Proposer une devise
"Il faut mettre ses principes dans les grandes choses, aux petites la miséricorde suffit." Albert Camus// "La vérité jaillira de l'apparente injustice." Albert Camus - la peste// "J'appelle à des Andalousies toujours recommencées, dont nous portons en nous à la fois les décombres amoncelés et l'intarissable espérance." Jacques Berque// « Mais quand on parle au peuple dans sa langue, il ouvre grand les oreilles. On parle de l'arabe, on parle du français, mais on oublie l'essentiel, ce qu'on appelle le berbère. Terme faux, venimeux même qui vient du mot 'barbare'. Pourquoi ne pas appeler les choses par leur nom? ne pas parler du 'Tamazirt', la langue, et d''Amazir', ce mot qui représente à la fois le lopin de terre, le pays et l'homme libre ? » Kateb Yacine// "le français est notre butin de guerre" Kateb Yacine.// "Primum non nocere" (d'abord ne pas nuire) Serment d'Hippocrate// " Rerum cognoscere causas" (heureux celui qui peut pénétrer le fond des choses) Virgile.// "Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde" Albert Camus.Sommaire
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D'Algérie-Djezaïr
Le MOUVEMENT D’Algérie-Djezaïr vient d’être officialisé par plus d’une centaine de membres fondateurs résidant dans le monde entier, ce 22 juin 2008 à Saint Denis (Paris - France). Il est ouvert à toutes celles et ceux qui voudront le rejoindre, natifs d'Algérie, et leurs descendants.ORGANISATION
Elle est démocratique, c'est-à-dire horizontale, sans centralisme, et sans direction. Les décisions essentielles doivent être conformes à l’esprit du Texte Fondateur. Elles sont prises après larges consultations, où tous les membres donnent leurs opinions. Les règles internes sont arrêtées par les "adhérents". Pas de cotisations. Les groupes et le Mouvement trouvent les moyens de faire aboutir leurs actions.Festival de Cannes 2010.
"Hors la loi" de Rachid Bouchareb.
Sans surprise, ce film au financement français majoritaire mais présenté sous pavillon algérien a suscité la polémique! Bien oui, les feux sont mal éteints... El Watan 23/05/2010 Rachid Bouchareb : « Il serait grand tempsde raconter l’histoire du colonialisme » Rachid Bouchareb, réalisateur de Hors-la-loi, en compétition officielle au Festival de Cannes, a estimé qu’« il serait grand temps de raconter l’histoire du colonialisme et dire que l’Algérie n’était quand même pas un paradis pour les indigènes. Franchement, qui peut vraiment penser que la colonisation fut une chose ‘’positive’’ ? Et pourquoi pas l’esclavage, tant qu’on y est », a indiqué le cinéaste dans un entretien publié par Libération. Rachid Bouchareb est revenu sur la polémique déclenchée par son film par des milieux qui lui reprochaient, entre autres et sans avoir vu son œuvre, la séquence dans laquelle il évoquait les massacres du 8 Mai 1945. « Le problème n’est pas Sétif, mais c’est de parler d’une période entière qui n’est jamais vue au cinéma », a-t-il expliqué, ajoutant qu’« au lieu de tourner, en Algérie, un long métrage sur la guerre d’Algérie, je l’ai déplacé en France. Cela donne un film que j’aurai pu appeler la Bataille de Paris. Certains Français ont peur de voir ce qu’on montre ». Rachid Bouchareb s’est défendu d’avoir fait un film « anti-français » comme le lui reprochent ses détracteurs. Par APS Cinéma. Festival de Cannes 2010 : Hors-la-loi,Frères d’armes Rachid Bouchareb, le souffre-douleur de l’extrême-droite en France, a présenté Hors-la-loi, vendredi, au 63e Festival de Cannes l Il mérite largement de remporter un grand prix, sinon la palme. Cannes (France) De notre envoyé spécial La Croisette, en partie envahie par un ramassis de pieds-noirs et d’anciens tortionnaires, était vendredi sous haute tension, avec CRS et gendarmes en tenue de combat à tous les carrefours. A la projection de presse du matin, Hors-la-loi a été très longuement applaudi et la salle de conférences de presse vite remplie de journalistes et de cameramen de télévision. très émouvante, superbe, Chafia Boudraâ a créé une énorme sympathie parmi les envoyés spéciaux du monde entier en parlant de son rôle de mère dans le film : « Je suis la mère du monde entier, votre mère aussi... », a-t-elle déclaré sous des applaudissements nourris. Hors-la-loi est un film riche en rebondissements, avec des situations très fortes menées jusqu’au bout. C’est une œuvre de colère, de révolte et de larmes. C’est aussi une histoire d’amour de trois fils pour leur mère. La monstrueuse répression de Sétif de mai 1945 s’est passée le jour de la libération de Paris. Le film commence par des photos d’archives de Paris en liesse. Il se termine par les images d’Alger en juillet 1962 et la fête d’Indépendance. Après la mort du père à Sétif, la mère, modèle de bonté et d’endurance, a quitté le pays pour un bidonville de Nanterre. Les trois frères ont grandi. Messaoud (Roshdy Zem) s’est engagé en Indochine, Abdelkader (Sami Bouadjila) est devenu le chef d’une cellule FLN, Saïd (Jamel Debbouze) a préféré les sordides bas-fonds de Pigalle et le monde compromettant de la boxe. Tous les trois sont restés profondément liés à leur mère. Le début du film fait songer à Chroniques des années de braise de Mohamed Lakhdar Hamina. Notre mère, la terre La famille de paysans est expropriée de sa terre par un ordre outrancier du régime colonial. moment extrêmement émouvant du film quand l’image enregistre la détresse de toute l’Algérie dépossédée. On admire là la performance d’acteurs d’Ahmed Ben Aïssa, le père, et déjà celle de la mère, Chafia Boudraâ. Un tableau de l’occupation coloniale d’une extrême noirceur et la violence de la répression qui a poussé tant d’Algériens à l’émigration. Se posait alors la question de l’organisation de la lutte sur le territoire même de la France. Des cellules de résistance sont mises en place avec l’aide discrète, mais fort courageuse d’hommes et de femmes français au mépris de leur vie. Bouchareb illustre dans son film, de façon dramatique, la lutte FLN-MNA avec des règlements de comptes terrifiants, qui balayent la croyance naïve que le combat nationaliste était mené dans l’union sacrée. Hors-la-loi a fait une grande impression encore une fois à Cannes. Depuis des jours, toute la presse mondiale attendait la projection. Rachid Bouchareb a affronté sereinement tous les détracteurs de son travail sans l’avoir vu. Hors-la-loi est un film, ce n’est pas un champ de bataille, répétait-il lors de sa conférence de presse. C’est une œuvre qui vise à l’apaisement des relations franco-algériennes, et non le contraire. L’abcès du passé colonial est maintenant percé, tout le monde va pouvoir s’exprimer. Le public comme les historiens. « De quoi faut-il avoir peur ?, demande le cinéaste. Les Algériens, les Français, les Maghrébins, les Africains, surtout les nouvelles générations, ont besoin de connaître le passé colonial. C’est aussi le rôle du cinéma. » L’actrice Chafia Boudraâ : Un émouvant rôle crevant l’écran La grande dame du cinéma algérien, Chafia Boudraâ, crève l’écran dans le film Hors-la-loi de Rachid Bouchareb. Elle campe le rôle d’une mère de trois fils. Une histoire d’une famille déracinée, expropriée, séparée, victime du colonialisme français et poussée vers un exil forcé. Chafia Boudraâ est la mère de Messaoud (Roschdy Zem) s’engageant en Indochine, Abdelkader (Sami Bouadjila) œuvrant et militant pour l’Indépendance de l’Algérie, et Saïd (Jamel Debbouze), une « petite frappe » et du milieu interlope de Pigalle, à Paris. Leur destin, scellé autour de l’amour d’une mère, se mêlera inexorablement à celui d’une nation en lutte pour sa liberté. Dès les premières images, Chafia Boudraâ, est photogénique, « cinégénique ». Le plan serré (close-up) sur la poignée de terre qu’elle prend dans sa main avec rage pour se répandre en diatribe contre l’injustice du caïd, suppôt du colonisateur et lancer son cri du cœur. Celui d’une mère battante et combattante. C’est elle qui ose défier l’ordre colonial établi à la place du père. Mère courage marquée par la vie et les destins croisés d’une fratrie. Du coup, Chafia Boudraâ incarne un rôle pivot, clé et pilier dans Hors-la-loi. Matrice, mère nourricière et protectrice, c’est elle qui fédère sa cellule familiale. Elle est le giron maternel ! Tout au long de son travelling filial, elle maintient le cordon ombilical avec ses trois enfants. C’est elle qui envoie une lettre attendrissante à Messaoud, sur le point d’être parachuté en Indochine et de s’y faire prisonnier, en lui exprimant son amour et lui remonter le moral. C’est elle qui, à son retour au bidonville de Nanterre, lui « arrangera » son mariage. C’est elle qui ira rendre visite à Abdelkader incarcéré dans un pénitencier de Paris en lui disant : « La prison est faite pour les hommes (en dialecte arabe). » Une séquence très émouvante et lacrymale. Une « mer de larmes » ! C’est elle qui essaie de dissuader et raisonner Saïd de se