1945 dans la région de Sétif. A partir de là, il y a une révision de la notion de crime contre l’humanité qui dépasse la définition qui en avait été donnée à Nuremberg. Guy Pervillé a parfaitement analysé ce virage de la jurisprudence.

Jusqu’alors les historiens algériens (Mahfoud Khaddache, Renouad Ainad-Tabet) ont travaillé avec beaucoup de professionnalisme. Mais au début des années 90, la situation politique en Algérie est chaotique. Le pays est en état de guerre civile, les islamistes font régner la terreur après que l’armée ait annulé les élections législatives gagnées par le FIS, les Kabyles font entendre de plus en plus fort leur velléité d’indépendance, des gens n’hésitent plus à se dire favorables au rapprochement avec la France (c’est le Parti de la France)... L’Etat algérien est à deux doigts d’exploser. Et là un homme très intelligent, Bachir Boumaza, président du conseil de la Nation, ancien ministre, membre du PPA, responsable du FLN en France pendant la guerre d’Algérie, et originaire de la région de Kherrata, imagine que la seule façon de refaire l’unité du pays, c’est de lui rappeler ce qui s’est passé en 1945. Pourquoi ? D’abord, parce que les Kabyles ont été au premier rang de l’insurrection en 1945. On doit donc rappeler leur participation aux combats pour l’indépendance, et leur démontrer qu’ils sont algériens. Aux islamistes du FIS, il faut leur dire qu’on a fait le Djihad avant eux. Et enfin, aux partisans d’un rapprochement avec la France, il est nécessaire de leur montrer ce que la France a été capable de faire en 1945, et bien sûr en n’hésitant pas à grossir kle trait.

Si le pouvoir Algérien insiste sur ce qui s’est passé à Sétif et à Guelma en 1945, c’est donc en grande partie pour une question de politique intérieure, pour maintenir l’unité du pays. Cette opération est relayée en France par des média français. C’est dans cette dynamique que s’inscrit le documentaire de Lallaoui et Langlois, diffusé en 1995 sur Arte et qui m’a décidé à faire mon livre. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’interview qui conclue le film est celle de Bachir Boumaza, président de la fondation du 8 mai 45 créée en 1990 à Kherrata et dont l’objet est de faire pression pour obtenir une condamnation de la France.

Riposte Laïque : Il est vrai qu’en France ces événements continuent à alimenter la guerre des mémoires. Et celle-ci va très certainement connaître un nouvel épisode avec la sortie du film Les Hors la Loi...

Roger Vétillard : Je n’ai pas vu ce film. Je ne peux donc rien en dire d’objectif. Les premières critiques que l’on peut entendre se fondent sur des commentaires émanant du service historique des armées sur la base d’une version du scénario. Je ne sais pas si cette version est celle qui a été choisie pour réaliser le film, je ne vais donc pas faire de procès d’intention. Si ce n’est qu’un film de fiction, il n’y a pas grand chose à en dire. Si ce film revendique une intention historique, je le verrai en historien avec toute la rigueur qui s’impose. Il faut rappeler que Rachid Bouchareb, le réalisateur a déclaré en juin 2009 à El Watan, quotidien francophone d’Alger « Hors-la-loi va sans doute rétablir une vérité historique confinée dans les coffres ». Cela implique d’accepter une critique des historiens.

Propos recueillis par Jeanne Bourdillon
Riposte Laïque

 

Wagner le 01.06.10 à 13:42 dans l/ Débats / Points de rencontres - Lu 1264 fois - Version imprimable
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Commentaires

Répréssion Sétif 45 et Sujet de Film

 


 
     Répréssion   Sétif 45 pour   Mémoire  
 ." Alors que de Gaulle avait demandé "de prendre toutes les mesures nécessaires pour réprimer les agissements d'une minorité d'agitateurs", le bureau politique du PCF publiait un communiqué le 12 mai déclarant : "il faut tout de suite châtier impitoyablement et rapidement les organisateurs de la révolte et les hommes de main qui ont dirigé l'émeute" au nom de la défense "de la république française, métropole et territoires d'outre-mer, une et indivisible." Dans un tract signé par cinq membres du comité central et distribué sur le sol algérien, il appelle à une chasse aux sorcières et lance de véritables appels au meurtre et aux pogroms en exigeant de "passer par les armes les instigateurs de la révolte et les hommes de main qui ont dirigé l'émeute. Il ne s'agit pas de vengeance ni de représailles. Il s'agit de mesures de justice. Il s'agit de mesures de sécurité pour le pays". Ainsi une milice mise sur pied par le PC et la CGT servit d'auxiliaire à la police et à l'armée pour massacrer entre 500 et 700 "rebelles musulmans". Et pour couronner le tout, c'est le ministre stalinien de l'aviation Charles Tillon ("héros de la Résistance" en tant qu'ex-chef des FTP), qui a directement ordonné le bombardement des régions de Sétif et de Guelma. 
 
Ci joint  UN SCOOP RECENT
      Le Sujet d'un film   pour le prochain festival de Cannes !(Financé par l'Algérie ! )          Le   Massacre des Harkis   était    Prévisible   Directive   de la Willaya  V   Oranie
 
COMMENTAIRE 
 
Dans certaines archives ,il existe  un tract significatif de l'OAS  Oranie  référence T 649
 
texte d'une émission pirate du 26 Mai 1962  qui révélait une directive secrète du
 
FLN  avec un commentaire très explicite à propos du sort résérvé aux harkis après
 
l'indépendance.  Ce document  de la Willaya  V  ( Oranie )   avait  été remis  par  des
 
correspondants  placés dans les services de renseignement de l' Armée qui faisaient
 
bien  leur travail  même si leurs efforts n'étaient  plus utilisés  contre  le FLN . Ces
 
directives interceptées par l'Armée Françaises sont  classifiées dans les archives
 
à Vincennes  mais on ne signale pas que  l'OAS Oranie  les avait fait connaitre  alors
 
qu'elles  étaient  tenues  cachées  .   Donc  les plus hautes  autorités  étaient au courant
 
des crimes qui se préparaient  et contrairement  à 1941  où  aucun tract  de la résistance,
 
aucune émission  radio   n'avaient évoqué   la "solution finale" ,  Ce drame algérien pouvait  être prévu . 
 
JF Paya       Reférences :   Recueil  de Méssages , Directives et Commentaires de l'OAS Zone III
                      Par Guy Pujante ex resp OAS  Diffusés par voie de Tracts et émissions pirates Radio et Télévision
                     
                      Citation  de la Directive secrète FLN  "Archives inédites de la Politique Algérienne"
                      "interceptée par l'Armée Française" et classifiée     Général    Maurice Faivre       P137
                      
                       Extrait  " ces valets du régime ne trouverons le repos que dans la tombe"
 
 
                                            
  1. -----

 

Jean-François PAYA - 24.06.10 à 23:31 - # - Répondre -

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