D'Algérie - Djezaïr
Mouvement de réconciliation

Prix de la Paix à Boualem Sansal.

Bienvenue, par G Honnefelder.

PRIX DE LA PAIX
Des editeurs et libraires allemands 2011
Discours de bienvenue de Gottfried Honnefelder
Eglise Saint-Paul - Francfort-sur-le-Main
16 octobre 2011
- Seul le texte prononce fait foi -
La richesse de ce monde vient de sä diversite et de sä variete. Qui souhaiterait en effet renoncer aux differentes cultures marquees par leur origine, leur langue, leur religion et leur fagon de vivre ? Cet ensemble heteroclite et varie est une source inepuisable de points de vue - aussi differents que singuliers - qui nous fönt voir le monde et nous-memes, une source qu'un seul oeii ne suffirait jamais ä comprendre.
Chacun de ces aspects. et donc la perception, des la naissance, de soi-meme et du monde, est un refuge - de meme que la langue dans laquelle nous donnons nos premieres reponses est la source de notre parole, notre langue maternelle. C'est en effet ce support de confiance originelle dont nous tirons nos perspectives de vie qui nous donne notre assurance et nous rend apte ä des rencontres.
Mais cette diversite, qui nous distingue de l'autre, le rend aussi etrange, inconnu, c'est un etranger qui peut fasciner mais tout autant sembler perturbant et hostile. Aussi indispensable que soit le berceau unique qu'est la langue, l'origine et la culture de chacun d'entre nous, la difference entre peuples, religions et cultures peut aussi servir de pretexte ä exclure l'autre et provoquer des haines reciproques. La difference peut se transformer en un fait ä eliminer selon certain pouvoir ou bien devenir la pomme de discorde dans une lütte pour le pouvoir.
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Et c'est justement la dissolution tout autant que la formation d'unites \r\ter-etatiques, comme les designe l'epoque moderne, qui pose le probleme de la difference entre les peuples : soit comme pretention au pouvoir d'une ethnie et de sä culture sur les autres, soit comme oppression d'une ethnie particuliere ou de toutes les ethnies par une autre dominante et briguant le pouvoir. Si ä ces strategies de pouvoir sont associees des revendications totalitaires faisant appel ä la culture pour imposer une Ideologie, ce sont les mecanismes d'oppression d'origine diverse, la menace terroriste ou meme une guerre d'extermination voire un genocide qui remplaceront les rivalites entre tribus et cultures que connatt constamment l'histoire du monde.
Nul ne comprend mieux la richesse de l'histoire, de la langue et de la religion et les agressions contre la diversite ethnique que celui qui, non seulement les vit et en parle, mais aussi ecrit afin de reveler ce qui caracterise respectivement les differentes visions du monde et la relation entre elles. Celui qui ecrit ainsi peut ou meme doit, par ses ecrits, devenir le temoin pour se defendre lui-meme et defendre la liberte qui rend possible cette richesse de diversite lorsqu'elle est menacee de disparition ou de silence.
II sait en effet que les cultures, gräce aux echanges et rencontres avec l'autre et l'etranger, rendent sä propre culture perceptible et identifiable. C'est ä la lumiere des autres traditions et de leurs valeurs que j'ai la faculte de percevoir ma propre tradition dans toute son abondance et sä force de lien. Les cultures ne disparaissent pas selon la vision des autres cultures mais en ressortent au contraire enrichies.
Cela suppose bien entendu, sur le plan individuel, la faculte de se percevoir et de percevoir le monde avec les yeux des autres, et sur le plan etatique, la volonte de creer l'espace necessaire ä la diversite culturelle qui s'est developpee. Dans la mesure seulement oü ces deux choses se propageront, l'humanite se consolidera et deviendra humaine.
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Celui qui connait Boualem Sansal et son oeuvre saura que, jusqu'ä present, je n'ai fait que parier de la Situation qu'il vit dans l'Algerie
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d'aujourd'hui et de la maniere dont il hausse la voix en tant qu'ecrivain. C'est ä la fois ä la valeur de son temoignage et au courage dont il fait preuve aux yeux de tous que nous rendons hommage aujourd'hui.
Ne ä l'epoque coloniale de l'Algerie, Sansal apprend ä connaitre la diversite linguistique seculaire du pays : la population berbere d'origine, dont il est lui-meme issu, avec les Kabyles, les Touaregs et les Mozabites, mais aussi la population frangaise et celle arabe qui a de plus en plus d'influence. Ä la liberation du joug de la France colonisatrice et l'obtention de l'independance, ce n'est pourtant pas la democratie tant esperee par Sansal qui s'implante dans ce pays, le deuxieme plus grand d'Afrique et qui permettrait ä cette diversite originelle de vivre en paix, mais une suite de guerres civiles, de coups d'etat, d'instabilite, de terrorisme et finalement une dictature qui n'enraye pas cet islamisme et nationalisme arabe de plus en plus dominant et rigide envers toute autre vie, mais qui lui est au contraire soumise.
C'est la colere grandissante contre une terreur envahissante, l'exercice cynique du pouvoir et l'erosion de la liberte qui poussent l'ingenieur et docteur en economie ä devenir ecrivain ä l'äge de 50 ans et ä ecrire son Premier roman en l'espace de quatre mois. Puisqu'il nomme les choses par leur nom, il deviendra comme Si Larli, le heros de ce premier roman, tout de suite persona non grata. En consequence, lui et sä femme perdront la possibilite d'exercer leur profession ; suivent des attentats exerces sur leur domicile. Finalement - comme l'a ecrit Tun des trois plus grands quotidiens allemands, le FAZ - il ne lui reste plus „que sä vie" ä perdre.
Pourtant, Boualem Sansal reste et continue d'ecrire. Ses livres sont interdits en Algerie, mais renorme succes de ses romans et essais parus chez Gallimard lui accorde une voix toute aussi immense qu'au plus haut point indesirable dans son pays. Comme son heros qui revient dans son dernier roman „Rue Darwin" - qui est aussi le titre du livre - pour deterrer les morts, Sansal creuse les raisons de l'evolution fatale de son pays, rappeile le mutisme sur la shoah qui entoure les juifs de son pays, se revolte contre les abus fait ä l'islam, denonce l'arabisation et l'oppression de la diversite linguistique dans son pays, ne passe pas sous silence les effets
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tardifs du national-socialisme allemand sur l'Algerie et critique la double morale de l'occident face aux aspirations en Afrique du Nord craignant qu'eles manquent ä nouveau ieur objectif.
Gar son objectif n'est autre qu'une democratie mais qui en soit reellement une, parce qu'en democratie seulement, les hommes sont libres de vivre la vie qu'ils ont volontairement choisie conformement ä la diversite et aux differences existantes. Contre la menace terroriste qui sevit quotidiennement dans son pays, il impose le dialogue entre les langues et les cultures, un dialogue entre l'Europe et l'Algerie aussi. II puise sä force dans cette „double culture" dans laquelle il a grandi et qui lui permet de rediger en frangais, dans une langue admirable, des ecrits sur la diversite de cette partie d'Afrique, une diversite qui a elle-meme perdu sä voix.
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C'est un honneur pour le Prix de la paix des libraires allemands de donner un echo de plus dans l'espace germanophone, ä l'appel de Boualem Sansal, appel on ne peut plus courageux et si impressionnant d'un point de vue litteraire, pour la liberte et la paix linguistique, culturelle et religieuse.

Wagner le 08.11.11 à 12:37 dans d/ Nos écrivains célèbres. - Lu 782 fois -
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