retirer du milieu de la pègre et de gagner sa vie honnêtement. « Saïd, dans Hors-la-loi, se sent moins concerné que ses frères par la guerre. Ce qui l’intéresse avant tout, c’est d’assouvir sa passion pour reconquérir le cœur de sa mère qui le considère comme un voyou et un moins que rien : il souffre énormément d’avoir été rejeté par elle. Du coup, il se consacre totalement à la boxe qui lui permettra, pense-t-il, d’atteindre son objectif. Moi aussi, j’aurais sans doute choisi une route un peu marginale. Et puis, moi aussi, j’aime ma maman », dira Jamel Debbouze à propos de son rôle par rapport à sa mère (Chafia Boudraâ). C’est vers elle que se jette Messaoud pour lui confesser ce que font ses mains « mortifères ». Et puis, Chafia Boudraâ, dans Hors-la-loi, c’est la parabole de l’Algérie colonisée, meurtrie qui a mal dans sa chair. D’ailleurs, elle laissera un précieux legs à son fils Abdelkader, cette poignée de terre de l’humus de Sétif. Le rôle de stabat mater (douleur de la mère) de Chafia est tout simplement grandiose. Par K. Smaïl Le 22/05/2010 Hors-la-loi. Lecture cinématographique : Pédagogique avant tout Si l’actualité lui confère une aura particulière, le film de Bouchareb reste une œuvre en tant que telle. Lecture à chaud après sa projection. Une séquence : Sami Bouajila danse avec une Française qui collabore au sein du FLN. Une mélodie : celle de Ray Charles vantant sa Georgia on my mind, tant célébrée. La séquence est furtive, belle en soi, dégageant l’une des rares respirations d’un film attendu, critiqué, vilipendé et finalement projeté dans l’enceinte du Grand Théâtre Lumière. Nous sommes à Cannes. Hors-la-loi concourt pour la Palme d’Or et Bouchareb, son auteur, renoue avec la force patriotique d’Indigènes. Buzz médiatique depuis quelques mois qui a vu différentes accusations de l’extrême-droite, des associations d’anciens combattants et surtout du député UMP des Alpes Maritimes, Lionel Luca, reprocher à Bouchareb de « falsifier l’histoire ». En cela, un important dispositif de sécurité est mis en place depuis ce matin afin de contrecarrer les plans saugrenus du Front National désirant saborder les projections. Plus que tout autre film de la compétition officielle, Hors-la-loi a convoqué toute une armada d’agents, de policiers dans un stress bien visible. Les bouteilles d’eau sont réquisitionnées, les sacs fouillés plusieurs fois et les consignes respectées à la lettre. Cette projection prend des allures d’inquiétante étrangeté au sein d’un Bunker où le cinéma doit normalement régner. De l’autre côté de la Méditerranée, la ministre de la Culture, Khalida Toumi, clamait récemment avoir envoyé une délégation composée de journalistes et de réalisateurs algériens afin de « soutenir le film de Bouchareb ». Le branle-bas de combat est lancé. Le film peut débuter. Depuis que l’Etat français colonisa l’Algérie, au début du XIXe siècle, et jusqu’en 1962, date de l’indépendance, il n’y eut pratiquement aucune image réelle du quotidien des Algériens (ou des autochtones pour les colons) qui étaient savamment présentés soit en amorce d’un plan, soit en hors-champ, égarés et surtout dans des positions délicates où leur prétendue sauvagerie n’avait d’égale que leur stupidité. Cet asservissement de l’image prenait corps dans la matérialisation d’un fantasme exotique qui amplifiait les clichés, leur donnant un liant qui déshumanisait et escamotait le geste algérien. Absent, égaré, l’Algérien était retiré de tout contexte historique et participait à une série de propagandes visuelles orchestrées par une administration qui abusait de son pouvoir sur les images. Il est donc logique qu’après 1962, le jeune Etat algérien voua son idéologie cinématographique à raconter la vraie vie du peuple opprimé et ses luttes, effort qui se traduisit par un besoin vital de s’échapper du ghetto identitaire construit par l’histoire coloniale. Lorsque Mohamed Lakhdar Hamina réalise Chronique des années de braise, il convoque pour la première fois une caméra qui scrute un récit antérieur aux fameuses journées du 8 mai 1945, épousant exceptionnellement un désir de rafraîchir une mémoire cadenassée. Le cinéma algérien, à cette époque, devait légitimer une nation et construire une identité afin de l’inscrire dans l’histoire du cinéma. Les films de guerre affluaient et pendant ce temps, en France, très peu de réalisateurs captèrent frontalement ces années que tous voulurent oublier et certains cacher. Hormis quelques exemples tels que Laurent Heynemman (La Question), Jean-Luc Godard (Le Petit soldat), Alain Cavalier (L’Insoumis), le cinéma français prenait le soin de ne pas agiter des choses venues d’un pays que l’on considérait autrefois comme un énième département français. Le hors-champ n’existait plus. Une qualité essentielle Depuis quelques années, force est de reconnaître la suprématie du bon sens qui donne un élan dans la nécessité de retravailler la réceptivité de l’Histoire. Philippe Faucon, Bertrand Tavernier, Florent Emilio Siri, à leur manière, se réapproprient le canevas algérien et participent à l’élaboration de récits structurés pour donner un visage à cette guerre sans nom. Le temps aidant, certaines choses doivent être filmées autrement et toute cette nouvelle configuration peut parfois accentuer la pédagogie du message. C’est le cas de Rachid Bouchareb qui, depuis Indigènes (2005), s’est lancé dans une bataille informative mâtinée d’une émotion fabriquée. Du cinéma politique en somme ! Hors-la-loi est à classer dans la seconde partie d’une filmographie en dents de scie. Bouchareb est né en France et est d’origine algérienne. Cette double culture est importante, car elle s’installe dans ses premiers films où l’on sent une envie délibérée de questionner une marque indélébile qui continue aujourd’hui de travestir les vérités. De Cheb à Little Sénégal, en passant par Bâton rouge ou Poussières de vie, Bouchareb s’est frayé dans ses films un chemin particulier en convoquant histoires personnelles et vecteurs sociologiques, donnant à ses films des moments de grâce où le cinéma reprenait tout son sens, et s’écartant des sempiternels cahiers des charges du politiquement correct. Depuis Indigènes, la situation changea du tout au tout, et offrit à Bouchareb, qui avait réglé, cinématographiquement parlant, ses interrogations identitaires, l’occasion de s’adonner à un autre registre, la pédagogie lyrique. Indigènes fut un succès public inimaginable et servit même dans la réalité avec le bouleversement des pensions des retraites allouées aux anciens combattants maghrébins. Du jamais vu dans la sphère d’un art parfois fragmenté. Bouchareb l’a toujours clamé, Indigènes est le premier film d’un triptyque sur l’Algérie. Certes, mais là, les questions personnelles de l’identité, de la double culture et de l’éclectisme sont éclipsées au profit d’un didactisme appuyé qui doit présenter de nouvelles formes à de nouvelles générations. Hors-la-loi est de cet acabit ! Pour recréer un territoire d’identification, il faut continuellement convoquer les origines. Bouchareb va donc construire un récit qui débutera dans les plaines algériennes des années vingts jusqu’à l’indépendance, en passant par les journées historiques et terribles du 8 mai 1945 et du 17 octobre 1961. La qualité essentielle du film est de montrer des choses habituellement formatées, de faire tomber des légendes. Un cinéaste n’a pas pour fonction de rendre compte de la chronologie historique, il doit en faire un rapprochement avec la société dans laquelle il vit. En cela, très peu de choses sont mises en parallèle, ce qui confirme un objectif de raconter pour ne pas oublier, de reprendre cette nécessité d’esquiver coûte que coûte l’officiel de la guerre pour que la vérité soit perpétuée. Hors-la-loi s’inscrit dans une volonté de tout montrer, de ne pas perdre de temps, d’éclaircir parfois certaines zones d’ombre, de fouiller réellement les méthodes du FLN (nouvelle couleur de filmage, nouvelle vérité), de montrer des résistants effectuant un « sale boulot », de travailler sur le hors-champ, donc de procurer un respect dans les notations historiques. Hors-la-loi convoque dans la foulée un certain lyrisme qui dessert automatiquement les intentions premières des cinéastes (travailler la notion d’histoire), mais qui auréole les messages de résistance par des séquences aussi lacrymales qu’intrigantes. Bouchareb, en bon chef d’orchestre, use et abuse du quatuor de violons pour effacer toutes notions cinématographiques qui perturberaient le spectateur. Il finit donc par faire des concessions et abandonne le concept qu’il utilisait dans ses précédents films. Hors-la-loi est une œuvre efficace car elle parlera à tous les spectateurs du présent avec des moyens plats et schématiques. Pour ce qui est de l’avenir, et en raison d’une absence d’un sérieux travail réflectif, le film risque d’errer dans les nuages du cinéma politique. Nous ne pouvons certainement pas lui reprocher d’avoir filmé ce sujet, ni d’avoir – enfin – montré les massacres du 8 mai 1945 (de nombreux Français découvriront aves surprise cet événement absent des livres scolaires), ni d’avoir rétabli une certaine équité dans la balance de réflexion autour de la Guerre d’Algérie. Le problème, c’est qu’en pratiquant un cinéma basé sur les bons sentiments, sur l’étirement des scènes « grandioses » où chaque acteur à son quart d’heure d’Actor Studio, sur les pistes de lecture trop nombreuses pour une réelle identification, Hors-la-loi ne restera peut-être pas dans les mémoires en tant qu’écriture cinématographique, mais ravira les spectateurs du présent dans leur rapport à l’Histoire. Hier, à Cannes, il a été fortement applaudi à l’issue de la première projection de presse. Bon signe sur la future réceptivité des publics ? Par Samir Ardjoum Controverse au festival de Cannes Le film qui remue la guerre des mémoires La projection du film Hors-la-loi, en compétition officielle pour la Palme d’or du 63e Festival de Cannes, sous les couleurs et la bannière de l’Algérie, a drainé un aréopage massif de journalistes, de comédiens et d’hommes de culture. Dès les premières images, le nouveau film de Rachid Bouchareb Hors-la-loi ayant suscité une polémique en France, avant même sa sortie et sa vision – Rachid Bouchareb a été obligé d’adresser une lettre au directeur du Festival pour dépassionner le débat autour de son film –, vous tient en haleine et vous prend aux tripes pour ne pas dire « trip ». Un voyage, un flash-back sur l’histoire de la résistance nationale et le mouvement révolutionnaire contre le colonialisme français. Rachid Bouchareb signe, ici, sans complaisance ou autre flagornerie, une œuvre majeure d’excellente facture, surtout au niveau de la mise en scène. C’est que ce réalisateur, après Indigènes et London River, est en train de s’affiner et de se bonifier, filmiquement parlant. La preuve ! Il traite d’un pan de l’histoire algérienne sous l’occupation française. Mais pas d’une manière manichéenne, frontale et déclarée. Rachid Bouchareb retrace une guerre, un combat d’un peuple s’affranchissant, se libérant et arrachant son indépendance. Et ce, de par une fiction mêlant drame, histoire et action. Trio infernal Le pitch du film ? Chassés de leur terre algérienne, leur humus natal, à Sétif, en 1925, trois frères et leur mère sont séparés. Messaoud s’engage en Indochine. A Paris, Abdelkader prend la tête du mouvement pour l’indépendance de l’Algérie et Saïd fait fortune dans les bouges et les clubs de boxe de Pigalle. Leur destin, scellé autour de l’amour d’une mère, se mêlera inexorablement à celui d’une nation en lutte pour sa liberté… Une histoire filiale d’une fratrie d’armes. Un film fait office de suite d’Indigènes, dont le scénario est de Rachid Bouchareb et Olivier Lorelle. Cette fois-ci, sans Samy Naceri, avec sa « dream team » : Jamel Debbouze, Sami Bouajila, Roschdy Zem, Bernard Blancan qui ont crevé l’écran. Avec une mention spéciale pour les comédiens algériens comme Chafia Boudrâa, Ahmed Benaïssa et Mourad Khan qui ont joué juste et avec générosité. Un thriller historique, mnémonique et chronologique digeste et galvanisé. 2 heures 11 minutes pour convaincre… les sceptiques, les détracteurs et les esprits chagrins. Du celluloïd d’une brillance, pas à l’effet bœuf, compulsant les interstices de l’histoire. L’exaction féodale, l’expropriation, les massacres du 8 Mai 1945 à Sétif (Guelma et Kherrata), la guerre d’Indochine en 1953, le déclenchement de la révolution de Novembre 1954, l’activisme nationaliste au bidonville de Nanterre (Paris), les actions révolutionnaires du FLN au cœur de la France, les manifestations d’octobre 1961 réprimés par la police de Papon, les exécutions sommaires de la Main rouge (escadrons de la mort, un service parallèle et clandestin français), des activistes du FLN et puis l’indépendance en 1962. Mise en scène au cordeau Hors-la-loi est émaillé par plusieurs référents et autres clins d’œil, de façon subliminale, de la cinéphilie de Rachid Bouchareb. Salvatore Giuliano de Francisco Rosi, Le Sicilien de Michael Cimino, 1900 de Bernardo Bertolucci, Le Parrain de Francis Ford Coppola, Bonnie and Clyde d’Arthur Penn ou encore Chroniques des années de braise de Lakhdar Hamina dans la chronologie. En fait, Rachid Bouchareb a évolué et cela se sent de par son élévation, voire épaisseur filmique universelle mâtinant des fondus enchaînés subtils entre les séquences documentaires en noir et blanc avec le détail artistique colorisé (le drapeau algérien vert, blanc, rouge et celui français, bleu, blanc, rouge), des plans à l’œil compas, des découpages au cordeau, et une trame déclinée comme du papier à musique. Bref, un film pas du tout mineur, émouvant, lacrymal, incisif, fluide, sans complexes et sans complexes. Hors-la-loi est un film élégant, quoi ! Il peut prétendre à une distinction quant à la mise en scène ou à un prix d’interprétation au Festival de Cannes. Hors-la-loi sortira en salle le 22 septembre 2010. Par K. Smaïl À propos du film Ken Loach soutient Bouchareb Le cinéaste britannique Ken Loach a déclaré vendredi sur les ondes de France-Infos : « Hors-la-loi en compétition officielle au Festival de Cannes, c’est une excellente nouvelle qu’il y ait un film sur la guerre d’Algérie, de la même façon dont nous avions évoqué la guerre d’indépendance irlandaise… La vraie histoire est une grande responsabilité. Je suis sûr que c’est ce que Rachid Bouchareb va essayer de faire », a-t-il indiqué sur les ondes de France-Infos. Il est bien important de savoir ce qu’il y a eu lieu dans le passé. On doit comprendre qui on est, d’où vient-on et pourquoi le présent est tel qu’il est. C’est très important de savoir tout cela. Fiction vs friction Rachid Bouchareb, réalisateur de Hors-la-loi, a souligné hier, lors d’une conférence de presse : « J’ai fait ce film pour qu’il débouche sur une rencontre, pour des choses positives. Qu’il ouvre un débat... Les spectateurs verront bien qu’il n’y a pas d’animosité…Hors-la-loi n’est pas là pour provoquer des affrontements mais bien au contraire pour ouvrir un débat et qu’enfin tout le monde puisse s’exprimer autour du film et que demain une page se tourne…Mon film n’a pas vocation à être une analyse historique, c’est une œuvre de fiction. » Syndrome du 8 Mai 1945 L’historien algérien Mohamed El Korso a déclaré : « La France a peur de sa propre histoire…Une certaine France refuse de voir en face sa propre image qui est celle du colonisateur et de ses méfaits durant la période coloniale (1830-1962), notamment les massacres du 8 Mai 1945…Les Français ont refusé que les Algériens s’expriment librement et pacifiquement le 8 mai 1945… A chaque fois que l’Algérie rappelle son histoire à cette France nostalgique, il y a des nostalgiques qui expriment leur haine envers les Algériens. » Lettre ouverte à Monsieur Rachid BOUCHAREB, réalisateur du film Hors la loi, sélection officielle du 63ème festival de Cannes. LE POMPIER PYROMANE… Dans le communiqué que vous avez adressé à l’AFP depuis Los Angeles, vous appelez au calme après les passions déclenchées par votre film Hors la loi et, dans un souci d’apaisement, vous rappelez 2 choses : « Hors la loi est un film de fiction, une saga qui raconte l’histoire de 3 frères algériens depuis les années 30 jusqu’à l’indépendance de l’Algérie en 1962 et, en vous défendant de vouloir faire une œuvre d’historien, il vous paraît normal que certains puissent être en désaccord avec votre film ». Désaccord est un bien faible mot pour exprimer ce qui nous oppose à la façon dont vous évoquez outrageusement les événements dramatiques du 8 mai 1945 à Sétif et tous ceux qui se sont déroulés en France et en Algérie jusqu’à l’indépendance en 1962. Vous tentez à présent d’éteindre le feu que vous avez allumé avec l’interview accordée au journal El Watan le 21 juin 2009. Vous expliquez avec force détails « vouloir rétablir avec votre film une vérité historique jusque là confinée dans les coffres » (coffres français cela va de soi). Vous dites « on va tout déballer à travers ce film », vous annoncez que « ce long métrage de 2h30mn consacrera 25mn aux événements du 8 mai 1945 à Sétif et à Kerrata pour mettre la lumière sur une partie (pourquoi une partie ?) de ces événements sanglants et leur donner une dimension universelle » (sic). Vous oubliez effectivement les villages de Amouchas, Perégotville, Sillègue, La Fayette, Chevreul… Vous n'ignorez pas que l'insurrection du 8 mai est un djihad avec sa violence et son fanatisme. Partout on a entendu les cris "N'Katlou ennesara". Vous n'ignorez sûrement pas que cela veut dire «Tuons les Chrétiens». Ces déclarations nous avaient suffisamment mis en alerte pour que nous nous inquiétions du scénario car, déjà votre film Indigènes, du point de vue historique et réalité des faits, souffrait de grosses lacunes ou d’omissions volontaires. C’est pour cela que nous dénonçons, avec les historiens qui se sont attachés à en faire l’analyse, toutes les erreurs graves qui ont été relevées dans la relation et la présentation des faits contenus dans votre film Hors la loi. On ne peut pas prétendre rétablir une vérité en prenant pour base des faits qui n’ont pas eu lieu ou en les déformant. Quand la vérité est à ce point falsifiée et détournée, il ne s’agit plus de liberté artistique mais de désinformation politique et/ou de propagande idéologique. Nous nous posons la question de savoir pourquoi l’Algérie se fait représenter par « Hors la loi » alors qu’elle a interdit d’autres films traitant du même sujet, mais en contradiction avec l’histoire officielle de l’Algérie ? Le Collectif Vérité Histoire Cannes 2010 1° : <http://www.lepoint.fr/actualites-medias/2010-05-10/festival-de-cannes-le-film-de-rachid-bouchareb-finance-a-59-par-la-france/1253/0/453127> Le 8 mai 1945 et sa mémoire en Algérie et en France (2005) dimanche 26 mars 2006. Communication au colloque Mémoire et histoire, 60 ans après le 8 mai 1945, organisé par la Stiftung Genshagen au château de Genshagen (Berlin), 29-30 avril 2005, présentée à la fin de la journée du 29. Le rapport entre ce sujet et celui du colloque peut sembler une simple coïncidence de dates, le 8 mai 1945 renvoyant à deux événements à première vue sans rapport entre eux : la capitulation du IIIème Reich à l’issue de la Deuxième guerre mondiale, et une insurrection manquée des nationalistes algériens contre la domination française en Algérie suivie d’une très dure répression. La signature de la capitulation allemande à Berlin le 8 mai 1945 est un événement dans lequel la participation française est restée relativement secondaire, même si la Ière armée française du général de Lattre de Tassigny, venue en grande partie d’Afrique du Nord, formait l’aile droite des armées alliées qui ont envahi l’Allemagne par l’ouest. Ce qui explique la réaction du maréchal Keitel en voyant signer celui-ci : « Quoi ? Même les Français ? » Le 8 mai 1945 en Algérie est, plus qu’une simple coïncidence, en partie une conséquence de l’événement précédent. Le 8 mai, des défilés officiels sont organisés en Algérie pour fêter la capitulation allemande et la fin de la guerre. D’autres manifestations organisées par les nationalistes algériens ont été autorisées sous condition de n’arborer aucun emblême ou slogan jugé séditieux par les autorités, qui viennent d’exiler le leader Messali Hadj à Brazzaville pour éviter un soulèvement. Mais à Sétif, à Bône et à Guelma, des drapeaux et des banderoles nationalistes sont arborées, ce qui provoque l’intervention armée de la police voulant les arracher. Un début s’insurrection se produit à Sétif et se répand dans les campagnes environnantes, puis dans les environs de Guelma. La répression reprend rapidement le dessus, mais elle sévit pendant plusieurs semaines, particulièrement à Guelma et dans ses environs. Le bilan est bien connu du côté français : 102 morts (dont 14 militaires, et 2 prisonniers italiens), 110 blessés et 10 femmes violées. Mais il est resté très incertain du côté des insurgés : officiellement 1.165 morts, mais ce bilan n’a convaincu personne, et d’autres estimations officieuses ont rapidement circulé : 5.000 à 6.000, 6.000 à 8.000, voire 15.000 à 20.000. Les nationalistes ont retenu 45.000 morts, voire davantage (80.000 ou 100.000 ?), mais sans démonstration probante. Quant aux causes de ces événements, elles ont été longtemps controversées, entre l’interprétation de la gauche, notamment communiste, dénonçant un complot colonialiste des grands colons et de la haute administration manipulant des nationalistes pro-hitlériens, et l’interprétation de la droite colonialiste dénonçant uniquement un complot nationaliste algérien [1]. L’objet de cette communication est de retracer l’évolution de l’historiographie de cet événement dans les deux pays, qui est d’abord passée de la polémique à l’histoire, avant de voir de nouveau la polémique concurrencer et contrarier l’histoire. De 1945 à 1962 : un enjeu politique direct Durant une première période, allant de l’insurrection manquée à l’indépendance effective de l’Algérie, les écrits sur le 8 mai 1945 appartiennent à un genre essentiellement politique. La persistance d’enjeux actuels fait que leur production dépend étroitement de prises de positions en rapport direct avec le problème du destin de l’Algérie par rapport à la France. En France, les échos de cet événement sont alors peu importants, à l’exception du très important débat de l’Assemblée consultative provisoire sur les événements d’Algérie en juillet 1945 [2], accompagné d’une importante déclaration du ministre de l’Intérieur du GPRF Adrien Tixier [3]. Mais ces débats d’une assemblée non élue touchent relativement peu de monde, et la presse a très peu de place à leur accorder, même si quelques personnalités motivées comme Albert Camus [4] manifestent leur intérêt pour cet événement algérien. Dans les années suivantes, un seul livre est consacré à l’insurrection de mai 1945 par un élu français d’Algérie, celui d’Eugène Vallet, Le drame algérien. La vérité sur les émeutes de mai 1945, Les grandes éditions françaises, 291p, 1948. Ce livre était très bien documenté, mais très unilatéral. Un point de vue plus critique envers les abus de la répression se trouve dans ceux d’Henry Bénazet, L’Afrique française en danger, paru en 1947, pourtant non suspect d’anticolonialisme, et du socialiste Charles-André Julien, L’Afrique du Nord en marche, nationalismes musulmans et souveraineté française [5], Julliard, 1952. En Algérie, l’impact de la répression colonialiste sur la propagande nationaliste du PPA-MTLD est très grand, mais il ne se manifeste pas par des recherches ni par des publications historiques. La progande orale ou écrite magnifie le crime colonialiste et son bilan, en passant sous silence les victimes européennes de l’insurrection, comme le fait remarquer Charles-André Julien [6] en 1952. Cependant cette propagande se développe encore davantage dans le discours du FLN pendant la guerre d’indépendance [7] qui commence le 1er novembre 1954. Le premier appel de l’ALN évoque alors « 1945 avec ses 40.000 victimes », et la propagande du FLN lui accorde une place croissante, en particulier après le retour au pouvoir du général de Gaulle, déjà à la tête du GPRF en mai 1945. Cependant, l’exposé le plus frappant pour les Français fut peut-être celui du journaliste suisse Charles-Henry Favrod dans son livre paru en France La révolution algérienne, Tribune libre, Plon, 1959 : « Tous les chefs nationalistes sont unanimes à ce sujet : la révolution de 1954 a été décidée lors des événements de 1945. Tous ceux que j‘ai rencontrés au Caire, à Tunis, à Bonn, à Rome, à Genève, m’ont fait le récit hallucinant des jours et des nuits de mai. Le destin de l’Algérie a été scellé dans ce sang et ces larmes. Ouamrane, Ben Bella, Boudiaf, Chérif, et tant d’autres, sous-officiers et officiers de l’armée française, n’ont pas oublié ce qui s’est passé entre Bougie et Sétif, entre Bône et Souk-Ahras [8]. » A cette exaltation sans cesse croissante de la mémoire de la répression de mai 1945 par le FLN, la France n’a pas répondu. On peut seulement relever la déposition paradoxale du colonel Groussard en 1962 au procès de l’ex-général Salan, lequel a reconnu la gravité de la répression de mai 1945, mais pour en conclure que nombre d’officiers français s’étaient engagés en faveur de la politique d’intégration de l’Algérie dans la France afin d’en éviter la malheureuse répétition [9]. 1962-1990 : le début de l’histoire L’indépendance de l’Algérie a changé cette situation, en privant le 8 mai 1945 de son importance politique directe. Dans les deux pays, le temps de l’histoire est enfin venu, et une convergence entre les travaux et les publications, quels que soient leurs auteurs, est devenue possible. En France, la première enquête approfondie est publiée dès la fin de 1962 par une équipe dirigée par l’intellectuel Robert Aron, Les origines de la guerre d’Algérie, Fayard, 332 p. Pour la première fois, de larges extraits de documents d’archives furent publiés pour éclairer ce premier épisode trop méconnu [10]. Vint ensuite en 1969 une autre enquête non moins approfondie dans le premier tome d’une histoire de la décolonisation française publié en 1969 par le journaliste Claude Paillat (sympathisant de l’Algérie française et très bien pourvu en documents de cette origine) : Vingt ans qui déchirèrent la France, t. 1, Le guêpier, 1945-1953, [11], Robert Laffont, 1969. Plus connue, l’évocation de cet épisode l’année précédente dans le premier tome de l’histoire de la guerre d’Algérie d’Yves Courrière, Les fils de la Toussaint, Plon, 1968, était beaucoup moins solidement fondée parce que dépendant essentiellement de la mémoire des militants nationalistes algériens [12]. C’esr pourtant un ancien militant nationaliste algérien, ayant choisi de vivre en France pour y travailler plus librement, Mohammed Harbi, qui réalisa les travaux les plus novateurs et ouvrit la voie à une véritable convergence des points de vue algériens et français. Il publia dès 1975 un petit livre très neuf, Aux origines du FLN, la scission du PPA-MTLD, ou Le populisme révolutionnaire en Algérie, Christian Bourgois, 1975, qui fut le premier à reconnaître que la thèse colonialiste d’un projet d’insurrection nationaliste était beaucoup plus solidement fondée que celle du complot colonialiste soutenue par la gauche [13], puis Le FLN, mirage et réalité, Editions Jeune Afrique, 1980, où il confirma son analyse [14]. Au même moment la thèse de Mahfoud Kaddache, Histoire du nationalisme algérien, 1919-1951, Alger, SNED, 1980 et 1981, vint confirmer avec une abondante documentation que les projets nationalistes d’insurrection étaient très antérieurs à mai 1945, puisqu’ils remontaient au début de la Deuxième guerre mondiale [15]. Puis d’autres historiens algériens approfondirent l’étude du 8 mai 1945 : d’abord Redouane Aïnad-Tabet publia plusieurs versions enrichies de son mémoire sur Le mouvement du 8 mai 1945 en Algérie [16] ; puis Boucif Mekhaled soutint en France [17] sa thèse sur Les événements du 8 mai 1945 à Sétif, Guelma et Kherrata, Paris I, 1989, 724 p. Durant la même période, les historiens universitaires français ont été plus timides par le volume de leurs publications. Il faut citer avant tout la mise au point de Charles-Robert Ageron dans l’Histoire de l’Algérie contemporaine, [18] puis deux articles importants, l’un du même Charles-Robert Ageron, « Les troubles insurrectionnels du Nord-Constantinois en mai 1945 : une tentative insurrectionnelle ? » [19], et l’autre d’Annie Rey-Goldzeiguer, « Le 8 mai 1945 au Maghreb » [20]. Les deux principales publications furent le livre engagé mais très bien documenté de la Française d’Algérie Francine Dessaigne, La paix pour dix ans (Sétif, Guelma, mai 1945) [21]), et le très riche recueil de documents des archives militaires publié sous la direction de l’historien Jean-Charles Jauffret, La guerre d’Algérie par les documents [22]. De 1990 à nos jours : retour de mémoire et instrumentalisation de l’histoire ? L’évolution en cours semblait donc annoncer une convergence des travaux historiques, favorable à un accord sue les grandes lignes du sujet entre les historiens des deux pays . Mais elle fut perturbée par un événement imprévu, lié à la transformation soudaine de la vie politique algérienne par la libéralisation du régime politique algérien en 1989 et par la contestation croissante des islamistes. C’est en 1990 que fut créée la Fondation du 8 mai 1945 par l’ancien ministre Bachir Boumaza, natif de Kerrata au nord de Sétif. Suivant l’un de ses premiers manifestes, celle-ci était « née dans un contexte politique dangereux. Celui de la révision insidieuse par certains nationaux, y compris dans les cercles du pouvoir, de l’histoire coloniale. Procédant par touches successives, certains hommes politiques ont, sous prétexte de ‘dépasser’ une page noire de l’histoire coloniale, encouragé la ‘normalisation’ des rapports entre l’ancienne puissance dominatrice et son ancienne colonie ». C’est pourquoi la Fondation s’est donnée pour objectifs de « réagir contre l’oubli et réanimer la mémoire, démontrer que les massacres de Sétif sont un crime contre l’humanité et non un crime de guerre comme disent les Français », pour « obtenir un dédommagement moral » [23]. Ainsi, l’histoire a été mobilisée au service de la mémoire et de la politique au lieu d’être reconnue comme un but propre. L’une des idées directrices de la Fondation est en effet d’interpeller la conscience des Français et des autres peuples européens qui « ne semblent s’indigner que sur l’holocauste commis contre les juifs. Cette ségrégation entre les massacres est une tare du monde occidental » [24]. Bachir Boumaza constate : « On applique et on reconnaît le crime contre l’humanité à propos des juifs, mais pas aux Algériens, dont on oublie qu’ils sont des sémites ». Il présente son action comme un effort pour « décoloniser l’histoire et situer la colonisation dans l’histoire de l’humanité », « une tentative saine et correcte d’écrire l’histoire. Le phénomène colonial est porteur de certaines valeurs qui doivent disparaître. Elles ne le sont pas encore. Et son expression la plus réussie est ce terme de crime contre l’humanité qui est réservé à une catégorie spéciale de la population ». A son avis, la colonisation française en Algérie « présente, dans toutes ses manifestations, les caractéristiques retenues au tribunal de Nuremberg comme un crime contre l’humanité » ; et il ajoute : « J’ai suivi le procès Barbie. Depuis 1830, l’Algérie a connu des multitudes de Barbie », lesquels n’ont pas été condamnés parce que leurs crimes contre des Algériens n’étaient pas considérés comme tels [25]. On voit que l’histoire est ici totalement subordonnée à des motivations politiques extérieures au sujet. Cette revendication s’est largement diffusée en Algérie pendant les années de guerre civile. Sous l’impulsion de la Fondation, les autorités et la presse ont donné un très grand retentissement à chaque anniversaire du 8 mai 1945, et tout particulièrement à son cinquantenaire en 1995. Les discours officiels et les éditoriaux ont alors établi un lien explicite entre la commémoration d’un drame national et l’appel à rétablir l’unité nationale déchirée : « la célébration de ce douloureux anniversaire du massacre de plus de 45.000 Algériens et Algériennes constitue une nouvelle occasion pour interpeller notre conscience sur le sort réservé à ce grand pays qu’est le nôtre, aux prises avec une redoutable crise multidimensionnelle dont l’issue, impatiemment attendue par tous, risque de tarder encore si le bon sens et la sagesse qui nous sont coutumiers font défaut . C’est dans ce sens que M. Mokdad Sifi, chef du gouvernement, a inscrit son intervention remarquée lors de la commémoration de la date historique du 8 mai 1945 », écrit l’éditorialiste d’El Moudjahid [26]. Le quotidien indépendant El Watan a reproduit intégralement ce discours, situé mai 1945 dans une longue série de répressions répétées depuis 1830, invité les intellectuels algériens à « travailler au corps » les démocrates français pour qu’ils diffusent dans leur société un sentiment de responsabilité et de culpabilité [27], et réclamé à l’Etat français des excuses officielles au peuple algérien « pour les centaines de milliers d’innocents assassinés au cours de 130 ans de domination coloniale ». D’après Liberté, la commémoration du 8 mai est aujourd’hui revendiquée par toute la classe politique, et fait même l’objet d’une surenchère [28]. L’ensemble de ces discours et articles commémoratifs, répétés chaque année, paraît une tentative de rassembler les Algériens divisés contre la France, en ranimant la flamme du nationalisme pour ne pas l’abandonner aux islamistes. L’Algérie se trouvait en effet devant un choix difficile. Relancer une « guerre des mémoires » contre la France jusqu’à ce que celle-ci fasse amende honorable pouvait détourner momentanément l’attention des Algériens des défauts de leur système politique, sans garantir pour autant le ralliement de tous les islamistes. Mais céder aux aspirations « révisionnistes » d’un prétendu « Parti de la France » aurait risqué d’encourager la violence islamiste en semblant la légitimer. Le président Bouteflika a choisi la première voie, en suggérant un acte de repentance à la France dans son discours du 15 juin 2000 à l’Assemblée nationale française : « De vénérables institutions, comme l’Eglise, des Etats aussi anciens que le vôtre n’hésitent pas, aujourd’hui, à confesser les erreurs et les crimes qui ont, à un moment ou à un autre, terni leur passé. Que vous ressortiez des oubliettes du non-dit la guerre d’Algérie, en la désignant par son nom, ou que vos institutions éducatives s’efforcent de rectifier, dans les manuels scolaires, l’image parfois déformée de certains épisodes de la colonisation, représente un pas important dans l’œuvre de vérité que vous avez entreprise, pour le plus grand bien de la connaissance historique et de la cause de l’équité entre les hommes » [29]. Le président Jacques Chirac a longtemps fait semblant de ne pas avoir compris cette demande, mais la négociation d’un traité d’amitié entre la France et l’Algérie semble en avoir fait une condition impérative du côté algérien. Le 27 février 2005, le discours prononcé à Sétif par l’ambassadeur de France [30] a paru apporter une première concession française à la demande algérienne, moins d’une semaine après le vote d’une loi mémorielle favorable à la mémoire des Français et des Français musulmans d’Algérie [31]. En tout cas, la revendication algérienne avait trouvé des relais en France même, sans que pour autant ces relais, obéissant à des motivations propres, aient voulu servir inconditionnellement la politique algérienne. En mai 1995, l’association « Au nom de la mémoire » composée de citoyens français originaires d’Algérie a joué un grand rôle dans une première tentative de faire reconnaître « Le massacre de Sétif », par un film ainsi intitulé [32], par la publication d’une version abrégée de la thèse de Boucif Mekhaled [33], et par l’organisation d’un débat à la Sorbonne avec la participation de Bachir Boumaza, et avec l’appui du Monde, de L’Humanité et de Libération. En 2000, quelques semaines après le discours du président Bouteflika à l’Assemblée nationale, le déclenchement par les mêmes organes d’une campagne de presse visant la pratique de la torture par l’armée française sembla, à raison ou à tort, vouloir servir la même revendication algérienne de repentance [34]. En janvier 2005, un manifeste intitulé « Nous sommes les indigènes de la République », voulant exprimer le point de vue des minorités immigrées d’origine africaine et musulmane, annonça une marche pour le 8 mai, anniversaire de la victoire sur l’Allemagne et de la défaite française de Dien Bien Phu, et justifia ainsi son initiative : « Nos parents, nos grands-parents ont été mis en esclavage, colonisés, animalisés. Mais ils n’ont pas été broyés. Ils ont préservé leur dignité d’humains à travers la résistance héroïque qu’ils ont menée pour s’arracher au joug colonial. Nous sommes leurs héritiers comme nous sommes les héritiers de ces Français qui ont résisté à la barbarie nazie et de tous ceux qui se sont engagés avec les opprimés, démontrant, par leur engagement et par leurs sacrifices, que la lutte anti-coloniale est indissociable du combat pour l’égalité sociale, la justice et la citoyenneté. Dien Bien Phu est leur victoire. Dien Bien Phu n’est pas une défaite, mais une victoire de la liberté, de l’égalité et de la fraternité ! » Ce qui justifiait la conclusion suivante : « Le 8 mai 1945, la République révèle ses paradoxes : le jour même où les Français fêtent la capitulation nazie, une répression inouïe s’abat sur les colonisés algériens du Nord-Constantinois : des milliers de morts. Le 8 mai, 60ème anniversaire de ce massacre, poursuivons le combat anticolonial par la première Marche des indigènes de la République ! » [35] L’utilisation du 8 mai 1945 répondait évidemment à la volonté d’exploiter la contradiction entre la version officielle de cette fête nationale, consacrée à l’exaltation de la participation française à la victoire des Alliés sur l’Allemagne nazie, et la version non-conformiste dénonçant une répression coloniale jugée digne des crimes nazis. Mais elle passait sous silence des faits gênants : l’opposition des nationalistes algériens radicaux à la mobilisation des Algériens dans l’armée française en 1939-1940 et de 1942 à 1945, et les projets d’insurrection contre la France avec ou sans l’aide allemande conçus par plus d’un groupe de militants à l’intérieur du parti depuis les débuts de la Deuxième guerre mondiale (faits historiques révélés par les historiens algériens Harbi et Kaddache, et confirmés par d’anciens militants dans la presse algérienne [36]). On voit à travers cet exemple la différence considérable qui sépare l’histoire de la mémoire. Ajoutons que l’examen des travaux d’historiens algériens et français (même ceux dont l’anticolonialisme n’a jamais été mis en doute comme Annie Rey-Goldzeiguer [37] et Charles-Robert Ageron [38]) confirme que la répression du 8 mai 1945 en Algérie a bien été celle d’une tentative d’insurrection nationale insuffisamment préparée, et non pas un « crime contre l’humanité » ou un « génocide colonialiste » unilatéral. Guy Pervillé Les actes de ce colloque seront publiés à l’automne 2006 dans le tome 9 de la série Genshagener Gespräche, Berlin, Brandenburgischen Institut für Deutsch-Französische Zusammenarbeit in Europa, Wallstein Verlag, Göttingen, 2006. [1] Pour plus de détails, voir notre article « Le Maghreb à la fin de la guerre », Historiens et géographes, n° 348, mai-juin 1995, pp. 267-277, et notre livre Pour une histoire de la guerre d’Algérie, Paris, Picard, 2002, pp. 110-116. [2] JORF, Débats de l’Assemblée consultative provisoire, 10, 11 et 18 juillet 1945, pp. 1344-1367, 1371-1384 et 1397-1418. [3] Intervention dans les débats de l’ACP, 18 juillet 1944, op.cit., pp. 1402-1414, et Adrien Tixier, ministre de l’Intérieur, Un programme de réformes pour l’Algérie. Discours prononcé à la tribune de l’Assemblée consultative provisoire le 18 juillet 1945. Paris, Editions de la Liberté, 1945, 52 p. [4] « Crise en Algérie », articles parus dans Combat en mai 1945, reproduits dans les Essais d’Albert Camus, introduits et annotés par Roger Quilliot, Paris, Gallimard-NRF, 1965, pp. 939-959. D’autres réactions d’écrivains ou d’intellectuels sont restées longtemps ignorées, comme celle de Jules Roy, ami d’Albert Camus et de Jean Amrouche : « La France devient là-bas ce que l’Allemagne était en France, mais comment le dire ? » (in Les années déchirement, Journal 1925-1965, Paris, Albin Michel, 1998, p. 248), ou celle de l’ assimilationniste kabyle Augustin Ibazizen (« La faute suprême », pages écrites à l’automne 1945, in Le testament d’un Berbère, itinéraire spirituel et politique, Paris, Editions Albatros, 1985, pp. 155-165). [5] Livre réédité et complété en 1953, puis en 1972 avec une bibliographie commentée et mise à jour, 439 p (voir pp. 261-266). [6] Julien, op. cit., p. 264 (« Genèse et causes du mouvement insurrectionnel »). [7] Voir notamment : « Il y a 13 ans, La « France libre » croyait venir à bout du peuple algérien. », El Moudjahid, n° 23, 5 mai 1958, réédition de Belgrade, t. 3, pp. 447-449, et « Commémoration du 8 mai 1945 », n° 42, 25 mai 1959, réédition, pp. 285-286. [8] Favrod, op. cit., pp. 72-76. [9] Le procès du général Raoul Salan, compte-rendu sténographique, Paris, Editions Albin Michel, pp. 360-364. [10] Voir la deuxième partie, « Les émeutes de mai 1945 (Sétif-Guelma) », pp. 91-169. [11] Paillat, op. cit., pp. 22-84. On y trouve notamment, pp. 66-76, un résumé du rapport du général Tubert, tenu longtemps secret (et publié récemment sur le site internet de la Ligue des droits de l’homme de Toulon : http://www.ldh-France.org). Un autre rapport, celui du secrétaire général du gouvernement général Pierre-René Gazagne, a été publié peu après dans les Mémoires du directeur de L’Echo d’Alger Alain de Sérigny, Echos d’Alger, t. 1, 1940-1945, Presses de la Cité, 1972, pp. 313-344. [12] Courrière, op. cit., pp. 39-46. [13] Aux origines du FLN..., pp. 15-25, 110-112, et p.178 (note 68) : « L’interprétation la plus appropriée de ces évènements est celle de P. Muselli qui à l’Assemblée consultative provisoire (séance du 10.7.1945), déclarait :"il est prouvé que tout le système de l’insurrection étendait sa toile sur l’Algérie entière. Si cette insurrection n’a pas été générale, c’est parce qu’elle a été prématurée et que l’incident de Sétif, qui est à l’origine des évènements, a éclaté inopinement. » [14] Le FLN..., op. cit., pp. 22-30. [15] Kaddache, op. cit., pp. 695-734. [16] 2ème édition, Alger, Office des Publications Universitaires, 1987, 318 p. L’auteur reconnaît que le peuple algérien « n’a pas fait que subir, en victime innocente, une sanglante répression, un complot machiavélique. Il est temps de dire et de souligner qu’il a aussi été l’auteur de ces événements, même s’il a subi un revers, même s’il a payé le prix du sang, le prix de la liberté par des dizaines de milliers de victimes » (p. 9). Il affirme que « le bilan de ces émeutes, de cette révolte et de ces massacres pourrait être réduit à deux nombres : 102 morts européens et quelques dizaines de milliers de musulmans » (p. 182), mais il conclut que « ces journées de violences exercées et subies ont été fécondes en préparant la guerre de libération nationale » (p. 183). [17] Thèse sous la direction du professeur Jean-Claude Allain. J’étais membre du jury, ainsi que Jean-Charles Jauffret. [18] T. 2, Paris, PUF, 1979, pp. 567-578. [19] XXème siècle, revue d’histoire n° 4, octobre 1984, pp 23-38. [20] 8 mai 1945 : la victoire en Europe, s.dir. Maurice Vaïsse, Lyon, La Manufacture, 1985, pp 337-363. [21] Editions Jacques Gandini, 1990, 321 p. [22] T. 1, L’avertissement, 1943-1946, Vincennes, Service historique de l’armée de terre, 1990, 550 p. [23] « Contexte d’une naissance. Contre l’assassinat de la mémoire », cité par le mémoire de maîtrise d’histoire de Mohammed Lamine Tabraketine, La commémoration du 8 mai 1945 à travers la presse française et algérienne, Université de Toulouse-Le Mirail, 2000, p. 51. [24] El Moudjahid, 3 mai 1995, cité par Tabraketine, op. cit., p. 62. [25] Interview de Bachir Boumaza, cité par Ahmed Rouadjia, « Hideuse et bien-aimée, la France... », in Panoramiques, n° 62, 1er trimestre 2003, pp. 210-211. [26] N° du 9 mai 1995. [27] N° du 9 mai 1995. [28] N° du 8 mai 1999. [29] Cité dans El Watan, 15 juin 2000, p. 1. [30] Discours de M. Hubert Colin de Verdières, ambassadeur de France en Algérie, à l’Université de Sétif, dimanche 27 février 2005. Site internet : www.ambafrance-dz.org. [31] La loi du 23 février 2005 sur les rapatriés et les harkis a été à l’origine de polémiques dont nous reparlerons. Voir nos premières analyses sur notre site internet http://guy.perville.free.fr, rubrique « Mises au point ». [32] Film de Mehdi Lallaoui (président de l’association Au nom de la mémoire) et Bernard Langlois. [33] Boucif Mekhaled, Chroniques d’un massacre, Sétif, Guelma, Kherrata, Syros et Au nom de la mémoire, 1995. Cette version abrégée de la thèse antérieure était accompagnée de deux préfaces, par Mehdi Lallaoui et par Jean-Charles Jauffret (lequel a contesté peu après l’objectivité du film que l’autre préfacier en avait tiré). [34] Voir notre article « La revendication algérienne de repentance unilatérale de la France » sur notre site internet http://guy.perville.free.fr. [35] Texte complet sur le site http://lmsi.net/impression.php3 ?id_article=336. [36] Le CARNA (Comité d’action révolutionnaire nord-africain), favorable à une alliance avec les Allemands, fut exclu du Parti du peuple algérien dès mai 1939, mais réintégré en 1943. La victoire allemande sur la France incita d’autres groupes de militants à préparer un soulèvement à partir de juin 1940. Voir notamment la « lettre à Mohammed Lamine Debaghine » de Chawki Mostefaï, dans El Watan, sur le site http://www.elwatan.com/print.php3 ?id_article=8089 (imprimé le 10/12/2004), et Awal, Cahiers d’études berbères, n° spécial « Hommage à Mouloud Mammeri », 1990. [37] Voir son livre Aux origines de la guerre d’Algérie, l’Algérie de 1940 à 1945, La Découverte, 2002. On observe pourtant dans cette étude très approfondie une contradiction entre deux estimations différentes du bilan de la répression : ou bien « La seule estimation possible, c’est que le chiffre dépasse le centuple des pertes européennes » (p. 12), ou bien « J’ai dit en introduction pourquoi il était impossible d’établir un bilan précis des victimes algériennes, dont on peut seulement dire qu’elles se comptent par milliers » (p. 305). Or ces deux affirmations ne sont pas équivalentes. Faut-il conclure, comme Claude Liauzu et Gilbert Meynier dans Le Nouvel Observateur n° 2117, 2 juin 2005, « La seule conclusion que peut faire l’historien : il y eut en effet des milliers de morts, mais s’il est honnête, il n’en dira pas plus » ? Ou parler de 20.000 à 30.000 morts comme Jean-Louis Planche, qui poursuit son enquête depuis dix ans, dans El Watan et dans Le Monde du 8 mai 2005 ? Il est urgent d’élucider ce point capital. [38] Voir son article « Mai 1945 en Algérie, enjeu de mémoire et d’histoire », Nanterre, Matériaux pour l’histoire de notre temps, n° 39, juillet-décembre 1995, pp 52-56 : « Faut-il rappeler ici qu’en histoire de la décolonisation toute insurrection manquée s’appelle une provocation, toute insurrection réussie une Révolution ? Un historien se contentera de noter impartialement que la tentative avortée en mai 1945 devait servir de répétition générale à l’insurrection victorieuse de la Révolution (thawra) de 1954-1962 ».
Car pour ce faire (les éteindre définitivement) faudrait-il qu'il y ait eu depuis 48 ans entre la France et l'Algérie un langage de vérité et de franchise dont il est clair que pour des intérêts multiples n'ayant pas seulement trait à la mémoire de la colonisation, l'on s'en soit en réalité confortablement abstenu.Parce que trop de cadavres encombrent nos placards de part et d'autre de la Méditerranée. Aussi parce que l'on a préfèré, pour solde de tout compte, les postures "courageuses" ayant, sur le dos des victimes de cette guerre fratricide d'indépendance dont on a confisqué les mémoires meurtries, déterminé le camp des "bons", des "méchants", des "justes", des "coupables"...ainsi toute réconciliation sincère est vaine et cela malheureusement perdure. En cela, les Algériens sont tout aussi coupables que les Français. Oui, oui...
R. Bouchareb également car à vouloir faire oeuvre de fiction à force de "raccourcis historiques" il se joue alors des faits, de leur déroulement, de leur contexte, de leurs complexités et subtilités, pour les agrémenter à une sauce grand public ne leurrant que les ignorants faisant "fausse-route" sur les chemins de l'Histoire ne retenant que ceux qui ne sont pas seulement de travers mais surtout d'amertumes . Les victimes de cette guerre d'Algérie qui fut aussi une guerre civile méritent mieux qu'un film qui, s'il se veut de combler les trous de mémoire, raterait le coche semble-t-il. La réconciliation toutefois est un route, mais "copie à revoir" monsieur Bouchareb!
Eric Wagner
Les éléments d'informations suivants au sujet de ce film montrent combien les positions des uns et des autres peuvent être nous seulement opposées, mais aussi contradictoires:
- le point de vue algérien.
Scénario de Olivier Lorelle et Rachid Bouchareb.
Cette version du scénario comprend 134 séquences qui se suivent dans un
ordre plus ou moins chronologique, et dont l’histoire peut se résumer comme suit :
Période 1935-1945.
Propriétaire dans la région de Sétif, M. Souni a trois fils qui sont les
héros de cette histoire :
- Messaoud, 15 ans, transpire en bèchant les terres paternelles,
- Abdelkader, 14 ans, lycéen studieux, rédige contre un pourboire
les rédactions de Gimenez, un riche pied noir bien habillé mais paresseux
et cancre,
- Saïd, 13 ans, cireur de chaussures, est rabroué par les commerçants de Sétif.
- Le caïd arrive en jeep et présente une ordonnance du tribunal les
expulsant de leur terre au profit d’un colon. Ils se réfugient en banlieue de Sétif.
Le 8 mai 1945, les colons tirent par les fenêtres sur les manifestants,
la mitrailleuse des gendarmes fauche des dizaines d’Arabes; accompagnés du caïd, les sénégalais fouillent les mechtas et tuent Souni et ses filles.
Abdelkader est fait prisonnier par le lieutenant Gimenez, son ancien
camarade; il est interné à la prison de la Santé. Saïd venge la famille;
il tue le caïd à l’arme blanche et lui vole son argent.
Ces crimes de 1945 sont illustrés par des images d’archives : soldats en
France et en Algérie, de Gaulle signant l’armistice !, bombardement des
villages, tir sur des Arabes devant une raïma et dans une maison, morts
alignés sur la route, puis jetés dans les gorges de Kherrata.
Période 1945- 1954
- Saïd amène sa mère au bidonville de Nanterre et se reconvertit dans la
prostitution à Pigalle ; il élimine ses concurrents corses et monte une
salle d’entraînement à la boxe,
- Messaoud s’engage ; il est parachuté au Vietnam où il incendie des
paillotes ; prisonnier à Dien Bien Phu, il assiste au camp 113 à
l’autocritique du colonel Mattei. Les images d’archives célébrent la
victoire d’Ho Chi Minh.
- Abdelkader est endoctriné en prison; rallié au FLN (avant que celui-ci
n’existe), il est libéré, devient collecteur de fonds et responsable de
zone 1 à Paris.
Période 1955-1962
- Messaoud est rapatrié du Vietnam, il rejoint Paris et travaille chez Renault avec Abd el Kader; il se rallie au FLN et devient chef de commando, il entraîne ses équipiers au stand de tir de Pigalle,étrangle un responsable MNA et un réfractaire à la cotisation FLN ; marié à
Zohra, il éprouve quelques remords.
- le colonel Mattei, affecté au SDECE, conseille le préfet Papon, et il crée une cellule Main rouge qui noie les suspects dans le canal ou les livre pour exécution aux harkis de Paris; les policiers fouillent et cassent;
- Abd el Kader refuse l’amour d’Hélène,costumière de théâtre et porteuse
de valise; grâce à un policier musulman, il pénètre dans un commissariat
et tue le tortionnaire Picot; Messaoud lui fait rencontrer le colonel
Mattei; ils essaient de se convertir l’un l’autre (sic); Mattei ferme le
cabaret de Saïd,
- Messaoud pénètre dans une caserne des harkis et élimine toute une
unité.
- le FLN incendie les dépôts d’essence en métropole,
- Saïd, qui hésite à rallier le FLN, recrute le Kid d’Alger, un boxeur
qui met KO le champion de France-Nord; il faut qu’il batte les Français
et les nègres (sic), mais Abd el Kader refuse qu’il participe au championnat de France, il le réserve pour le championnat de l’Algérie indépendante; il contraint Saïd à l’éliminer.
- après une nuit d’amour avec Abd el Kader, Hélène est tuée dans
l’explosion de sa voiture piègée par Mattei.
- Abd el Kader et Messaoud se rendent dans une usine allemande
d’armements, ils ramènent dans un port français deux bus chargés d’armes,
ils sont surpris par Mattei au moment où ils vont charger un cargo tchèque; une bagarre dans un entrepôt se termine par la mort de Messaoud, qu’un docteur français bienveillant ne peut sauver; la mère des garçons se griffe le visage de douleur.
- lors de la manifestation du 17 octobre 1961, Abd el Kader est tué dans
le métro par un policier; Mattei s’exclame : tu as gagné !.
- en 1962, Saîd ramène sa mère et Zohra dans leur maison de Sétif, à
moitié détruite. Ils regardent les photos de famille abandonnées par les
colons.
COMMENTAIRES
La lecture du scénario inspire des réactions de rejet, que la vision des
images pourra éventuellement corriger. Mais il ne fait pas de doute que les séquences décrites présentent une vision anticolonialiste et
antimilitariste des évènements. Un certain nombre de faits sont réels, mais ils sont généralement instrumentalisés sous une forme anti-
française.
On peut comprendre l’idéologie nationaliste des frères algériens de
Bouchareb, à condition de ne pas masquer son aboutissement : l’anarchie
de l’été 1962, l’échec du combat pour la démocratie, la mise en place d’une dictature militaire diffusant une culture de guerre, la corruption de certaines élites, la révolte des kabyles, et le terrorisme des islamistes radicaux.
D’autre part, la vérité historique est gravement malmenée.
Voici quelques exemples :
- la spoliation des terres a été pratiquée au 19ème siècle, mais à partir des années 1920, ce sont plutôt les Algériens qui achètent des propriétés agricoles; les notaires de Sétif n’ont enregistré aucune expropriation, sauf pour cause d’intérêt public (barrage de Kherrata).
- la jeep n’existait pas en 1935; le FLN et le MNA sont nés en 1954,
et non en 1945.
- les images d’archives sont falsifiées (films de 1955 transposés en 1945 - bombardements aériens et maritimes non filmés en Algérie - de Gaulle signant l’armistice (sic) de 1945 avec Churchill, Roosevelt et Staline)
- les premières victimes à Sétif ont été des Européens (28 morts et 42 blessés graves), selon le général Tubert, chargé del’enquête officielle, il y eut moins de 40 morts algériens; tout était terminé le 8 mai à midi; il n’y a pas eu à Sétif de tirs des colons par les fenêtres, ni de tirs de gendarmes à la mitrailleuse.
- le film épargne les tirailleurs algériens, qui sont cependant intervenus à Sétif; la mise en scène des Sénégalais ne peut qu’encourager le racisme anti-noir, or les Sénégalais ne sont pas intervenus en ville de Sétif où résidaient les héros du film.
- la répression du 8 mai fut rapide et sans doute trop brutale, mais
ce n’est pas un génocide; 45.000 est à peu près le nombre des manifestants; les historiens compétents font une estimation de 3.000 à
6.000 victimes musulmanes.
- les suspects arrêtés en mai 1945 n’ont pas été transférés à Paris
et ont bénéficié de l’amnistie de 1946.
- Messaoud, affecté au 3ème RTA, ne pouvait pas être parachutiste; après 10 ans de service, il aurait dû être au moins sergent.
- le SDECE était chargé de la lutte contre le FLN hors de France, où
la DST était compétente; les cartes d’identité ne révélaient pas l’appartenance à un service secret.
- de Gaulle en 1954 n’était pas aux affaires.
- des harkis de Paris ont été tués au combat, mais leurs casernes n’ont pas été prises par le FLN; en revanche les harkis de Paris ont démantelé la plupart des commandos de choc du FLN à Paris (réf. Rémy Valat).
- La Main Rouge est une organisation de contre-terroristes qui a sévi en Tunisie; en métropole, il s’est agi d’un canular monté par le commandant Garder (rapport de la S/direction des Affaires criminelles du 6 août 1961),
- C’est le FLN et le MNA qui ont pratiqué des noyades dans la Seine tout au long de l’année 1961; la responsabilité de la police n’est signalée que dans un seul cas, qui reste d’ailleurs à confirmer; la
police ne s’est pas livrée à des explosions de voiture en métropole,
- Le passage d’autobus américains de RFA en France n’est pas vraisemblable, il y avait des ports en Allemagne pour charger l’armement. AEK et Messaoud avaient-ils le permis de conduire des cars ?
DOCUMENTS D’ARCHIVES
Des documents officiels contredisent la thèse du génocide de 1945.
Ils sont ignorés de Bouchareb :
- Message du général de Gaulle au Gouverneur général : «Prendre toutes
mesures nécessaires pour réprimer tous les agissements anti-français d’une minorité d’agitateurs »
- dans son Testament (1994), Ferhat Abbas condamne «les organisateurs
d’émeutes, ceux qui avaient poussé à la violence des paysans désarmés…
ceux qui tels des chiens sauvages se sont jetés sur Albert Denier, secrétaire de la section communiste, auquel un salaud sectionna les mains à coup de hache».
- la délégation du parti communiste auprès du GG, composée de Joannes,
Ouzegane et Caballero, dénonce le 10 mai «les provocations des agents
hitlériens du PPA…»
(référence probable au CARNA)
- le colonel Bourdilla, commandant la Subdivision de Sétif, donne l’ordre formel (le 8 mai à 9.00h) de ne pas tirer, auf cas de légitime défense.
- D’autre part, le colonel Montaner, qui commandait la Force de Police
auxiliaire, dément la thèse du massacre massif et des dizaines de corps
jetés dans la Seine le 17 octobre 1961 (voir revue Guerres mondiales et conflits contemporains, n°206/2002).
- Faut-il rappeler qu’au 19ème siècle, la colonisation n’est pas considérée comme un crime; c’est même une idéologie républicaine que célèbre Victor Hugo : «un peuple éclairé va trouver un peuple dans la nuit». Albert Sarraut et Léon Blum expriment les mêmes sentiments.
- On reste ébahi, écrit le préfet Ben M., devant tant d’erreurs d’ordre
historique, matériel, chronologique et même intellectuel, et tant
d’amalgames… Le peu de vraisemblance historique apparaîtra au plus naïf des spectateurs français, mais il faut se rendre compte que ce scénario
a été écrit pour un autre public, algérien et populaire… Il en résulte la conclusion que le film est mauvais, mais aussi que le cinéaste est mauvais et infantile…
En fait c’est une provocation, très volontaire, qu’ont voulue les producteurs et les sélectionneurs, à la fois dans un but commercial
pour les uns, politique pour les autres.
- Ce film n’est donc pas de nature à apaiser les relations franco-
algériennes,ni la haine des jeunes instrumentalisés par le radicalisme politique.
4° : Un avis très partial…
<http://saidabiida.blog.fr/2010/05/09/l-historien-francais-benjamin-stora-a-denonce-hier-la-campagne-menee-contre-le-film-hors-la-loi-du-cineaste-rachid-bouchareb-8546259/>
http://saidabiida.blog.fr/2010/05/09/l-historien-francais-benjamin-stora-a-denonce-hier-la-campagne-menee-contre-le-film-hors-la-loi-du-cineaste-rachid-bouchareb-8546259/
<http://www.wikio.fr/news/Benjamin+Stora>
http://www.wikio.fr/news/Benjamin+Stora
5° : <http://blog.lefigaro.fr/le-fol/> http://blog.lefigaro.fr/le-fol/
Hervé CUESTA
http://www.lepoint.fr/actualites-medias/2010-05-10/festival-de-cannes-le-film-de-rachid-bouchareb-finance-a-59-par-la-france/1253/0/453127
650.000 euros versés par le CNC
Selon les critères du CNC, le financement du film provient à 59 % de la
France, à 21 % de l'Algérie, à 10 % de la Tunisie, et à 10 % de la Belgique.
Le devis du film atteint, au total, 20,55 millions d'euros. Il s'agit du
quatrième devis français en 2009. Le CNC a fourni une aide sous la forme
d'une avance sur recette de 650.000 euros. La commission de la diversité
a apporté, quant à elle, 50.000 euros. Le film est également soutenu par les filiales cinéma de France 2, France 3, et StudioCanal.
<http://www.setif.info/article4488.html>
http://www.setif.info/article4488.html
2° : Voici ce que dit FREMEAUX :
En sélectionnant ces deux films la même année, le festival de Cannes a donc décidé de mettre Alger et Paris en face de leurs démons.
Et comme le dit Thierry Frémaux, délégué général du festival, «l'art ne se résume pas à échanger des mots d'amour, il contribue aussi à visiter la grande et les petites histoires. Cannes est là pour servir le cinéma et accueillir les débats qui vont avec ».
3° : l’analyse du général M.FAIVRE.
Je n'ai pas vu le film, mais j'ai analysé le scénario.
Contrairement à ce que disent les historiens cités dans le Monde du 5
mai, il ne s'agit pas d'une guerre des mémoires, mais bien d'erreurs historiques grossières, conformes à la "vérité historique" du pouvoir algérien.
Gal Maurice Faivre
http://www.france5.fr/c-dans-l-air/index-fr.php?page=resume&id_rubrique=1445
Sinon, n'oubliez pas de visiter la rubrique "débats/points de rencontre" où le dossier "08 mai 1945" a été ouvert.
Guy Pervillé, historien au sujet du 08/05/45.
Wagner
le 25.05.10 à 12:04
dans q/ Et pendant ce temps là en France.
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